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pas précisément manqué ce but; il fait de M. Oufle d'abord un loup-garou, enfuite un homme tourmenté par les lutins, & enfin un magicien qui employe tout fon art pour découvrir les penfées les plus fecrètes de ceux qui l'environnent, fe faire aimer des femmes, trouver la pierre philosophale, & autres rêveries, occupation ordinaire de ceux qui fe laiffent féduire par ces faux preftiges; mais il a furchargé ce joli cadre d'ornemens étrangers & qui, bien loin d'embellir le tableau, nous paroiffent en avoir fait difparoître le principal

mérite.

Nous avons entrepris de réparer ces fautes & de donner cet ouvrage d'une manière propre à piquer la curiofité de nos lecteurs, fans les fatiguer ni exercer leur patience. Nous avons fupprimé

de longues & ennuyeufes differtations qui ne fervent qu'à retarder la marche du roman. On y prouvoit, avec de grands efforts, que les prestiges des magiciens, leurs enchantemens & leurs maléfices, font autant de fupercheries ou plutôt de piéges tendus à l'innocence pour en abuser, ou à la crédulité pour la furprendre & la mettre à contribution. Ces differtations nous paroiffent inutiles, & nos lecteurs n'en ont pas befoin pour être convaincus de la fauffeté de ces fciences prétendues, & pour fe mettre en garde contre le charlatanifme. Nous avons retouché le ftyle & fupprimé les mauvaises plaifanteries dont l'ouvrage n'eft que trop abondamment rempli. Nous pouvons dire que c'eft, en quelque forte, un nouveau roman, mais dont nous fommes

redevables néanmoins à l'abbé Bordelon, à qui feul en appartient l'invention, la conduite & les principaux évène

mens.

Pour juftifier ce que nous venons de dire de l'abbé Bordelon, nous citerons le nouveau Dictionnaire hiftorique, & nous allons donner, d'après cet ouvrage, l'extrait de la vie de notre

auteur.

Laurent Bordelon, né à Bourges en 1653, & décédé à Paris en 1730, eft entré chez le président de Lubert en qualité de précepteur. Ses effais en littérature ont été des pièces de théâtre, aujourd'hui profondément ignorées.

«Le théâtre, dit l'auteur du Dic» tionnaire historique, convenant peu à fon état (il étoit docteur en théologie), il se jeta dans la morale, & la

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>>>>traita comme il avoit fait la comédie: » écrivant d'un style plat & bizarre » des chofes extraordinaires. De tous » ses ouvrages on ne connoît plus ni » fon Mital, ni fon Gongam, ni fon Voyage forcé, &c., &c., &c..... » Il ne refte plus que fon histoire des Imaginations de M. Oufle. Cet Oufle » est un homme a qui la lecture des démonographes à fait perdre la tête. >>> Bordelon ne raconte pas fes extrava»gances avec le même efprit que Cer» vantes a mis dans le récit de celles » de don Quichotte. Son style est si » diffus & fi affommant, que les compilateurs les plus lourds trouveroient » de quoi s'ennuyer. Bordelon difoit qu'il écrivoit pour fon plaifir; mais

"

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il

ne travailloit guères pour celui de » fes lecteurs. Ayant dit un jour que fes

» ouvrages étoient fes péchés mortels, » un plaisant lui répliqua que le public » en faifoit pénitence ».

que

Quelque dure que foit cette critique, on ne peut disconvenir qu'elle n'eft pas entièrement injufte, nous desirons nos lecteurs y trouvent de quoi nous favoir gré de la réduction que nous leur offrons, & qu'ils lifent avec plaifir ce roman tel que nous le leur préfentons.

Il faut ajouter à la louange de l'abbé Bordelon, que fon roman prouve qu'il lifoit beaucoup & avec fruit. On y trouve tout ce qu'il eft poffible de défirer fur la matière qu'il traite, & nous avons confervé avec foin une multitude de notes intéreffantes qui font une preuve de fes recherches & de fon érudition.

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