Que le nord eût portés jusque-là dans ses flancs. Le vent redouble ses efforts, Et fait si bien qu'il déracine Celui de qui la tête au ciel était voisine, Et dont les pieds touchaient à l'empire des morts 30 XLV. LE COCHE ET LA MOUCHE. Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé, Six forts chevaux tiraient un coche. Femmes, moine, vieillards, tout était descendu : Une mouche survient, et des chevaux s'approche, S'assied sur le timon, sur le nez du cocher. Et qu'elle voit les gens marcher, Elle s'en attribue uniquement la gloire, Va, vient, fait l'empressée: il semble que ce soit La mouche, en ce commun besoin, Se plaint qu'elle agit seule, et qu'elle a tout le soin; 5 ΙΟ 15' Le moine disait son bréviaire : Il prenait bien son temps! une femme chantait : Après bien du travail, le coche arrive au haut : Ainsi certaines gens, faisant les empressés, S'introduisent dans les affaires : Ils font partout les nécessaires, 20 25 30 XLVI. LE COQ ET LE RENARD. Sur la branche d'un arbre était en sentinelle Frère, dit un renard, adoucissant sa voix, Nous ne sommes plus en querelle : Paix générale cette fois. Je viens te l'annoncer; descends, que je t'embrasse; Ne me retarde point, de grâce; Je dois faire aujourd'hui vingt postes sans manquer. Les tiens et toi pouvez vaquer, Sans nulle crainte, à vos affaires. Nous vous y servirons en frères. 5 ΙΟ Faites-en les feux dès ce soir; Le baiser d'amour fraternelle. —Ami, reprit le coq, je ne pouvais jamais De cette paix ; Et ce m'est une double joie De la tenir de toi. Je vois deux lévriers, Qui, je m'assure, sont courriers Que pour ce sujet on envoie : 15 20 Ils vont vite, et seront dans un moment à nous. Une autre fois. Le galant aussitôt Tire ses grègues, gagne au haut, Et notre vieux coq en soi-même Se mit à rire de sa peur; Car c'est double plaisir de tromper le trompeur. 30 XLVII.-CONSEIL TENU PAR LES RATS. Un chat, nommé Rodilardus, Faisait de rats telle déconfiture Que l'on n'en voyait presque plus, Tant il en avait mis dedans la sépulture. Le peu qu'il en restait, n'osant quitter son trou, Non pour un chat, mais pour un diable. Le galant alla chercher femme, Pendant tout le sabbat qu'il fit avec sa dame, Dès l'abord, leur doyen, personne forte prudente, Qu'ainsi, quand il irait en guerre, De sa marche avertis ils s'enfuiraient sous terre: Chacun fut de l'avis de monsieur le doyen : 5 ΙΟ 15 20 L'un dit "Je n'y vas point, je ne suis pas si sot;" L'autre: "Je ne saurais." Si bien que sans rien faire On se quitta. J'ai maints chapitres vus Qui pour néant se sont ainsi tenus; Chapitres, non de rats, mais chapitres de moines, Voire chapitres de chanoines. Ne faut-il que délibérer ? La cour en conseillers foisonne : Est-il besoin d'exécuter? L'on ne rencontre plus personne. 25 XLVIII.-LE RENARD, LE LOUP ET LE CHEVAL. Un renard, jeune encor, quoique des plus madrés, Beau, grand; j'en ai la vue encor toute ravie. Que vous aurez en le voyant. Mais venez. Que sait-on? peut-être est-ce une proie Que la fortune nous envoie. Ils vont; et le cheval, qu'à l'herbe on avait mis, Fut presque sur le point d'enfiler la venelle. Leur dit Lisez mon nom, vous le pouvez, messieurs ; 5 ΙΟ 15 20 Mes parents, reprit-il, ne m'ont point fait instruire; 25 |