Soit que de tes lauriers ma lyre s'entretienne, Ait de quoi m'égaler ? 5 Le fameux Amphion,18 dont la voix nonpareille Que ne fassent mes vers. IO Par eux de tes beaux faits la terre sera pleine; (1628.) CONSOLATION À MONSIEUR DU PÉRIER, 19 GENTILHOMME D'AIX EN PROVENCE, SUR LA MORT DE SA FILLE Ta douleur, du Périer, sera donc éternelle, Et les tristes discours L'augmenteront toujours ? 15 Le malheur de ta fille au tombeau descendue Par un commun trépas, Ne se retrouve pas ? 20 Je sais de quels appas son enfance était pleine, Et n'ai pas entrepris, Avecque son mépris. 25 Mais elle était du monde, où les plus belles choses Ont le pire destin; L'espace d'un matin. Puis quand ainsi serait, que selon ta prière Elle aurait obtenu Qu'en fût-il advenu? 5 Penses-tu que plus vieille en la maison céleste Elle eût eu plus d'accueil ? Et les vers du cercueil ? IO Non, non, mon du Périer, aussitôt que la Parque Ote l'âme du corps, Et ne suit point les morts. ... De moi, déjà deux fois d'une pareille foudre Je me suis vu perclus, 20 Qu'il ne m'en souvient plus. 15 Non qu'il me soit grief que la terre possède Ce qui me fut si cher ; Il n'en faut point chercher. 20 La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles; On a beau la prier, Et nous laisse crier. 25 Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre, Est sujet à ses lois; N'en défend point nos Rois. 30 De murmurer contre elle et perdre patience, Il est mal à propos; (1607.) o MATHURIN RÉGNIER (1573-1613) “CONTRE MALHERBE ET SON ÉCOLE" Comment! il nous faut donc pour faire une œuvre grande, Qui de la calomnie et du temps se défende, Qui trouve quelque place entre les bons auteurs, Parler comme à Saint-Jean parlent les crocheteurs ! 21 Encore je le veux, pourvu qu'ils puissent faire 5 Que ce beau savoir entre en l'esprit du vulgaire, Et quand les crocheteurs seront poètes fameux, Alors sans me fâcher je parlerai comme eux. Pensent-ils des plus vieux offensant la mémoire, Par le mépris d'autrui s'acquérir de la gloire, Et pour quelque vieux mot étrange ou de travers, Prouver qu'ils ont raison de censurer leurs vers? Alors qu'une ouvre brille et d'art et de science, La verve quelquefois s'égaye 22 en la licence. Cependant leur savoir ne s'étend seulement 15 Qu'à regratter un mot douteux au jugement, Prendre garde qu'un qui ne heurte une diphtongue Épier si des vers la rime est brève ou longue, Ou bien si la voyelle à l'autre s'unissant Ne rend point à l'oreille un vers trop languissant; Et laissent sur le vert 23 le noble de l'ouvrage. Nul aiguillon divin n'élève leur courage; Ils rampent bassement, faibles d'inventions, Et n'osent, peu hardis, tenter les fictions, Froids à l'imaginer 24 : car s'ils font quelque chose 25 C'est proser de la rime et rimer de la prose, Que l'art lime et relime, et polit de façon Qu'elle rend à l'oreille un agréable son; Et voyant qu'un beau feu leur cervelle n'embrase, Ils atti fent 25 leurs mots, enjolivent leur phrase, 30 Affectent leur discours tout si relevé d'art, Et peignent leurs défauts de couleurs et de fard. Aussi je les compare à ces femmes jolies 20 5 28 29 IO Qui par les affiquets 26 se rendent embellies, -Satire IX, A Rapin, 1606. 15 20 “La Préciosité” in France represents a movement in the better classes of society towards greater elegance in speech, dress and manners, and greater attention to the moral qualities that an "honnête homme" should possess. Offended by the coarse language and the moral laxity of the court of Henri IV, Madame de Rambouillet withdrew from it and founded a salon which became a brilliant rendez-vous of aristocratic society, and of distinguished men of letters. Encouraged by the success of this salon and that of its bourgeois counterpart presided over by Mlle. de Scudéry, other salons sprang up, in which refinement degenerated into the absurd affectation that Molière satirized in the Précieuses Ridicules. While the assemblies at the Hôtel de Rambouillet were of a purely social nature, they nevertheless exercised a considerable and lasting influence by bringing men of letters into contact, on an approximately equal footing with the cultivated aristocracy, by creating an interest in psychological and literary questions, and by giving to the language greater distinction and precision if less color. “MADAME DE RAMBOUILLET ET L'HÔTEL DE RAMBOUILLET" Mme. de Rambouillet est fille, comme j'ai déjà dit, de feu M. le marquis de Pisani, et d'une Savelli, veuve d'un Ursins. Sa mère était une habile femme; elle eut soin de l'entretenir dans la langue italienne, afin qu'elle sût également cette langue et la française. On fit toujours cas de cette dame-là à la cour, 5 et Henri IV l'envoya, avec Mme. de Guise, surintendante de la maison de la Reine, recevoir la Reine-mère 34 à Marseille. Elle maria sa fille devant douze ans avec M. le vidame du Mans. 35 Mme. de Rambouillet dit qu'elle regarda d'abord son mari, qui avait alors une fois autant d'âge 86 qu'elle, comme un 10 homme fait, et qu'elle se regarda comme une enfant, et que cela lui est toujours demeuré dans l'esprit, et l'a portée à le respecter davantage. Hors les procès, 37 jamais il n'y a eu un homme plus complaisant pour sa femme. Elle m'a avoué |