Ce mot fit naître dans leur cœur une haine très-violente contre lui. Car ils trouvoient que par-là il ne les privoit pas de leur récompense lui feul, mais qu'il enfeignoit aux Empereurs qui viendroient après lui, à faire de même, &qu'il leur en imposoit en quelque façon la loi. Il y avoit encore quelque mouvement fourd de revolte à Rome parmi les troupes Prétoriennes, mais le refpect qu'elles avoient pour la presence de Galba, émouffoit cette ardeur pour la nouveauté & faifoit qu'elles differoient de la faire éclater, & comme elles ne voyoient encore aucune lueur de changement, elles tenoient leur haine cachée. Mais les armées, qui avoient fervi fous Sous Hordeonius Verginius, & qui étoient encore dans la Germanie fous Flaccus, fieres de la derniere victoire qu'elles avoient remportée fur Vindex, & voïant qu'elles n'avoient aucune des récompenfes qu'elles croïoient mériter, ne pouvoient être appaifées par leurs Capitaines, & ne faifoient aucun compte de leur Général Flaccus, que la Flaccus. porter. Cela eft très-vrai, il faut eft fort beau, auffi Plutarque l'a t-il jugé digne d'un grand Prince. Et Suetone l'a jugé de même digne d'être rapporté fans aucun changement, legere fe militem, non emere confuefle. Dans la traduction des anciens il ne faut changer les bons mots que quand la langue ne fournit aucun moyen de les exprimer avec vivacité & avec nobleffe. goutte, dont il étoit continuellement tourmenté, avoit rendu impotent, & qui d'ailleurs n'avoit aucune experience des affaires. Un jour à des jeux publics les Tribuns & les Chefs des Bandes faifant felon la coûtume des Romains des prieres & des vœux pour la fanté & pour la profperité de l'Empereur, la plupart des foldats commencerent à murmurer,& enfuite ces Officiers continuant leurs vœux & leurs prieres, ils eurent l'audace de répondre comme par un refrain, s'il en eft digne. Les Legions qui étoient fous les ordres de Tigellinus, commirent fouvent de pareilles infolences, dont Galba étoit exactement informé par les lettres qu'il recevoit de fes Intendans. Craignant donc les fuites, & croyant qu'il étoit méprisé non feulement parce qu'il étoit vieux, mais parce qu'il n'avoit point d'enfans, il refofut d'adopter quelque jeune homme des plus il luftres maisons de Rome & de le nommer fon fucceffeur à l'Empire. Il y avoit un jeune homme, nommé Othon, qui étoit iffu d'un fang noble, mais qui dès fon enfance avoit été fi plongé dans le luxe & dans les plaifirs, qu'il y avoit peu de Romains qui fe fuffènt rendu fi célebres leurs débauches. Et comme Homere appel par Ils eurent l'audace de répondre comme par un refrain, s'il en eft digne.) Il y a dans le Grec, Il n'en eft pas digne. Mais cela eft bien hardi & bien- dur. Il paroît que l'interprete Latin a lu «', fi Pourquoi Home re défigne Paris par sette qualité de mari d'Helene. Neron amoureux de Crifpinus. par fa le fouvent Paris, le mari de la belle Helene, en le défignant par la qualité de sa femme, parce que ce jeune Prince n'avoit rien de recommandable lui-même dont on pût lui faire honneur, de même, Othon étoit célebre à Rome par femme Poppea, dont Neron étoit devenu amoude Poppea, femme reux pendant qu'elle étoit mariée à Crifpinus, mais retenu par le refpect qu'il confervoit encore pour fa femme & par la crainte qu'il avoit de fa mere, il cacha fa paffion & apofta fecretement Othon auprès de Poppea pour la 1 la fait folliciter folliciter & pour la féduire. Car Othon étoit fort agréable à Neron à caufe de fes débauches, Neron a caufe de & ce Prince en faifoit son ami particulier, & fe Jes débauches. plaifoit fi fort en fa compagnie, qu'il prenoit fouvent un très-grand plaifir aux railleries & aux plaifanteries qu'il faifoit fur fa mesquinerie & fur fon avarice. Par Othon. Othon favori de reproche à Neron famefquinerie. On rapporte qu'un jour Neron fe parfumant d'une huile très-précieuse, en arrosa un peu