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LE BRUIT DES CABARETS, LA FANGE DES TROTTOIRS
Le bruit des cabarets, la fange des trottoirs,
Les platanes déchus s'effeuillant dans l'air noir,
L'omnibus, ouragan de ferraille et de boues,
Qui grince, mal assis entre ses quatre roues,
Et roule ses yeux verts et rouges lentement,
Les ouvriers allant au club, tout en fumant
Leur brûle-gueule 600 au nez des agents de police,
Toits qui dégouttent, murs suintants, pavé qui glisse,
Bitume défoncé, ruisseaux comblant l'égout,
Voilà ma route

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avec le paradis au bout.

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Dans l'interminable

Ennui de la plaine,
La neige incertaine
Luit comme du sable.

Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville,
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur?

O bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits!
Pour un cœur qui s'ennuie
O le chant de la pluie!

Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s'écœure.
Quoi! nulle trahison?
Ce deuil est sans raison.

C'est bien la pire peine.
De ne savoir pourquoi,
Sans amour et sans haine,
Mon cœur a tant de peine!

Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme!

Un arbre, par-dessus le toit,

Berce sa palme.

La cloche, dans le ciel qu'on voit,
Doucement tinte.

Un oiseau sur l'arbre qu'on voit

Chante sa plainte.

Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là,

Simple et tranquille.

Cette paisible rumeur-là

Vient de la ville.

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- Qu'as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,

Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?

ART POÉTIQUE

De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair

602

Plus vague et plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.

Il faut aussi que tu n'ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise:
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l'Indécis au Précis se joint.

C'est des beaux yeux derrière des voiles,
C'est le grand jour tremblant de midi,
C'est, par un ciel d'automne attiédi,
Le bleu fouillis des claires étoiles !

Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la Couleur, rien que la nuance!
Oh! la nuance seule fiance

Le rêve au rêve et la flûte au cor!

Fuis du plus loin la Pointe 603 assassine,
L'Esprit cruel et le Rire impur,

Qui font pleurer les yeux de l'Azur,
Et tout cet ail de basse cuisine!

(1874.)

Prends l'éloquence 604 et tords-lui son cou!
Tu feras bien, en train d'énergie,

De rendre un peu la Rime assagie.

Si l'on n'y veille, elle ira jusqu'où ?

O qui dira les torts de la Rime! 605
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d'un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime?

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ΤΟ

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De la musique encore et toujours!
Que ton vers soit la chose envolée
Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée
Vers d'autres yeux à d'autres amours.

Que ton vers soit la bonne aventure
Eparse au vent crispé du matin

Qui va fleurant la menthe et le thym..

Et tout le reste est littérature.606

(1885.)

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