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dont les noms portent le cachet d'une antiquité irrécusable, et dont la signification est à peu près inconnue; ces noms qui ont traversé, sans être entamés, les civilisations romaine et chrétienne, apparaissent comme les témoins des premiers âges et les preuves vivantes de la situation de la Gaule. » M. Quantin cite, parmi les communes dont l'origine celtique lui paraît incontestable à ce titre : Guerchy, Appoigny, Laduz, Bassou, Aillant, etc.

Quelle qu'ait été l'origine de Guerchy, aucun document historique ne fait mention de ce village avant le Ive siècle. Il faisait partie à cette époque du pagus ou pays de Sens. Le savant moine Héric, et après lui, les autres auteurs du Gesta Pontificum Autissiodorensium, le père Labbe, et le bénédictin Dom Viole, nous apprennent que Rustique et Germanille, père et mère de Germanus, duc et gouverneur pour les Romains de la Marche armorique (4), et qui fut depuis évêque d'Auxerre, étaient seigneurs de la ville et comté d'Auxerre, d'Appoigny, Varzy, Toucy, Perrigny, Guerchy, Fontenay, etc. Ils moururent vers la fin du Ive siècle, et furent inhumés, selon Héric et le père Labbe, à Appoigny, avec grande pompe et magnificence. Guerchy et les autres possessions de Rustique et de Germanille passèrent, à leur mort, à leur fils Germanus.

Germanus naquit en 380, à Auxerre, selon Constance et plusieurs auteurs. Devenu gouverneur pour l'empire Romain de la Marche armorique, il occupait ainsi une des plus hautes situations politiques et militaires de l'empire. Ordonné prêtre par Saint-Amatre, évêque d'Auxerre, et désigné par lui comme son successeur, l'avènement de Germanus à l'épiscopat d'Auxerre eut lieu en 448, époque de la mort de Saint-Amatre. Il fut le sixième évêque de cette ville. Germanus, ayant fait construire sur le Mont-du-Brenn, au nord de la cité d'Auxerre, un oratoire dédié à SaintMaurice (2), lui fit don de sa terre et village de Guerchy, Vuarchiacum in pago senonico, au diocèse de Sens, ainsi

(1) La Marche armorique comprenait cinq provinces: la 1r et la 2o Aquitaine, la 2o et la 3o Lyonnaise et la Sénonaise.

(2) Deux siècles après la mort de saint Germain, cet oratoire fut transformé en une abbaye qui porta son nom. Guerchy appar tint à l'abbaye Saint-Germain jusqu'au milieu du xve siècle.

que des villages de Corvol et de Moulins, dans le diocèse d'Auxerre. Il mourut peu de temps après, à Ravenne, le 23 août 448. Saint Germain avait donné avant sa mort à l'église de Saint-Etienne, bâtie par saint Amatre, ses terres d'Appoigny, Varzy, Poilly, Marnay, Toucy, Perrigny, Cussy et Vercise ou Vercese, qui possédait un château remarquable. Il avait fait présent au monastère de SaintCôme d'un territoire qu'on appelait Monceaux, pour la fourniture du vin, de Fontenoy, pour celle des grains, et de Mézilles, pour l'entretien des bestiaux; comme on le voit, ses possessions territoriales étaient considérables. Guuarchiacus (Guerchy), Mardiniacus (Marnay, commune de Poilly), Pauliacus (Poilly), Colosenogus (SaintCydroine), Erdona près Sens, et Bandritum (Bassou), sont les seuls lieux du pagus Sénonais cités dans les légendes des saints jusqu'au ve siècle, après ceux cités dans l'itinéraire d'Antonin, et qui sont: Clanum (Vulaines), Condate (Montereau), Eburobriga (Avrolles) et Senone (Sens). La paroisse de Warchiaco (Guerchy), est mentionnée dans le Liber sacramentorum, manuscrit de la bibliothèque de Stockhom, écrit au 1x siècle; ainsi que celles de Caceia (Charbuy), Villena (la Villotte), Spinoli (Epineau-les-Vosves), Campumlaicum (Champlay), Kainey (Cheny), Nuillei (Neuilly), Poilei (Poilly), Senono (Senan), Bassau (Bassou), etc. Il est à remarquer qu'une partie de ces centres paroissiaux sont situés sur ou près le Ravillon. Les bords fleuris de l'antique Riot avaient sans doute séduit nos nomades ancêtres, qui s'y fixèrent définitivement. Presque tous les villages qui existent actuellement sur les deux rives de ce ruisseau, ont une origine qui remonte aux époques celtique ou gallo-romaine.

