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Je placerai ici une observation: demi, adjectif, dont le féminin est demie, n'est vraiment adjectif, que lorsqu'il est placé après le mot. S'il le précède, il devient adverbe, et ne se décline pas.

Ainsi il faut dire une aune et demie, une lieue et demie, une livre et demie, en déclinant; et sans décliner : une demi-aune, une demi-lieue, une demi-livre,

Demie, au féminin, devient quelquefois substantif : la demie est-elle sonnée ? cette horloge ne sonne pas les demies.

ADRESSE, et ADRESSE, s. f.

L'un de ces mots signifie ruse, dextérité, souplesse : il a beaucoup d'adresse daus la main, il a encore plus d'adresse dans l'esprit. On vante l'adresse du singe, castor, de l'éléphant.

L'autre expression énonce la demeure d'une personne, la destination d'une lettre ou d'un paquet. A quelle adresse irai-je vous chercher ? On m'a donné une adresse pour une autre.

Une femme était menacée, par son amant, de voir publier les lettres qu'il en avait reçues : imprimez, ditelle hardiment; je n'aurai à rougir que de l'adresse.

Le verbe analogue à cette seconde acception est : j'adresse, tu adresses.

Le poète Rousseau adresse une de ses odes à la postérité. Il la lit à Voltaire. Je crains bien, dit celui-ci, après l'avoir entendue, que la pièce n'aille pas à son adresse; et voilà nos deux poètes brouillés pour un bon

mot.

A FAIRE, loc. comp. AFFAIRE, s. f.

Beaucoup de personnes se trompent à ces deux locu

tions; elles écrivent, j'ai à faire, comme on écrirait : j'ai une affaire.

Quand l'intention de la phrase porte sur la chose même, c'est une affaire quand elle porte seulement sur le temps et sur la manière, la chose est à faire ; robe à faire.

Autrement : si le mot est susceptible de recevoir un article quelconque, il est le substantif affaire; une affaire importante, l'affaire dont vous m'avez parlé ; j'ai beaucoup d'affaires, j'ai des affaires pressées.

Mais si le mot ne peut admettre ni un adjectif, ni un article, c'est alors la locution à faire. Qu'avez-vous à faire? Ce que vous demandez n'est plus à faire, cet ouvrage est encore à faire.

Affaire est une de ces expressions parasites que la stérilité de notre langue force à employer, dans les occurences pour lesquelles aucun mot propre n'est créé.

Un marché à conclure est une affaire; un procès est une affaire; une entreprise prend le nom d'affaire. On donne à une bataille peu importante le nom d'affaire; l'homme qui est chargé de dettes, a des affaires; il y a des affaires de religion, il y a des affaires de cœur.

Une dispute, une querelle est une affaire. Fontenelle faisait l'éloge d'un académicien qui n'avait répondu que. par des phrases, à un homme qui lui avait proposé de se battre en duel. L'anecdote était délicate pour le panégyriste; il eut une affaire d'honneur, dit Fontenelle, et il s'en tira en homme d'esprit.

AH! excl. HA! interj.

Convenons d'abord des termes : l'exclamation est un cri plus ou moins accentué, que nous arrache la surprise.

Ge cri peut tenir à la joie, comme à la peine, à l'admiration, comme à l'effroi.

L'interjection est la dénomination générale de ces monosyllabes que les divers mouvemens dont on est affecté, font intercaler, interjeter dans la conversation.

De-là il suit que l'exclamation commence ordinairement la phrase, et que l'interjection se place indifféremment dans toutes les coupures d'un discours; que la première peut n'être la suite d'aucun propos antérieur, et que la seconde n'a lieu que dans un entretien ; qu'enfin l'exclamation se rapproche davantage du style noble, et l'interjection du style familier.

h

Ah! s'écrit ainsi, lorsqu'il est exclamation ; et quand il est interjection, le précède. Ah! quel tourment d'être sensible! Ah! cruel, tu m'as trop entendue! Ah! fallait-il en croire une amante abusée ! Voilà l'exclamation.

