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étant excommunié, et voyant son royaume mis en interdit, le donna au pape Innocent III et à ses successeurs. «Non contraint par aucune crainte, << mais de mon plein gré et de l'avis de mes barons, << pour la rémission de mes péchés contre Dieu et

l'église, je résigne l'Angleterre et l'Irlande à Dieu, « à saint Pierre, à saint Paul et à monseigneur le << pape Innocent, et à ses successeurs dans la chaire apostolique. >>

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Il se déclara feudataire, lieutenant du pape; paya d'abord huit mille livres sterling comptant au légat Pandolphe; promit d'en payer mille tous les ans; donna la première année d'avance au légat, qui la foula aux pieds, et jura entre ses genoux qu'il se soumettait à fout perdre faute de payer à l'échéance.

Le plaisant de cette cérémonie fut que le légat s'en alla avec son argent, et oublia de lever l'excommunication.

EXAMEN DE LA VASSALITÉ DE NAPLES

ET DE L'ANGLETERRE.

On demande laquelle vaut le mieux de la donation de Robert Guiscard, ou de celle de Jean-sansTerre tous deux avaient été excommuniés; tous deux donnaient leurs états à saint Pierre, et n'en étaient plus que les fermiers. Si les barons anglais s'indignèrent du marché infame de leur roi avec le pape et le cassèrent, les barons napolitains ont

pu casser celui du duc Robert; et, s'ils l'ont pu autrefois, ils le peuvent aujourd'hui.

De deux choses l'une, ou l'Angleterre et la Pouille étaient données au pape selon les lois de l'église, ou selon la loi des fiefs; ou comme à un évêque, ou comme à un souverain. Comme à un évêque, c'était précisément contre la loi de JésusChrist, qui défendit si souvent à ses disciples de rien prendre, et qui leur déclara que son royaume n'est point de ce monde.

Si comme à un souverain, c'était un crime de lèse-majesté impériale. Les Normands avaient déja fait hommage à l'empereur. Ainsi nul droit, ni spirituel ni temporel, n'appartenait aux papes dans cette affaire. Quand le principe est si vicieux, tous les effets le sont. Naples n'appartient donc pas plus au pape que l'Angleterre.

Il y a encore une autre façon de se pourvoir contre cet ancien marché; c'est le droit des gens,

plus fort que le droit des fiefs. Ce droit des gens ne veut pas qu'un souverain appartienne à un autre souverain; et la loi la plus ancienne est qu'on soit le maître chez soi, à moins qu'on ne soit le plus faible.

DES DONATIONS FAITES PAR LES PAPES.

Si on a donné des principautés aux évêques de Rome, ils en ont donné bien davantage. Il n'y a

pas un seul trône en Europe dont ils n'aient fait présent. Dès qu'un prince avait conquis un pays, ou même voulait le conquérir, les papes le lui accordaient au nom de saint Pierre. Quelquefois même ils firent les avances, et l'on peut dire qu'ils ont donné tous les royaumes, excepté celui des cieux.

Peu de gens en France savent que Jules II donna les états du roi Louis XII à l'empereur Maximilien, qui ne put s'en mettre en possession; et l'on ne se souvient pas assez que Sixte-Quint, Grégoire XIV, et Clément VIII, furent près de faire une libéralité de la France à quiconque Philippe II aurait choisi pour le mari de sa fille Claire-Eugénie.

Quant aux empereurs, il n'y en a pas un depuis Charlemagne que la cour de Rome n'ait prétendu avoir nommé. C'est pourquoi Swift, dans son Conte du Tonneau, dit que milord Pierre devint tout-à-fait fou, et que Martin et Jean, ses frères, voulurent le faire enfermer par avis de parens. Nous ne rapportons cette témérité que comme un blasphème plaisant d'un prêtre anglais contre l'évêque de Rome.

Toutes ces donations disparaissent devant celles des Indes orientales et occidentales, dont Alexandre VI investit l'Espagne et le Portugal de sa pleine puissance et autorité divine: c'était donner presque toute la terre. Il pouvait donner de même

les globes de Jupiter et de Saturne avec leurs satellites.

DONATIONS ENTRE PARTICULIERS.

Les donations des citoyens se traitent tout différemment. Les codes des nations sont convenus d'abord unanimement que personne ne peut donner le bien d'autrui, de même que personne ne peut le prendre. C'est la loi des particuliers.

En France la jurisprudence fut incertaine sur cet objet, comme sur presque tous les autres, jusqu'à l'année 1731, où l'équitable chancelier d'Aguesseau, ayant conçu le dessein de rendre enfin la loi uniforme, ébaucha très faiblement ce grand ouvrage par l'édit sur les donations. Il est rédigé ́en quarante-sept articles. Mais en voulant rendre uniformes toutes les formalités concernant les donations, on excepța la Flandre de la loi générale; et en exceptant la Flandre on oublia l'Artois, qui devait jouir de la même exception; de sorte que six ans après la loi générale, on fut obligé d'en faire pour l'Artois une particulière.

On fit surtout ces nouveaux édits concernant les donations et les testamens pour écarter tous les commentateurs qui embrouillent les lois; et on en a déja fait dix commentaires.

Ce qu'on peut remarquer sur les donations, c'est qu'elles s'étendent beaucoup plus loin qu'aux

particuliers à qui on fait un présent. Il faut payer pour chaque présent, au fermier du domaine royal, droit de contrôle, droit d'insinuation, droit de centième denier, droit de deux sous pour livre, droit de huit sous pour livre.

De sorte que toutes les fois que vous donnez à un citoyen, vous êtes bien plus libéral que vous ne pensez; vous avez le plaisir de contribuer à enrichir les fermiers généraux: mais cet argent ne sort point du royaume, comme celui qu'on paye à la cour de Rome.

DORMANS (LES SEPT-).

La fable imagina qu'un Épiménide avait dormi d'un somme pendant vingt-sept ans, et qu'à son réveil il fut tout étonné de trouver ses petits-enfans mariés qui lui demandaient son nom, ses amis morts, sa ville et les mœurs des habitans changées. C'était un beau champ à la critique, et un plaisant sujet de comédie. La légende a emprunté tous les traits de la fable, et les a grossis.

L'auteur de la Légende dorée ne fut pas le premier qui, au treizième siècle, au lieu d'un dormeur nous en donna sept, et en fit bravement sept martyrs. Il avait pris cette édifiante histoire chez Grégoire de Tours, écrivain véridique, qui l'avait prise chez Sigebert, qui l'avait prise chez Métaphraste, qui l'avait prise chez Nicéphore.

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