Le pape Eugène III, par une bulle de 1147, confirme l'abbaye de St-Laurent dans la possession de ses biens, parmi lesquels figure « ecclesiam sancti Martini de Garchiaco (1)». Hugo de Varigniaco (2), dominus de Guerchia, figure comme témoin dans une ordonnance rendue en avril 1235 par Guy, comte de Nevers, et Mathilde, sa femme, contre les incendiaires dans les comtés de

(1)« L'église de Saint-Martin de Guerchy."

(2) Verrigny, fief et hameau situés sur la paroisse de Toucy.

Tonnerre, de Nevers et d'Auxerre. (Cartul. de l'Yonne). Le concile de Pise, convoqué en 864 par ordre de Charles le Chauve, et composé de tous les évèques des Gaules, rend un décret pour confirmer les nioines de SaintGermain d'Auxerre dans la possession de leurs biens. Parmi ces possessions figurent: de petits manses à Volgré affectés à la trésorerie; des biens donnés par un noble homme Hérimarus, pour l'entretien des marguilliers, dits nonnones; des manses pour l'hôpital des pauvres à Guerchy, Bassou et Volgré. « Item ad hospitale pauperum Vendonsa cum appendiciis suis, Calniacus, et in Guarchiaco mansum unum, in Bassao mansillum unum cum vineolis, in Vogrado mansum unum etc. » (Original, Arch. de l'Yonne. Cart. gen.) Le 11 juin 884, Carloman, et le 28 octobre 886, l'empereur Charles le Gros, confirment dans les mêmes termes, les mêmes priviléges accordés à l'abbaye de SaintGermain. (Rec. des Hist. de France, Cart. gen.)

Dans son testament en date du 10 septembre 1276, Guillaume de Courtenay, seigneur de Champignelles, constitue Pierre, curé de Guerchy, son exécuteur testamentaire, et lui fait une donation en ces termes : « Item lego Petro, curato de Garchiaco, cappellano meo, totam granchiam meam de Mein cum pertinentiis ad vitam suam possidendam et detinendam (1). »

Un aveu et dénombrement du comté de Joigny, fait au roi, à cause de son comté de Champagne, en 1389, énonce les fiefs de Bussy-en-Othe, Brion, Esnon, Aillant Laduz, Senan, Villemer, Champlay, Guerchy, etc. (Archives de l'Yonne). Ainsi au quatorzième siècle, le fief de Guerchy relève du comté de Joigny, qui rélève du comté de Champagne, lequel appartient au roi.

Voici enfin ce que nous trouvons dans « l'Abrégé de l'extrait fait en la Chambre des comptes de la liasse des adveus et dénombremens en roulleaux estant ez armoires de la Chambre d'Anjou ainsi qu'il en suit », 1389, publié par M. Challe: « ... Item le fief de Guarechy... Item le seigneur de Garchy tient de moyen fief la fort-maison

(1) Item je lègue à Pierre, curé de Guerchy, mais chapelain, toute ma « grange » de même, pour en jouir et disposer sa vie durant.

de Garchy, etc. (Il est fait mention plus loin de messire Simon de Grachy, chevalier sire d'Esnon par sa femme). Item justice et seigneurie grande et petite à Garchy et à Longueron, tant en hommes et femmes, tailles, censives et coustumes portant aux hoirs feu Jean de Pessart et souloient valoir dix-huit livres par an, etc. Item le huictième de la rivière d'Erneau partant à moy et autres personnes. Item à Longueron, à Garchy et à Ladus en tailles, coustumes censives, vignaiges, hommes et femmes portant aux hoirs de Villecendrier et du Plessis qui souloient valoir environ quatre livres, et souloient bien valloir les choses de ce dernier fief pour les deux environ huict livres, » etc., etc.