Ha! je vous y prends! ha! c'est vous! Voilà l'interjection.

Dans les tragédies, ah! est plus fréquent. Ha! est plus commun dans les comédies.

On appelle des hahas ces vues sur la campagne, ces vides qui sont ménagés dans les murs d'un parc, et qui, ́ étant inattendus, excitent une surprise que rend assez bien l'interjection ha ha!

AIL, bot. AILLE, v.

La plante potagère connue sous le nom d'ail participait, chez les Egyptiens aux honneurs de la divinité.

Les Grecs avaient l'ail en horreur; les Romains le croyaient propre à exciter le courage, et ils en donnaient à leurs soldats.

Les Hongrois n'ont pas de remède, ni de préservatif plus sûr que l'ail, dans le temps de la peste : il entre pour beaucoup dans le vinaigre des quatre voleurs.

Un dindon tout à l'ail, un seigneur tout à l'ambre,

A souper vous sont destinés.

On doit, quand Richelieu paraît dans une chambre,
Bien défendre son cœur, et bien boucher son nés.

VOLTAIRE.

Subjonctif du verbe aller : que j'aille, que tu ailles qu'il ou qu'elle aille. Pluriel, qu'ils ou qu'elles aillent.

En quelque endroit que j'aille, il faut fendre la presse
D'un peuple d'importuns qui fourmillent sans cesse.
.BOILEAU.

AILE, s. f. ELLE,
f. ELLE, pro.

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Quoique la première syllabe soit longue dans aile et brève dans elle, les poètes associent ces deux mots à la rime. Leur exemple m'engage à les rapprocher ici. Elle est le féminin du pronom personnel il, et en partage la valeur. Elle a dit; c'est d'elle que je parlais. Aile, dans le sens propre, est cette partie du corps des oiseaux qui les élève et les soutient en l'air.

r;

Aile, au figuré, reçoit beaucoup d'acceptions : les ailes d'un bâtiment ou d'un moulin ; l'aile droite ou l'aile gauche d'une armée. On lui a tiré une plume de l'aile ; cet étourdi veut voler avant d'avoir des ailes, etc.

Si j'écrivais à quelque belle,
Je lui dirais peut-être aussi
Que depuis sa fuite cruelle,
Les oiseaux languissent ici.
Que tous les amours, avec elle,
Ont fui nos champs à tire d'aile.

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D'Alembert disait, en parlant de l'abbé de Bernis, appelé par Voltaire, Margot la bouquetière, que si on coupait les ailes au Zéphire, au Temps, aux Amours, on lui couperait les vivres.

Aile est encore le nom que nous donnons, d'après les Anglais, à une bière faible.

AILÉ, adj. HELÉ, mar.

L'amour est souvent appelé par les poètes, l'enfant ailé. Pégase qui les fait aller aux nues, et l'Hipogriphe qui porta Roger dans la Lune, sont des chevaux ailés.

Un vaisseau est helé, lorsqu'étant rencontré par un autre, celui-ci le questionne sur le lieu de son départ, le port de sa destination, la nature de ses marchandises, la composition de son équipage, etc.

Ce mot est le participe du verbe héler, terme de

marine.

AIMANT, adj. AIMANT, min.

Aimant est le participe du verbe aimer : on en a fait un adjectif.

Un observateur croit avoir remarqué qu'entre des personnes qui s'aiment, les moins aimantes sont les mieux aimées. Pourquoi donc la femme la plus aimante ne trouverait-elle pas toujours un cœur aussi aimant que le sien?

Nos plus utiles découvertes sont dues au hasard. Un berger, si l'on en croit Pline, sent les cloux de sa chaussure, et le fer de son bâton arrêtés par une roche. Voilà l'homme averti que l'aimant attire le fer. De qui a-t-il appris, dans la suite, la propriété qu'a l'aimant de se tourner vers le pôle ? on l'ignore. C'est pourtant à cette

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