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cinquante-troisième : « Il est écrit que le monde << entier appartient aux fidèles; et les infidèles «< n'ont pas une obole qu'ils possèdent légitime

<< ment. >>

Si, sur ce principe, deux dépositaires viennent m'assurer qu'ils sont fidèles, et si en cette qualité ils me font banqueroute à moi misérable mondain, il est certain qu'ils seront condamnés par le Châtelet et par le Parlement, malgré toute l'économie avec laquelle saint Augustin a parlé.

2

Saint Irenée prétend qu'il ne faut condamner ni l'inceste des deux filles de Loth avec leur père, ni celui de Thamar avec son beau-père, par la raison que la sainte Écriture ne dit pas expressément que cette action soit criminelle. Cette économie n'empêchera pas que l'inceste parmi nous ne soit puni par les lois. Il est vrai que, si Dieu ordonnait expressément à des filles d'engendrer des enfans avec leur père, non seulement elles seraient innocentes, mais elles deviendraient très coupables en n'obéissant pas. C'est là où est l'économie d'Irenée; son but très louable est de faire respecter tout ce qui est dans les saintes Écritures hébraïques : mais comme Dieu qui les a dictées n'a donné nul éloge

Cela est écrit dans les Proverbes, chap. xv11; mais ce n'est que dans la traduction des Septante, à laquelle toute l'église s'en tenait alors.

2 Livre Iv, chap. xxv.

aux filles de Loth et à la bru de Juda, il est permis de les condamner.

Tous les premiers chrétiens, sans exception, pensaient sur la guerre comme les esséniens et les thérapeutes, comme pensent et agissent aujourd'hui les primitifs appelés quakers, et les autres primitifs appelés dunkers, comme ont toujours pensé et agi les brachmanes. Tertullien est celui qui s'explique le plus fortement sur ces homicides légaux que notre abominable nature a rendus nécessaires : « Il n'y a point de règle, << point d'usage qui puisse rendre légitime cet acte « criminel. »

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Cependant, après avoir assuré qu'il n'est aucun chrétien qui puisse porter les armes, il dit par économie dans le même livre, pour intimider l'empire romain: << Nous sommes d'hier, et nous remplis<< sons vos villes et vos armées. >>

Cela n'était pas vrai, et ne fut vrai que sous Constance Chlore; mais l'économie exigeait que Tertullien exagérât dans la vue de rendre son parti redoutable.

C'est dans le même esprit qu'il dit 3 que Pilate était chrétien dans le cœur. Tout son Apologétique est plein de pareilles assertions qui redoublaient le zèle des néophytes.

■ De l'idolatrie, chap. xix. -2. - Ibid., chap. XLII. —— 3 Apologétique, chap. XXI.

I

Terminons tous ces exemples du style économique, qui sont innombrables, par ce passage de saint Jérôme dans sa dispute contre Jovinien sur les secondes noces : « Si les organes de la généra<< tion dans les hommes, l'ouverture de la femme, « le fond de sa vulve, et la différence des deux << sexes faits l'un pour l'autre, montrent évidem<< ment qu'ils sont destinés pour former des en

fans, voici ce que je réponds: Il s'ensuivrait que <«< nous ne devons jamais cesser de faire l'amour,

de peur de porter en vain des membres destinés « pour lui. Pourquoi un mari s'abstiendrait-il de << sa femme? pourquoi une veuve persévèrerait« elle dans le veuvage, si nous sommes nés pour << cette action comme les autres animaux? En quoi <«< me nuira un homme qui couchera avec ma « femme? Certainement si les dents sont faites

« pour manger, et pour faire passer dans l'esto<< mac ce qu'elles ont broyé; s'il n'y a nul mal qu'un homme donne du pain à ma femme, il

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n'y en a pas davantage si, étant plus vigoureux «< que moi, il apaise sa faim d'une autre manière, « et qu'il me soulage de mes fatigues, puisque les << génitoires sont faits pour jouir toujours de leur « destinée. »

«

Quoniam ipsa organa, et genitalium fabrica, et nostra feminarumque discretio, et receptacula vul

I Livre I.

væ,

ad suscipiendos et coalendos foetus condita; sexus differentiam prædicant, hoc breviter respondebo: Nunquam ergo cessemus a libidine, ne frustra hujuscemodi membra portemus. Cur enim maritus se abstineat ab uxore? cur casta vidua perseveret, si ad hoc tantum nati sumus ut pccudum more vivamus? Aut quid mihi nocebit si cum uxore mea alius concubuerit? Quomodo enim dentium officium est mandere, et in alvum ea quæ sunt mansa transmittere, et non habet crimen, qui conjugi meæ panem dederit: ita, si genitalium hoc est officium ut semper fruantur natura sua, meam lassitudinem alterius vires superent; et uxoris, ut ita dixerim, ardentissimam gulam fortuita libido restinguat.

Après un tel passage, il est inutile d'en citer d'autres. Remarquons seulement que ce style économique, qui tient de si près au polémique, doit être manié avec la plus grande circonspection, et qu'il n'appartient point aux profanes d'imiter dans leurs disputes ce que les saints ont hasardé, soit dans la chaleur de leur zèle, soit dans la naïveté de leur style.

ÉCROUELLES.

Écrouelles scrofules, appelées humeurs froides, quoiqu'elles soient très caustiques; l'une de ces maladies presque incurables qui défigurent la

nature humaine, et qui mènent à une mort prématurée par les douleurs et par l'infection.

On prétend que cette maladie fut traitée de divine, parce qu'il n'était pas au pouvoir humain de la guérir.

Peut-être quelques moines imaginèrent que des rois, en qualité d'images de la Divinité, pouvaient avoir le droit d'opérer la cure des scrofuleux, en les touchant de leurs mains qui avaient été ointes. Mais pourquoi ne pas attribuer à plus forte raison ce privilége aux empereurs, qui avaient une dignité si supérieure à celle des rois? pourquoi ne le pas donner aux papes, qui se disaient les maîtres des empereurs, et qui étaient bien autre chose que de simples images de Dieu, puisqu'ils en étaient les vicaires? Il y a quelque apparence que quelque songe creux de Normandie, pour rendre l'usurpation de Guillaume-le-Bâtard plus respectable, lui concéda de la part de Dieu la faculté de guérir les écrouelles avec le bout du doigt.

C'est quelque temps après Guillaume qu'on trouve cet usage tout établi. On ne pouvait gratifier les rois d'Angleterre de ce don miraculeux, et le refuser aux rois de France leurs suzerains. C'eût été blesser le respect dû aux lois féodales. Enfin on fit remonter ce droit à saint Édouard en Angleterre, et à Clovis en France.

Le seul témoignage un peu croyable que nous

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