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LA COMTESSE au Comte.

Fort bien; louez-moi.

LE COMT E.

Moi, Madame ?

Je ne fuis pas fi fot que de louer ma femme;
Et je refpe&te trop le fiécle où je suis né,
Pour ofer me piquer d'un goût fi furanné.
LE BARO N.

Vous avez beau railler; avouez, mon cher Comte,
Que vous l'aimez.

LE COMT E.

Qui, moi?

LE BARON.

Vous.

LA COMTESSE au Baron.

Vous lui faites honte.

Il aimeroit fa femme! Il s'en gardera bien.

LE COMTE d'un air froid.

Je pourrois vous aimer, mais on n'en fauroit rien :
Cela fe répandroit, on m'en feroit un crime.

LE BARON à la Comteffe.

Au fond, il a raison.

LE COMT E.

Paffe pour de l'estime,

J'en ai conçu pour vous, & ne m'en cache pas
Entre nous; mais ailleurs, je le dirois bien bas.
LE BARO N.

Vous feriez fagement.:

LA COMTESSE en foupirant.

Peu digne d'être aimée;

Je voudrois mériter au moins d'être eftimée;

Mais vous avez un goût fi délicat ...

LE COMT E.

Vous plaifantez auffi?

Comment,

LA COMTESSE.

Moi; Monfieur? nullement.

LE COMTE.

Oh, fi vous me fàchez, je vais d'un ton gothique
Faire ici tout de bon votre panégyrique,
Et dire à haute voix ce que je vous ai tu.
LE BARON.

'Avouez feulement que fa rare vertu

Vous a frappé.

LE COMTE.

Faut-il vous en donner la preuve ?

Il ne tiendra qu'à vous de me mettre à l'épreuve.
LE BARO N.

Hé bien donc, fur le champ on va vous éprouver.
LA COMTESSE au Comte,

baiffant les yeux.

Vous favez que Florange...

LE BARON en riant.

Elle n'ofe achever.

LE COMTE à la Comteffe.

Vous vous aimiez tous deux, voyez le beau mysteres

Si vous me l'euffiez dit...

LA COMTESSE.

Je crus devoir me taire.

LE COMTE.

Vous auriez éprouvé que j'ai le cœur trop bon
Pour avoir abufé des bontés du Baron:
Je ne vous aurois point enlevée à Florange.
Si vous l'aimez encor, cela n'eft point étrange.
Mais de quoi s'agit-il?

LE BARO N.

Mon cher Comte, entre nous,

Ce qu'on va propofer peut vous rendre jaloux.

LE COMTE.

Moi, jaloux? Oh! Parbleu, ce propos-là me charme, J'ofe vous défier de me donner l'alarmę.

Pour caufer ce foupçon, qu'ai-je dit qu'ai-je fait ?

LA COMTESSE.

Rien du tout.

LE COMT E.

Hé bien donc, parlez-moi.

LE BARON.

Le fujet

Dont on va vous parler, eft propre à faire naître

Quelque fcrupule.

A moi?

LE COMT E.

LE BARON.

Oui.

LE COMT E.

Quoi que ce puiffe être

Je vous promets que non, & vous en fais ferment.

LE BARON.

Je reviens donc, ma fille, à votre fentiment.
LA COMTESSE au Comte.

Vous favez à quel point je brûle de me vaincre,
Je vous l'ai déja dit, il faut vous en convaincre :
Apprenez donc d'abord qu'en perdant tout efpoir,
Florange n'a pas pû renoncer à me voir;
Qu'ayant pendant un temps évité ma présence,
Il ne s'eft point guéri par une longue absence,
Et que depuis hier, de retour à Paris,

Il m'écrit ce billet.

LE COMTE après l'avoir lû.

Je ne fuis point furpris De le voir fi conftant, je le ferois de même.

LA COMTESSE.

Sa conftance me caufe une douleur extrême,

Et m'embarrasse fort.

LE COMTE.

Vous Madame ? Et pourquoi

LA COMTESSE.

Je veux abfolument le détacher de moi;
Et le plus sûr moyen de guérir sa folie,
Seroit de l'engager à rechercher Julie;
Mais, tant qu'il m'aimera, pourrai-je m'en flatter?
LE COMT E.

L'entreprise eft louable, on pourroit la tenter,
Si votre fœur avoit du penchant pour Florange.
LA COMTESSE.

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Pure plaifanterie. Elle a beaucoup d'efprit,
Elle est vive, elle eft gaie & d'une humeur charmante;
Mais je la croi volage, & même indifférente.
Peut-elle de quelqu'un s'entêter tout de bon ?
LE BARO N.

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Veut qu'il foit fon beau-frere, & vivement me preffe
D'adopter fon projet, qui ne me déplaît pas.
Mais qui l'entamera! C'est-là mon embarras;

Car il ne convient point qu'un pere de famille
Aille chercher un gendre & propofer fa fille.

[au Comte.]

Si vous le connoiffiez, vous pourriez lui parler.

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Bel embarras! Rappelez-le vous-même;

Madame, écrivez-lui.

LA COMTESSE.

Mais vous voyez qu'il m'aime

Tout maltraité qu'il eft ; fi je fais ce pas-là,

Il va s'imaginer...

LE COMT E.

Eh, qu'importe cela?

Preffez-le de venir, parlez-lui tête à tête,
Vantez-lui vivement fa nouvelle conquête;
Elle eft digne de lui, tout au moins.

LA COMTESSE.

Il est vrai,

Mais c'eft de vos bontés faire un étrange essai;

Il peut vous tourmenter.

LE COMT E.

O la plaifante idée!

Une fois pour toujours, soyez persuadée

Qu'un homme tel que moi, dès qu'il eft votre époux Doit trop vous estimer pour devenir jaloux.

LA COMTESSE.

Je ne mérite pas...

LE COMT E.

Ah! Petite coquette,

Vous voulez des douceurs? Soyez donc fatisfaite.

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