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qu'on lui reproche, et dont elle s'honore, l'Académie propose, pour sujet de son ancien prix d'éloquence à décerner en 1840, l'éloge, ou si l'on veut, la notice historique de madame de Sévigné, c'est-à-dire, l'analyse et la peinture de ce que l'esprit naturel, l'imagination et le goût ont inspiré de plus original et de plus délicat dans le siècle de la politesse et des lettres. Là reparaîtront tous ces souvenirs, dont l'esprit de nos temps modernes s'écarte quelquefois avec raison, mais qu'il ne peut ni négliger ni méconnaître.

Ces souvenirs, Messieurs, nous aimons à les réunir aux illustrations plus récentes de la patrie et au génie nouveau de ses institutions. C'est dans cette pensée que l'Académie avait proposé pour sujet aux candidats du prix de poésie le Musée de Versailles.

Ce concours, dont il me reste à vous parler, a produit beaucoup de pièces de vers, descriptives et lyriques. L'Académie en a surtout distingué quatre, où le talent se montre à degrés inégaux, mais marqués. Ce n'est pas, Messieurs, qu'ailleurs même il ne se rencontre des vers heureux, des traits expressifs, et quelque chose des nobles sentiments que fait naître la pensée royale et vraiment patriotique du nouveau Versailles. Mais l'art et la force manquent souvent; et il en est de beaucoup de ces pièces de poésie comme de quelques tableaux du musée qu'elles célèbrent: elles ajoutent au nombre, sans ajouter à l'éclat du Concours.

Toutefois, Messieurs, en songeant à la difficulté d'un sujet si vaste, et rebattu par l'admiration publique, on peut avoir de justes éloges à décerner, avant même d'arriver à la pièce préférée par l'Académie. L'ouvrage no 3 qui, sous cette épigraphe,

« Athène existe encore, et Rome n'est pas morte, »>

a seulement disputé l'honneur d'une mention, respire le

plus noble enthousiasme pour nos grands génies littéraires, que l'auteur nomme de préférence parmi les autres héros du musée national. On peut y soupçonner la main d'une femme, à quelques traits purs et délicats sur Jeanne d'Arc, dont la statue rappelle au poëte un autre souvenir, au plutôt un deuil tout récent, celui de la princesse, pleurée sans flatterie, qui près du trône fut mieux que la protectrice des arts, qui les cultiva d'instinct et par étude, et qui, jeune fille avec un cœur de reine, consacra son ciseau à reproduire, sous des traits d'une douceur héroïque, le plus saint modèle de la pureté virginale et du dévouement à la patrie.

La même allusion touchante se retrouve dans plusieurs pièces du concours, comme si elle appartenait à une pensée commune du pays, autant qu'à l'inspiration du poëte.

Une ode sous le n° 11 a mérité, pour d'autres beautés de détail, une mention particulière. L'auteur, M. Masselin, qui a pris pour épigraphe deux vers de Virgile, paraît avoir étudié dans les grands maîtres la correction et l'élégance.

La pièce qui a le plus approché du prix, enfin, et qui a fait hésiter les juges, est évidemment l'ouvrage d'un homme de talent, que des études sévères ont conduit ou ramené à la pureté classique, sans que son imagination en ait moins d'éclat et de liberté. La fiction de ses vers, qui me rend peut-être partial pour lui, n'est autre que le récit supposé d'un des élèves de nos colléges accueillis et conduits dans les galeries de Versailles par le Roi, qui leur a donné ses fils pour camarades et pour rivaux d'études. Le poëte, un peu trop habile pour un écolier, décrit avec talent et les siècles qui ne sont plus, et le siècle qui commence; et il ne manque ni de grâce ni de force, soit qu'il rêve les fêtes enchantées et la cour pompeuse de l'antique

Versailles, soit qu'il montre les héros parvenus dans nos guerres de la révolution :

Ces soldats inspirés, dont la race est en France.

L'Académie, en appréciant cet ouvrage qui honore le talent de M. Ernest Fouinet, a réservé le prix pour une composition lyrique, dont le mouvement heureux et le tour poétique ont entraîné ses suffrages. L'auteur, madame Louise Colet-Revoil, a pris pour devise un des vers de son poëme :

« Versailles, c'est le Panthéon. »

Et elle n'est pas restée trop au-dessous de l'enthousiasme qui lui fait jeter ce cri d'apothéose.

Je n'ai pas à louer ce que le public va juger. L'auteur ne lira pas elle-même son ouvrage, comme le fit avec tant de succès, il y a deux ans, le lauréat de l'Arc de Triomphe. La règle de l'Académie est inflexible: et elle ne permet, dans cette enceinte, que la séduction du talent et l'ascendant gracieux des beaux vers.

RAPPORT

SUR

LES CONCOURS DE L'ANNÉE 1843.

MESSIEURS,

Les prix fondés par un philosophe bienfaisant du dernier siècle pour l'encouragement des bons livres, des livres utiles au progrès moral, devaient recevoir de nos jours une application de plus en plus immédiate, et se lier à tous les efforts, que fait maintenant l'État pour l'instruction et le bien-être du grand nombre. De même que cette Académie, uniquement destinée dans l'origine à rehausser l'éclat des arts de l'esprit, se plait aussi à la mission nouvelle de rechercher et d'honorer publiquement les plus humbles vertus; ainsi, et dans la même vue, elle décerne volontiers les récompenses du talent aux ouvrages solides et purs qui peuvent le mieux préparer de zélés instituteurs et de salutaires leçons pour les écoles du peuple. Et en cela, sans doute, elle ne croit pas déroger. Il lui semble, au contraire, qu'elle embrasse un des soins les plus graves de l'avenir, et qu'elle contribue pour sa part à un des plus nobles résultats du règne et du temps actuels.

En effet, lorsque, dans cette France où les premiers

rangs de la société polie avaient longtemps jeté tant d'éclat, et où le génie des lettres brillait sans cesse à l'horizon, deux hommes d'une infatigable et modeste vertu, l'abbé de La Salle et le chevalier Paulet, furent touchés profondément de l'ignorance misérable des enfants du peuple, et qu'alors l'un d'eux fonda les écoles des frères, et que l'autre après lui multiplia par l'enseignement mutuel le bienfait des écoles laïques, ils étaient loin d'espérer que cette œuvre tardive s'accroîtrait si rapidement, et que, dans le siècle suivant, chaque commune de France aurait son école à côté de son église. L'opinion même du monde savant était partagée sur cette question. Le paradoxe anti-social vantait la rude ignorance des classes les plus pauvres; le préjugé politique croyait cette ignorance nécessaire, et ne concevait pas qu'elle fût jamais remplacée par une instruction élémentaire universellement répandue.

Cette transformation, jugée suspecte, inutile, impossible, s'est réalisée cependant; et, ce qui doit augmenter l'étonnement et l'espérance, elle a cheminé assez vite, quoique souvent interrompue, traversée, ralentie par les événements et les passions. L'homme illustre, assis aujourd'hui parmi nous, qui a tant honoré la tribune nationale et l'enseignement public, disait, il y a plus de vingt ans, dans cette même enceinte, que « la raison << étendant incessamment son empire, avait enfin relevé << l'instruction primaire de l'abaissement, où elle languis<< sait oubliée... et qu'un jour, en France, il serait donné « à tous de lire la parole de Dieu et la loi du pays. » Bien des obstacles alors rendaient douteuse et lointaine l'exécution d'un tel vou. Celui qui le formait cependant, et qui avait à le protéger de son intègre et puissante éloquence, le voit maintenant presque accompli. Dix années seulement, les dix dernières où cette grande œuvre a été

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