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en le fuivant, non-feulement ils fe maintinrent libres au milieu de tant de grandes villes, de tant de groffes puissances & de tant de Tyrans, mais encore ils affranchirent & fauverent la plûpart des

Grecs.

Quant aux mœurs d'Aratus, il étoit naturellement honnête & poli, magnanime, plus attentif Portrait d' Avatus, à l'interêt commun qu'au fien propre, implaca

fion ne font pas les feules caufes de la ruine des Etats, il y en a une autre, qui n'eft pas moins infaillible, c'eft l'envie qu'on porte fouvent aux hommes les plus vertueux, quand ils fe trouvent à la tête des affaires. Car elle porte à leur défobéir, à troubler leurs fages mefures, à traverfer leurs plus grands deffeins & à faire des cabales pour les débufquer, d'où s'enfuit une perte inévitablc. L'Hiftoire fournit mille exemples de cette verité, & fi nous voulions, nous en trouverions de domestiques.

Quant aux mœurs d'Aratus, il étoit naturellement honnête & poli, magnanime, plus attentif à l'interêt commun, qu'au fien propre. Le portrait que Plutarque fait ici d'Aratus, eft conforme à celui que Polybe en a laiffé dans fon iv. Liv. Le Lecteur ne fera pas fâché de le voir. Aratus étoit un homme accompli de tout point pour être à la tête des affaires, car il fçavoit bien parler & bien penfer, & cacher ce qu'il avoit réfolu. Il Supportoit doucement les

differens qui s'élevent fouvent dans les déliberations; il ne cédoit à perfonne dans l'art de faire des amis & des alliances; il étoit très-propre à faire des entreprises contre les ennemis, à leur dreffer des embûches, & à les conduire à une heureufe fin, par fa patience & par fon audace. C'efl ce que témoignent mille actions qu'il a faites, &c. Cependant le même Aratus toutes les fois qu'il étoit question d'agir à découvert, étoit lent à former fes réfolutions, & timide à les exécuter. En présence de l'ennemi il ne pouvoit foûtenir la vie du danger, De-là vient que tout le Peloponese a été rempli de trophées de fes défaites, & que de ce côté-la il pouvoit être toujours facilement vaincu. C'est ainsi que la nature a mis des qualitez differentes & contraires, non-feulement dans les corps des hommes mais encore plus dans les efprits. De forte que le même homme n'est plus le même, non feulement dans les differentes operations, mais dans les mêmes, & dans celles aufquelles il eft le plus heureusement né.

qu'Aratus avoit

pour fa baine

fon amitié.

1. Seule vagle ble ennemi des Tyrans, & il n'avoit jamais pour fa haine ni pour fon amitié d'autre regle que l'utilité publique. De-là vint qu'il ne parut pas fi bon & fi parfait ami, qu'ennemi doux & humain. Car dans l'occafion il changeoit fouvent ses amitiez & ses haines, & toûjours pour le bien de l'Etat. En un mot c'étoit le confentement général des nations, des communautez, des villes, & des afsemblées de theatres, elles publioient toutes d'une Bel éloge d' Ara- commune voix, qu'Aratus n'aimoit que ce qui étoit beau & honnête, que véritablement pour les guerres ouvertes & les batailles rangées il étoit timide & défiant, mais que pour exécuter des deffeins fecrets, pour en dérober la connoissance à l'ennemi, pour furprendre des villes & des TyLe plus bardirans, c'étoit le plus hardi & le plus rufé de tous duire des deffeins les hommes.

tus.

Aratus timide pour les guerres ou

vertes les batailles.

plus rufé pour con

Jecrets,

De-là vint qu'après avoir exécuté des entreprifes très-difficiles, où il n'y avoit nulle apparence de fuccès, dans lesquelles il montra beaucoup de courage & d'audace, il en manqua beaucoup d'autres, qui n'étoient pas moins confidérables & qui paroiffoient très-poffibles, & il les manqua par trop de timidité & de précaution. Car comme gles le jour, & qui parmi les animaux on en trouve qui voyent

Animaux aven

Car tantôt il est très-vif& très-in-
genieux, & tantôt très-pefant
très-ftupide; aujourd'hui hardi &
courageux, demain très-poltron &
très-timide. Ce portrait éclaircit
celui que Plutarque a fait.

Car comme parmi les animauxe on en trouve. ] Plutarque a pris un autre tour: Car il femble dit-il, que ce n'eft pas feulement parmi les animaux qu'on en trouve qui voyent clair pendant les réné

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nuit.
La caufe de cette
contrarieté.

Le même homme

timide le jour.

clair pendant les ténébres de la nuit, & qui font voyent clair la aveugles le jour, la féchereffe & la fubtilité de l'humeur aqueuse de leurs yeux ne pouvant supporter la lumiere; de même parmi les hommes les plus courageux & les plus hardis on en voit courageux la nuit, qui fe démentent naturellement & qui perdent courage dans les dangers où il faut aller en plein jour & à découvert, & qui au contraire s'afsûrent & montrent une audace étonnante dans les occafions fecretes & dérobées. Cette inégalité dans les naturels, d'ailleurs les plus excellens, vient de ce que leur raifon n'eft pas éclairée par les preceptes de la philofophie, & que la Nature feule, fans le fecours de la fcience, y produit la vertu comme un fruit sauvge qui vient de lui- Sauvages.

