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DISCOURS (*)

Prononcé le 25. Août 1723. par M.

NÉRICAULT DESTOUCHES, lorfqu'il fut reçu à la place de M.

CAMPISTRON.

MESSIEURS,

JE me trouve aujourd'hui dans la fituation à laquelle tous les hommes afpirent, & ne parviennent prefque jamais;

(*) L'Académie Françoise ayant remis la réception de M. NERICAULT DESTOUCHES au jour de Saint Louis de l'année 1723, pour rendre encore plus folemnelle la diftribution de fes prix, & s'étant rendue au Louvre avec un très-grand nombre de gens de qualité & de mérite, que la curiofité y avoit attirés, M. NÉRICAULT DESTOUCHES, qu'on recevoit à la place de feu M. CAMPISTRON, prononça ce Difcours.

je fuis au comble de mes vœux, car il faut vous l'avouer hardiment, l'honneur d'occuper une place dans cette illuftre Académie a toujours été le plus vif objet de mon ambition. Je vous dirai plus, MESSIEURS, je n'ai jamais défefpéré de la voir fatisfaire. Quelle témérité! N'en ferez-vous point offenfés? Que j'aurois lieu de le craindre, fi vos fuffrages ne me raffuroient pas ! Je les ai demandés avec ardeur vous vous étes rendus à mon empreffement, ainfi vous me juftifiez vous-mêmes auprès de vous; c'eft à moi de vous juftifier auprès du Public. réaffir,

Que ne ferai-je point pour y & de quelles efpérances ne puis-je point me flatter, affuré déformais de votre fecours, guidé par votre exemple & par vos lumieres, & plus que jamais animé par l'émulation!

Poffeffeurs de tous les talens divers, qui mettent l'efprit & l'érudition dans leur plus beau jour, vous pouvez les communiquer à vos Éléves qui ne les

poffédent pas encore, ou les perfectionner dans ceux qui les poffédent.

Quel bonheur n'eft-ce donc point pour moi, d'entrer aujourd'hui dans une Compagnie fi célébré, qu'elle couvre de fes lauriers immortels tous les Sujets affociés à fes travaux?

Vous voyez, MESSIEURS, que je fens tout le prix de la grace que vous me faites ; il s'agit de vous en témoigner ma reconnoiffance, foyez sûrs qu'elle éclatera toute ma vie. Et de quelle maniere? en afpirant toute ma vie à me rendre digne de cette grace. Je ne vous promets pas des fuccès heureux, mais je vous promets des efforts continuels.

J'apporte ici une parfaite vénération pour vous, un defir ardent de profiter de vos lumieres, la noble ambition de contribuer à votre gloire; c'est tout ce que je puis vous offrir pour vous dédommager de la perte de mon Prédé

ceffeur.

Si vous me comparez avec lui, vos regrets vont fe renouveller : cependant

vous attendez de moi fon éloge ; & plus cet éloge fera digne de lui, plus je travaillerai contre moi-même.

Cette réflexion devroit m'alarmer; mais elle ne m'empêchera point de rendre à M. Campiftron toute la juftice que je lui dois.

Non, MESSIEURS, je ne diffimulerai point qu'il s'étoit rendu célébre avant que de parvenir à voir fes travaux couronnés à l'Académie ; que quoiqu'elle mette le comble aux honneurs des plus grands hommes, il s'étoit acquis des honneurs immortels, en ofant courir la vafte & périlleufe carriere où les Corneilles & les Racines s'étoient furchargés de lauriers.

Eh, dans quel temps encore entreprit-il de marcher fur les traces de ces hommes fi renommés? Lorfque nous étions tout remplis de leurs chef-d'œu→ vres; lorfque nous ne nous laffions point de voir, d'applaudir, d'admirer les uns, de nous laiffer toucher, attendrir, enlever par les autres; lorfque juftement

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