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LE MARI

CONFIDENT,

COMÉD I E.

Tome X.

A

ACTEURS.

LE BARON.

LA COMTESSE, fille aînée du Baron.

LE COMTE, mari de la Comteffe.

JULIE, cadette du Baron.

LE MARQUIS DE FLORANGE,

UN LAQUAIS du Comte.

La scène eft dans le château du Baron, à quelques lieucs de Paris.

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ONSOLEZ-vous, le temps eft un grand médecin.

LA COMTESSE.

Je ne l'ignore pas; mais vous voulez en vain

Qu'il efface en trois mois le fidéle Florange..

LE BARO N.

Une femme conftante: Oh, rien n'eft plus étrange :

C'est même un ridicule en ce temps-ci.

LA COMTESSE.

Mais je fuis du vieux temps.

D'accord;

Il faut faire un effort::

LE BARO N.

Le devoir, après tout, exige un sacrifice.
LA COMTESSE.

Vous avez prétendu que je vous obéiffe,
Et j'ai pris le mari que vous m'avez donné :
Que voulez-vous de plus?

LE BARON.

Je fuis tout étonné:

Je n'aurois jamais cru que trois grands mois d'absence
N'euffent pû vous guérir; & dans votre conftance
Je foupçonne bien plus d'opiniâtreté,

De contradiction, que de fidélité.

LA COMTESSE.

Quelle injustice, ô ciel ! Vous favez bien, mon pere;
Que Florange m'aimoit, qu'il avoit sû me plaire,
Que nous nous convenions. Cent fois à vos genoux
J'ai prié, j'ai pleuré pour l'obtenir de vous:
Vous avez durement refufé de m'entendre,
A votre autorité mon cœur fut condescendre,
Et j'acceptai l'époux dont vous aviez fait choix;
Mais ce cœur ne put pas fe foumettre à vos loix,
Et conftant malgré moi, me reproche fans ceffe
D'avoir trahi pour vous l'objet de fa tendreffe..
Florange y régne encor.

LE BARO N.

Quoi, m'avoir obéi,

Comme vous le deviez, eft-ce l'avoir trahi?

Pour moi qui ne sens point ni vos feux, ni vos flammes,
Je m'en moque; d'ailleurs la constance des femmes
N'eft, felon mon avis, qu'un être de raison,
Et fur-tout à préfent: on s'aime fans façon,

On.

On aime, on n'aime plus; toute cérémonie,
Du commerce amoureux, eft maintenant bannie.
Vivez pour votre fiécle, & par vos feux conftans
Ne renouvellez pas la mode du vieux temps.
LA COMTESSE.

Ah, mon pere! Eft-ce là la jufte récompense
De mon tendre refpe&t, de mon obéiffance?
Parce que votre cœur n'a jamais rien aimé...
LE BARON.

Quand j'épousai ta mére, il en étoit charmé;
Mais, ma foi, peu de temps après le mariage
L'Amour nous dit adieu pour faire un long voyage.
Avec bien du plaifir je l'aurois retenu,
Mais depuis fon départ il n'est plus revenu.
LA COMTÉS SE.

Voilà ce qui vous rend infenfible à mes peines.
LE BARON.

Enfin l'affaire eft faite, & vos plaintes font vaines.
Après tout,
votre époux eft un homme d'honneur,
Jeune, aimable, bien fait; donnez-lui votre cœur,
Et vous ferez heureuse.

LA COMTESSE.

En fuis-je la maîtreffe

J'eftime mon mari, je l'aime avec tendreffe,
Si la fimple amitié peut mériter ce nom;
C'est tout ce que mon cœur accorde à ma raison,
Elle ne peut encore obtenir qu'il fe livre,
Fidéle à mon devoir, je fais vœu de le fuivre ;
Je le fuivrai fans ceffe, & fans doute qu'un jour
Il faura parvenir à produire l'amour :
C'est l'objet de mes vœux, & fouvent je soupire
De ne pouvoir fur moi gagner affez d'empire.
LE BARO N.

Pauvre Comteffe! au fond tu me fais grand pitié,
Car j'ai toujours pour toi la plus vive amitié.
Tome X.

B

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