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Par exemple, pour ne pas fortir
du fait dont il s'agit ici, la Philo-
fophie enfeigne ce qui eft veri-
tablement terrible, & ce qui ne

l'eft

pas. Si Aratus avoit donc été éclairé de cette lumiere, il n'auroit pas été hardi la nuit, & poltron le jour, mais il auroit toûjours eu le même courage, car un danger n'eft pas plus grand le jour que la nuit.

Et que la Nature feule, fans le fecours de la fcience y produit la vertu comme un fruit fauvage qui viens de lui-même fans être cultivé. ] Ce paffage de Plutarque fert à decider la fameufe question fi fouvent d battuë, lequel vaut mieux, ou l'étude, on le naturel. La Nature fans l'étude, fans la

La caufe de cette même homme.

inégalite dans le

La Nature fans la fcience ne pro

duit que des fruits

Aratus après un

la cavalerie.

même fans être cultivé. Mais quant à cette queftion, elle pourra être mieux éclaircie & décidée par les exemples.

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Aratus donc après s'être engagé & avoir enfi grand exploit Je gagé la ville dans la Ligue des Achéens, se mit à met à fervir dans fervir dans la cavalerie, & il fe fit extrêmement aimer de fes Généraux par fon obéïffance, car quoiqu'il eut infiniment contribué de sa part la communauté en y apportant fa propre reputation & toutes les forces de fa patrie, cependant Safomion pour il fe montroit en tout auffi foumis que le moindre foldat à celui qui étoit élu Géneral des Achéens, foit qu'il fût de la ville de Dyme, ou de celle de Tritta, ou de quelque autre plus petite encore.

Jes Generaux.

Il reçoit un prefent du Roi d'Egyp

fait.

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Le Roi d'Egypte lui envoya un present de te. Usage qu'il en vingt-cinq talens. Aratus l'accepta, mais il le Vingt-cinq mille distribua fur l'heure à tous les pauvres citoyens,, fubvenir à leurs néceffitez, que pour leur aider à délivrer les prifonniers.

étus,

tant pour

Comme les bannis, qui étoient de retour, fe rendoient très-difficiles, & importunoient extrêmement ceux qui étoient en poffeffion de leurs. biens, & que par-là Sicyone fe trouvoit à la veille fcience, ne produit que des fruits fauvages. Mais aidée par la fcience, elle en produit des plus doux & des plus excellens, & qui fe fentent de la culture, qui les a perfectionnez.

Soit qu'il fut de la ville de Dyme, onde celle de Tritta. ) Deux

des plus petites villes de toute l'Achaïe. Cela n'eft pas ajoûté inutilement : car il eft certain que les hommes ont plus de repugnance à fe foûmettre à des Capitaines qui viennent des lieux obfcurs..

Aratus s'embar

que pour l'Egypte.

grande tempête qui

de fon entiere ruine par une guerre civile, qui
étoit inévitable, Aratus, qui ne voyoit d'autre
reffource pour elle que l'humanité & la liberalité
de Ptolemée, refolut de monter furmer & d'aller
prier le Roi de lui fournir tout l'argent néceffaire
pour appaifer les bannis & pour terminer tous ces
differends. Il alla donc s'embarquer à Methone
au-dessus du Cap Malée dans l'efperance que
de-là il iroit tout droit en Egypte. Mais il eut le
vent fi contraire & la mer fi haute & fi irritée, que
le Pilote ne pouvant gouverner, se laissa aller au
vent, & qu'après avoir été balotté & porté çà &
là, enfin il aborda à la ville d'Adria, qui étoit fon
ennemie, car elle étoit entre les mains d'Anti-
gonus, qui y avoit une forte garnison. Pour l'évi-
ter Aratus fe hâta de defcendre, & laiffant fon
vaiffeau, il s'éloigna le plus qu'il put de la mer,
n'aïant avec lui qu'un de ses amis nommé Timan- un
the, & s'étant jettez tous deux dans un lieu plein un
de bois, ils y pafferent la nuit fort mal à leur aise.

fe

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left battu d'une oblige de relacher la ville d'Adria

fon ennemie

Il se fauve aves

de fes amis, &

paffe la nuit dans

bois.

A peine étoit-il forti du vaiffeau, que le Capitaine de la garnison furvint pour chercher Aratus, mais il fut abufé par fes domeftiques qu'il avoit bien embouchez, & qui lui dirent que seur maître s'en étoit fui d'abord & avoit pris la route d'Eubée. Le Capitaine fit donc déclarer ennemi la garnison fe faifie & de bonne prife fon vaisseau, & le retint avec de fon vaiffeau, & tous les domestiques & tout ce qui étoit dedans. Quelques jours après, comme Aratus étoit dans une perplexité fi grande qu'il ne fçavoit que

Le Capitaine de

le fait declarer de

bonne prife.

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