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Près de là passe une cigogne.

Il lui fait signe; elle accourt.

Voilà l'opératrice aussitôt en besogne.

Elle retira l'os; puis, pour un si bon tour,
Elle demanda son salaire.
"Votre salaire! dit le loup :

Vous riez, ma bonne commère !
Quoi ce n'est pas encor beaucoup
D'avoir de mon gosier retiré votre cou!
Allez, vous êtes une ingrate :

Ne tombez jamais sous ma patte."

ΙΟ

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XIV. LE LABOUREUR ET SES ENFANTS.

Travaillez, prenez de la peine:

C'est le fonds qui manque le moins.

Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
"Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage
Que nous ont laissé nos parents:

Un trésor est caché dedans.

pas l'endroit t; mais un peu

Je ne sais
de courage
Vous le fera trouver: vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'août :
Creusez, fouillez, bêchez; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse."

La père mort, les fils vous retournent le champ,
Deçà, delà, partout; si bien qu'au bout de l'an

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ΙΟ

LA GÉNISSE, LA CHÈVRE ET LA BREBIS, ETC.

Il en rapporta davantage.

D'argent, point de caché. Mais le père fut sage
De leur montrer, avant sa mort,

Que le travail est un trésor.

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XV. LA GÉNISSE, LA CHÈVRE ET LA BREBIS, EN SOCIÉTÉ AVEC LE LION.

La génisse, la chèvre, et leur sœur la brebis,
Avec un fier lion, seigneur du voisinage,
Firent société, dit-on, au temps jadis,

Et mirent en commun le gain et le dommage.
Dans les lacs de la chèvre un cerf se trouva pris.
Vers ses associés aussitôt elle envoie.

Eux venus, le lion par ses ongles compta;

Et dit: "Nous sommes quatre à partager la proie." Puis en autant de parts le cerf il dépeça ;

Prit pour lui la première en qualité de sire:

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'Elle doit être à moi, dit-il; et la raison,

C'est que je m'appelle lion:

A cela l'on n'a rien à dire.

La seconde, par droit, me doit échoir encor :

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Ce droit, vous le savez, c'est le droit du plus fort. 15
Comme le plus vaillant, je prétends la troisième.

Si quelqu'une de vous touche à la quatrième,
Je l'étranglerai tout d'abord."

XVI. LE LION ET LE RAT.

Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde :
On a souvent besoin d'un plus petit que soi.
De cette vérité deux fables feront foi;

Tant la chose en preuves abonde.

Entre les pattes d'un lion

Un rat sortit de terre assez à l'étourdie.
Le roi des animaux, en cette occasion,
Montra ce qu'il était, et lui donna la vie.
Ce bienfait ne fut pas perdu.

Quelqu'un aurait-il jamais cru
Qu'un lion d'un rat eût affaire?
Cependant il avint qu'au sortir des forêts
Ce lion fut pris dans des rets,

Dont ses rugissements ne le purent défaire.
Sire rat accourut, et fit tant par ses dents
Qu'une maille rongée emporta tout l'ouvrage.

Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage.

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ΙΟ

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XVII. LE CORBEAU ET LE RENARD.
Maître corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître renard, par l'odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage:

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Hé! bonjour, monsieur du corbeau.

Que vous êtes joli! que vous me semblez beau!

Sans mentir, si votre ramage

Se rapporte à votre plumage,

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Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois."
A ces mots le corbeau ne se sent pas de joie ;
Et, pour montrer sa belle voix,

Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.

Le renard s'en saisit, et dit: "Mon bon monsieur, Apprenez que tout flatteur

Vit aux dépens de celui qui l'écoute:

Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute."

Le corbeau, honteux et confus,

Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.

ΙΟ

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Un vieux renard, mais des plus fins,

Grand croqueur de poulets, grand preneur de lapins,
Sentant son renard d'une lieue,

Fut enfin au piège attrapé.

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