Voilà tous les renseignements que nous fournissent sur Guerchy, jusqu'au xve siècle, les documents et les auteurs locaux (4).

II.

Le 5 août 1440, Jehan Régnier (2), acheta la terre de Guerchy. Jehan Régnier appartenait à une des familles les plus considérables d'Auxerre. Lebeuf, dans ses mémoires sur l'Histoire civile d'Auxerre, mentionne un Jehan Régnier l'aîné, qui fut gouverneur de la communauté des habitants d'Auxerre (c'est-à-dire échevin) de 4373 à 1379. Il était en 1375, lieutenant du chevalier Beton de Marcenac, seigneur de Marmesse, premier bailli royal de Sens et d'Auxerre depuis l'acquisition de ce dernier comté par Charles V (1370). Un autre Jehan Regnier, appelé le jeune, fut échevin d'Auxerre de 1378 à 1404. Il était, à cette époque, lieutenant de Gasselin du Bos, bailli d'Auxerre, (reg. parlam. 3 sept. 1404. Lebeuf, ibid.) Un Pierre Régnier remplit ces mêmes fonctions en 1387, 1388 et 1410, année de sa mort. Il fut prévôt d'Auxerre en 1404, selon Peincedé, (t. 9 p. 66, arch. de la Côte-d'Or). Un

(1) En 1397, Etienne Ragot, dit de Garchy, chevalier seigneur de Champlost, rendit hommage au roi, en qualité de comte de Champagne, pour sa terre mouvant de Saint-Florentin.

(2) Sans doute à l'abbaye de saint Germain, qui avait succédé à l'oratoire de Saint-Maurice, fondé par saint Germain, dans la propriété des biens légués à l'oratoire par l'évêque.

Jehan Régnier était en 4414, lieutenant pour la capitainerie ou le commandement militaire du bailli d'Auxerre et de Sens. Il présenta, le 6 avril de cette année, au chapitre d'Auxerre, les lettres du roi concernant la paix faite avec les princes. (Reg. cap. Lebeuf.) Le bailli Jehan Régnier était sans doute, ainsi que Philibert Régnier, qui vivait en 1442, le fils de ce dernier.

Un Lubin Régnier était en 1429 seigneur du Deffand et de Vauvrailles et premier queux du roi Charles VII. Il était peut-être le frère de Jehan Régnier, père du bailli.

Nous empruntons les quelques détails biographiques que nous allons donner sur ce premier des seigneurs de Guerchy du nom de Régnier, aux mémoires sur l'Histoire civile d'Auxerre, de Lebeuf, et aux deux remarquables notices consacrées à Jehan Régnier par M. Challe, notices insérées dans les Annuaires de 1843 et de 1874.

Après la ratification de la paix conclue entre le duc de Bourgogne et le duc d'Orléans, chef du parti des Armagnacs, ratification qui fut faite en grande pompe à Auxerre, le 22 août 1412, par le duc de Guyenne, fils de Charles VI, assisté des ducs de Bourgogne, d'Orléans, de Bourbon, de Berry, du roi de Sicile, des principaux comtes, barons, archevêques et évêques de France, le duc de Bourgogne, Jean-sans-Peur, s'étant plaint que les articles de la paix n'étaient point observés, le roi, dit Lebeuf, écrivit au habitants d'Auxerre d'envoyer incessamment deux notables à Paris, afin d'examiner les griefs du duc. L'un des deux députés envoyés à Paris fut Jehan Régnier, qui était à cette époque garde du scel de la prévôté.

Lorsque le duc de Bedfort, régent d'Angleterre et de France pour le roi Henri VI, eut concédé, en 1424, les comtés d'Auxerre, de Mâcon et de Bar-sur-Seine au duc de Bourgogne, Philippe-le Bon, celui-ci créa un balliage particulier à Auxerre. Jehan Régnier, qui était depuis 1417 lieutenant pour la capitainerie du bailli de Sens et d'Auxerre, charge considérable qui lui donnait le gouvernement militaire de tout le pays Auxerrois, devint un des partisans les plus dévoués du duc, qui, pour le récompenser des immenses services qu'il avait rendus, lui conféra l'office de bailli. Il en prit possession le 17

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