FABLES DE LA FONTAINE. I.-LE RENARD ET LES RAISINS. CERTAIN renard gascon, d'autres disent normand, Et couverts d'une peau vermeille. Le galant en eût fait volontiers un repas; Mais comme il n'y pouvait atteindre : "Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats." Fit-il pas mieux que de se plaindre? 5 II.-LE CHIEN QUI LÂCHE SA PROIE POUR L'OMBRE. Chacun se trompe ici-bas : On voit courir après l'ombre La plupart du temps, le nombre. Au chien dont parle Ésope il faut les renvoyer. 5 Ce chien voyant sa proie en l'eau représentée A toute peine il regagna les bords, Et n'eut ni l'ombre ni le corps. III.-LA POULE AUX ŒUFS D'OR. L'avarice perd tout en voulant tout gagner. Que celui dont la poule, à ce que dit la fable, Pondait tous les jours un œuf d'or. Il crut que dans son corps elle avait un trésor ; A celles dont les œufs ne lui rapportaient rien, Belle leçon pour les gens chiches! Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vus Pour vouloir trop tôt être riches! I 5 ΙΟ V.-LE LION DEVENU VIEUX. Le lion, terreur des forêts, Chargé d'ans et pleurant son antique prouesse, Devenus forts par sa faiblesse. Le cheval s'approchant lui donne un coup de pied; Le loup, un coup de dent; le boeuf, un coup de corne. Il attend son destin, sans faire aucunes plaintes, 5 ΤΟ VI.-PAROLE DE SOCRATE. Socrate un jour faisant bâtir, Chacun censurait son ouvrage. L'un trouvait les dedans, pour ne lui point mentir, L'autre blâmait la face, et tous étaient d'avis Que les appartements en étaient trop petits. Quelle maison pour lui! l'on y tournait à peine. "Plût au ciel que de vrais amis, Telle qu'elle est, dit-il, elle pût être pleine!" Le bon Socrate avait raison De trouver pour ceux-là trop grande sa maison. 5 10 |