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arbre, en bœuf, en vipère, en mouche (1); en vache (2); enfin en toutes fortes de for

fromage maléficié, crut qu'étant devenu cheval, il avoir porté de très-pefantes charges, quoique fon corps eût été toujours dans le lit. Saint Auguftin qui rapporte cette hif toire dans la Cité de Dieu, 1. 18, c. 17 & 18, interprète de cette façon tout ce qui a été écrit des merveilleufes transmutations, & de toutes les Lycanthropies d'Arcadie, dont Platon même nous a laiffé quelque chofe par écrit dans le huitième livre de fa République, où il récite cette fable des Arcadiens, pour nous faire comprendre la métamorphofe d'un roi en tyran; les Neures, dont parle Herodote, 1. 4, hift., qui devenoient loups tous les ans pendant quelques jours, ne patiffoient fans doute qu'en la partie imaginaire. Agrippa, de la vanité des sciences, c. 44, m. l. v, t. I, p. 319. De Lancre, p. 266.

(1) La fameuse Empuse, chez Ariftophane, prenoit toutes fortes de figures. Epicarme dit qu'elle paroiffoit tantôt comme un arbre, immédiatement après fous la figure d'un bœuf, tantôt d'une vipère, puis d'une mouche, & après on la voyoit fous la figure d'une belle femme. L'Incr. fçau. p. 96.

(2) J'ai lu autrefois en Albert Krantz, I. 1, Dania, c. 32, que Frothon, roi de Danemarck, prince fort adonné à la magie, tenoit en fa cour une infigne forcière qui prenoit telles formes d'animaux qu'elle vouloit. Cette forcière avoit un fils auffi méchant qu'elle; ils dérobèrent les trésors du roi, & fe retirèrent en leur maison. Le roi les foupçonnant, alla chez la forcière, & elle le voyant entrer, fe changea en vache & fon fils en bouvard. Ce prince s'étant approché

mes (1). C'étoit en vain qu'il apprenoit dans quelques ouvrages, que les loups-garoux, s'il en existe, ne font que l'effet d'une imagination troublée, qui perfuade qu'on eft véritablement loup, & qui en fait faire prefque toutes les actions; ce qu'on appelle lycanthropie (2). Souvent encore les prétendus loups-garoux, font des gens qui, pour fe divertir, ou pour quelqu'autre raifon (3), courent

de cette vache, pour la bien confidérer, elle lui donna un fi grand coup de corne dans les flancs, qu'elle le jeta mort fur la place. Le Loyer, p. 142.

(1) On lit dans Diodore Sicilien, l. 5, Biblioth., que les Telchines, premiers habitans de Rhodes, fe changeoient en telles formes d'animaux qu'ils vouloient, id. p. 141.

(2) On préfenta, dit Sabin, au traité de la Nativité des Sorciers, avec Jean Euvich, à Pomponace, célèbre médecin Italien, un malade atteint de lycanthropie, que des villageois ayant trouvé couché dans du foin, & pris pour un loup, d'autant qu'il difoit être tel & leur crioit qu'ils eussent à s'enfuir, autrement qu'il les mangeroit, avoient commencé à l'écorcher pour favoir s'il avoit le poil de loup fous la peau, felon l'opinion erronnée du vulgaire. Mais ils le lâchèrent à la requête de Pomponace, qui le guérit de fa maladie. Médit. Hift. de Camer. t. I, 1. 4, c. 12.

(3) Baram, roi de Bulgarie, par fes preftiges, prenoir la figure d'un loup, ou d'un autre animal, pour épouvanter fon peuple. L'Incred. fçau., p. 65. On lit dans Liutprand, 1. 3, c. 8, Rerum per Europam geftarum; & dans Sigiber, in Chronogr., que c'étoit Bajan, fils de Simon, roi des Bulgares. Le Loyer, p. 142.

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les rues pendant la nuit, en faifant des hurlemens épouvantables, & cela, afin de faire peur aux gens fimples, qui n'ofent mettre la tête à la fenétre, & fe perfuadent que, s'ils avoient cette témérité, le diable ne manqueroit pas de leur tordre le cou.

M. Oufle ne doutoit donc point qu'il ne fût très-poffible d'être changé en différentes formes. Il croyoit avec la même certitude, qu'il n'étoit point du tout difficile de faire ce changement fur d'autres; que l'on pouvoit changer, par exemple, un marchand de vin en grenouille (1); qu'une femme pouvoit donner à un homme la forme d'un caftor (2); à un autre celle d'un âne (3); enfin il ne trouvoit aucune difficulté pour ces tranfmutations, parce qu'il avoit lu qu'elles avoient été exécutées. Il croyoit avec la même complaifance, ou plutôt avec la mème foibleffe d'efprit,

(1) Une forcière changea en grenouille un cabaretier à qui elle en vouloit. Delrio. Difquif. mag., p. 124.

(2) Une autre forcière, pour fe venger de l'infidélité d'un homme qu'elle aimoit, le changea en castor avec une feule parole. Cet animal s'ôte fes tefticules pour le délivrer de ceux qui le poursuivent.

(3) Un jeune homme qui demeureit en Chypre fut changé en âne par une forcière. Guillaume, archevêque de Tyr. Spranger, inquifiteur. Démonomanic de Bodin,

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que des rofes (1), ou une fourche (2), ou d'autres chofes pareilles, pouvoient rendre la première forme à ceux qui avoient fubi ces tranf-, formations.

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On voit bien qu'avec de pareilles opinions ce pauvre homme étoit très-difpofé à tomber dans de très-grandes extravagances. On en fera parfaitement convaincu par les aventures qu'on va lire, on y apprendra comment notre héros crut être loup-garou, & ce qu'il fit après s'être mis dans l'efprit cette folle imagination.

(i) L'Ane d'or d'Apulée.

(2) Guérir les malades du loup-garou en leur donnant un coup de fourche, juftement entre les deux yeux, Cir,

CHAPITRE II I.

Comment M. Oufle crut être loup-garou, & ce que fon imagination lui fit faire.

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N des jours du carnaval, M. Oufle donna à fouper à toute fa famille, & à quelques-uns de fes amis. On y mangea abondamment, & on y but de même; car quoiqu'il fût visionnaire & fuperftitieux, il ne laiffoit pas d'aimer la bonne chère & la joie, à condition pourtant qu'on ne renverferoit point de falière, qu'on ne metrroit point de couteaux en croix, & qu'on ne feroit point treize à table. Il mit ce foir-là tout le monde en train; pour exciter à boire, il portoit continuellement des fantés, & fatisfaifoit exactement à celles qu'on lui portoir à lui-même; de forte qu'il prit un peu plus de vir que fa tête n'en pouvoit porter. Madame Oufle ravie de le voir fi gaillard, fe donna bien de garde de faire naître l'occafion de parler de divinations, d'apparitions ou de fortilèges, tant elle craignoit qu'il ne changeât d'humeur.

Après le repas,, & une converfation fort animée & fort enjouée fur plufieurs matières, comme il arrive prefque toujours quand le vin fe met de la partie, tous fe retirèrent très-contens les uns

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