Comment Othon Othon. Le lendemain Othon lui donna à fouper, & dès qu'il fut dans la falle, de tous côtez on vit des tuyaux d'or & d'argent qui répandoient par tout des effences de grand prix avec autant d'abondance que fi ce n'eût été que de l'eau, de l'eau, & que les convives en furent tout trempez. Ayant dono corrompu Poppea corrompu & débauché le premier Poppea pour prend pour fa fems Neron en lui faifant efperer ce Prince pour amant, il lui perfuada de fe feparer d'avec fon mari, & la prit chez lui comme fa femme; mais il ne fut Othon après avoir pour Neron, la me. Conduite de Fop pas fi aife de l'avoir, qu'il fut chagrin de la partager avec fon rival. Poppea, dit-on, n'étoit pas fâchée de cette jaloufie, car on prétend même qu'elle refufoit de recevoir Neronchez elle,quand pe pour Neren. Othon étoit abfent, foit qu'elle voulut prévenir le dégoût que donne une joüissance trop aisée, foit, comme d'autres l'afsûrent, qu'elle ne se fouciât pas d'avoir Cefar pour mari, & qu'elle aimât mieux l'avoir pour amant à caufe de l'inclination qu'elle avoit à la débauche. Othon fe trouva donc en grand danger de fa vie pour ce mariage. Et c'eft une chofe très-étonnante que Neron, après avoir fait mourir fa femme & la fœur pour les nôces de Poppea, ait épargné Othon. Mais Othon avoit Seneque pour ami, & ce fut Seneque qui par fes confeils & par fes follicitations porta le Prince à l'envoïer commander dans la Lufitanie fur les bords de l'Ocean. Il s'y gouverna avec tant de sagesse, qu'il ne fut ni à charge ni deLagréable aux peuples qui lui étoient soûmis, car il fentoit bien que cet emploi avoit été donné comme un adouciffement & comme une couverture honorable de fon exil, & après que Galba Et ce fut Seneque qui par fes confeils par fes follicitations porta le Prince à l'envoyer commander dans la Lufitanie fur les bords de l'Ocean.] Cet exil honorable, qui éloignoit Othon, & qui rendoit Neron fel poffeffeur de fa maîtreffe, parut fuffifant; une peine plus grave auroit dé couvert la comedie, que l'on vou- Cur Otho mentito fit queritis Seneque fauve Othon, & lui fair dement de Portu donner le comman gal. Il g gouverna dix ans cette Province en qualité de Pré teur. Galba, & lui don Othon fe joint à fe fut revolté, il fut le premier des Capitaines qui ne toute fa vaißelle fe joignit à lui, & qui prenant tout ce qu'il avoit d'or & d'argent. de vaiffelle d'or & d'argent, la lui porta pour la Othon fort grand fondre & pour en faire de la monnoïe. Il lui donna les Officiers de fa maifon les plus propres & les plus adroits à fervir un Prince. Dans tout le refte il lui marqua une entiere fidelité, & par les fervices qu'il lui rendit, on vit bien-tôt que perfonne n'avoit ni plus d'experience, ni plus de capacité lui dans les affaires. Pendant tout le que voyage il fut avec lui dans le même char plu fieurs jours de fuite, & dans le chemin il n'ouCourtijan de Vinius. blia rien pour faire fa cour à Vinius, tâchant de lui plaire par fes affiduitez & par fes prefens, & principalement en lui cedant en tout la premiere place. Ce fur fa faveur qu'il parvint à être le fecond, mais il avoit fur lui cet avanAvantage qu'il tage qu'il n'étoit ni envié ni haï, fervant gratuitement ceux qui l'en prioient, & se montrant toûjours humain & acceffible à tous ceux qui avoient à lui parler. Sur tout il protegea extrêmement les gens de guerre & en avança plufieurs aux premieres charges, qu'il demandoit, les unes à l'Empereur même, & les autres à Vinius, & à fes affranchis Icelus & Afiaticus; car Iseus ou Sibelius c'étoient ceux qui avoient le plus de crédit, avoit fur Vinius. Afiaticus af franchis de Vinius. Comment Othon par Toutes les fois qu'il traitoit Galba chez lui, il tâchoit de gagner la faveur de la cohorte qui gagnoit les troupes étoit de garde en donnant à chacun des foldats Prétoriennes, une pièce d'or. Ainfi fous prétexte d'honorer le |