Ne crois pas toutefois, par tes savants ouvrages, Trouve loin du vulgaire un chemin ignoré, En cent lieux contre lui les cabales s'amassent; Avant qu'un peu de terre, obtenu par prière, Pour prix de ses bons mots le condamnait au feu; 158 L'autre, fougueux marquis,159 lui déclarant la guerre, 25 La Parque l'eut rayé du nombre des humains, 30 Tel fut chez nous le sort du théâtre comique. Toi donc, qui, t'élevant sur la scène tragique, Suis les pas de Sophocle, et, seul de tant d'esprits, 35 Cesse de t'étonner, si l'envie animée, En cela, comme en tout, le Ciel qui nous conduit, Le mérite en repos s'endort dans la paresse; Mais, par les envieux un génie excité, 161 Au comble de son art est mille fois monté; Je dois plus à leur haine, il faut que je l'avoue, Tous les jours, en marchant, m'empêche de broncher; Ne bénira d'abord le siècle fortuné Qui, rendu plus fameux par tes illustres veilles, Qu'ils charment de Senlis le poète idiot,165 171 -“Epître VII,” 1677. 5 IO 15 THE TRANSITION Fénelon, Bayle and Fontenelle mark the transition from the period of discipline, political, religious and literary, of the seventeenth century to the eighteenth century with its philosophic, scientific and questioning attitude. Fénelon, whose dominant trait was sentiment, became involved, to his own misfortune, with Bossuet in the affair of "Quietism." In his Télémaque (1699), written for his pupil, the Duc de Bourgogne, he develops his pedagogic theory. His Lettre à l'Académie contains his proposals as to the future work of that body. And his political ideas foreshadow the eighteenth century. Bayle and Fontenelle, both disciples of Descartes, carried his. doctrine to its logical conclusion. Bayle is the fountain head of practically all the philosophic ideas of the century and the initiator of the scientific method applied to historical research. The "Encyclopédie" and Voltaire both owe him much. Scientific accuracy, the critical spirit, scepticism, the separation of morality and religion, and tolerance are exemplified in his Dictionnaire (1697); all these are found again and again in the eighteenth century. The method of "renvoi" was also first used by Bayle. This consisted in using a clever system of cross references by which the author conveyed to the initiated through a series of relatively innocent articles truths which, if bluntly stated, would have aroused the church and authorities against him. Fontenelle, as perpetual secretary of the Academy of Sciences, sought to make science and philosophy accessible to the "gens du monde," which won for him the epithet of "vulgarisateur." As a sceptic in matters of religion (Histoire des Oracles, 1687), he evidences the latent revolt against the acceptance of authority in the matter of dogma and tradition. FÉNELON (1651-1715) "L'ÉLOQUENCE" Il ne faut pas faire à l'éloquence le tort de penser qu'elle n'est qu'un art frivole, dont un déclamateur se sert pour imposer à la faible imagination de la multitude, et pour trafiquer de la parole: c'est un art très sérieux, qui est destiné à instruire, à réprimer les passions, à corriger les mœurs, à soutenir les lois, à diriger les déliberations publiques, à rendre les hommes bons et heureux. Plus un déclamateur ferait d'efforts pour m'éblouir par les prestiges de son discours, plus je me révolterais contre 5 sa vanité: son empressement pour faire admirer son esprit me paraîtrait le rendre indigne de toute admiration. Je cherche un homme sérieux, qui me parle pour moi, et non pour lui; qui veuille mon salut, et non sa vaine gloire. L'homme digne d'être écouté est celui qui ne se sert de la parole que pour la pensée, 10 et de la pensée que pour la vérité et la vertu. Rien n'est plus méprisable qu'un parleur de métier, qui fait de ses paroles ce qu'un charlatan fait de ses remèdes. . . Le véritable orateur n'orne son discours que de vérités lumineuses, que de sentiments nobles, que d'expressions fortes et 15 proportionnées à ce qu'il tâche d'inspirer. Il pense, il sent, et la parole suit. "Il ne dépend point des paroles," dit saint Augustin," "mais les paroles dépendent de lui." Un homme qui a l'âme forte et grande, avec quelque facilité naturelle de parler et un grand exercice, ne doit jamais craindre que les 20 termes lui manquent; ses moindres discours auront des traits originaux que les déclamateurs fleuris ne pourront jamais imiter. Il n'est point esclave des mots; il va droit à la vérité. Il sait que la passion est comme l'âme de la parole. Il remonte d'abord au premier principe sur la matière qu'il veut débrouil- 25 ler; il met ce principe dans son vrai point de vue; il le tourne et le retourne, pour y accoutumer ses auditeurs les moins pénétrants; il descend jusqu'aux dernières conséquences par un enchaînement court et sensible. Chaque vérité est mise en sa place par rapport au tout: elle prépare, elle amène, elle appuie 30 une autre vérité qui a besoin de son secours. Cet arrangement sert à éviter les répétitions qu'on peut épargner au lecteur; mais il ne retranche aucune des répétitions par lesquelles il est essentiel de ramener souvent l'auditeur au point qui décide lui seul de tout. Il faut lui montrer souvent la conclusion dans le principe. De ce principe, comme du centre, se répand la lumière sur toutes les parties de cet ouvrage; de même qu'un peintre place dans son tableau le jour, en sorte que d'un seul endroit il dis 35 |