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passa pas toujours sensiblement les frais. Il y a une représentation, celle du 7 mars, où la part qui revient à chaque acteur est de 2% 53.

Le Mariage forcé fut remis à la scène quelques années plus tard, le 24 février 1668, sans « le ballet et ses ornements. >> Il eut alors quelques représentations; de même en 1672. En somme, c'est une des pièces de Molière qui, de son vivant, ont eu, à la ville, le succès le moins décidé et le moins franc.

En revanche, le Mariage forcé est plusieurs fois repris, à partir de 1676 presque chaque année, jusque vers la fin du règne de Louis XV. Donné très-rarement sous Louis XVI, il ne l'est plus du tout depuis la Révolution, jusqu'en 1835. Il a toujours été joué assez régulièrement depuis cette date.

Nous n'avons pas ici à nous perdre en conjectures sur la distribution de la pièce dans sa nouveauté. Avant d'être imprimée, cette comédie, comme toutes les comédies-ballets, avait été, dès sa première représentation à la cour, accompagnée d'un livret qui donnait le nom des acteurs, des chanteurs et des danseurs. On le trouvera à la suite de la pièce. On ne s'étonnera pas de n'y voir figurer pour aucun emploi la jeune femme de Molière : elle venait de lui donner un fils1. Plus tard, sans doute à la reprise de la comédie, en 1668, elle joua l'un des deux rôles d'Égyptienne (voyez la scène vi) 2.

Voici la distribution lors de la reprise en 1835 et la distribution actuelle :

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Le

1. Le 19 janvier, dix jours avant la représentation à la cour. 28 février, ce fils « fut nommé au baptême Louis, par le duc de Créquy tenant pour le Roi, parrain, et par la maréchale du Plessis, pour Madame, marraine » (Bazin, p. 109).

2. C'est l'un des inventaires faits à la mort de Molière qui le constate, en mentionnant pour elle « un habit d'Égyptienne du Mariage forcé, satin de plusieurs couleurs, la mante et la jupe » : voyez les Recherches sur Molière, par M. E. Soulié, p. 280 et p. 90.

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DORIMÈNE..

Mme Menjaud...... Mlle Ed. Riquer.

Nous n'insisterons pas ici sur les imitations qui peuvent se rencontrer dans la pièce : il y en a de bien évidentes; ce sont celles que nous avons signalées dans les notes, et qui se rapportent à divers passages de Rabelais. Quant aux autres, nous n'y croyons guère. On a imaginé de dire que l'idée même du Mariage forcé avait été inspirée à Molière par une aventure, que peut-être il ne savait pas, arrivée, dit-on, au chevalier (plus tard comte) de Gramont en Angleterre, et qui aurait amené son mariage avec Mlle Hamilton. Après lui avoir fait la cour, le chevalier, ayant paru l'oublier, aurait été forcé par les frères de la jeune personne de tenir sa promesse. Outre que cette anecdote, due à un ana2, ne concorde nullement avec le récit d'Hamilton dans les Mémoires de Gramont, il faut être bien déterminé à chercher partout un sujet de rapprochement, pour en trouver un ici entre le bourgeois Sganarelle, grossier et maladroit, et le brillant et spirituel chevalier. Nous n'attachons pas plus d'importance à cette assertion singulière de Riccoboni, résolu, comme toujours, à voir chez Molière des imitations de l'italien: « Il y a dans le Mariage forcé une scène et des lazzis tirés de plusieurs comédies italiennes jouées.... à l'impromptu3. » C'est possible; mais encore eût-il fallu indiquer cette scène et ces lazzis; et, de plus, si ces pièces italiennes avaient été jouées à l'impromptu avant 1664, de qui Riccoboni savait-il qu'elles contenaient l'original de ces

1. Dans sa représentation de retraite, qui fut si brillante, le 10 avril 1872, M. Regnier joua le rôle de Pancrace, M. Got celui de Marphurius et M. Delaunay celui de Lycaste.

2. Les frères Parfaict, qui la citent (tome IX, p. 254 et 255, note), lui donnent pour origine le livre intitulé : ana ou Bigarrures calotines (en quatre recueils, 1732-1733), et renvoient au premier recueil, p. 18.

3. Observations sur la comédie et sur le génie de Molière (1736), p. 148.

imitations? il ne pouvait le savoir par lui-même, puisqu'il ne naquit qu'après la mort de Molière. Cailhava, qui sait tout, prétend bien1 que le sujet est pris à Arlequin faux brave, que le parent d'une fille séduite par lui force à l'épouser. Mais d'abord ceci ne ressemble guère à la situation du pauvre Sganarelle, qui n'a séduit personne, et qui ne se pique pas du tout de bravoure. De plus, cette situation était-elle si rare dans la réalité, pour que Molière ne pût la devoir qu'à l'imitation d'un canevas inconnu ? Et enfin, ici comme toujours, il faudrait prouver que ce canevas est antérieur à la pièce de Molière, en supposant même que cela en valût la peine."

M. Paul Lacroix, dans sa Bibliographie moliéresque2, mentionne un Mariage forcé, comédie de Molière, mise en vers par M*** (Paris, veuve Dupont, in-12, 1676). Le savant bibliophile fait remarquer que le permis d'imprimer est de 1674. C'était la seconde fois qu'on s'avisait de traduire en vers ce que Molière avait écrit dans une prose jugée, à ce qu'il paraît, insuffisante. Le premier délit de ce genre avait été commis, en 1660, par Somaize, à l'égard des Précieuses ridicules.

La première édition du Mariage forcé est un in-12, dont voici le titre :

LE

MARIAGE
FORCÉ.

COMEDIE.

PAR I. B. P. DE MOLiere.

A PARIS,

chez LEAN RIBOV, au Palais,
vis-à-vis la Porte de l'Eglise
de la Sainte Chapelle,
à l'Image S. Louis.

M. DC. LXVIII.

AVEC PRIVILEGE DU ROY.

Elle se compose de 2 feuillets non paginés et de 91 pages numérotées. L'achevé d'imprimer est du 9 mars. Par privi

1. Études sur Molière, p. 111-113.

2. 2o édition, no 516.

lége du 20 février, «< il est permis à I. B. P. DE MOLIERE de faire imprimer, par tel libraire ou imprimeur qu'il voudra choisir, une pièce de théâtre de sa composition, intitulée LE MARIAGE FORCÉ, pendant le temps et espace de cinq années.... Et ledit sieur DE MOLIERE a cédé et transporté son droit de privilége à IEAN RIBOU, marchand libraire à Paris, pour en jouir suivant l'accord fait entre eux. »

Le livret du ballet, que l'édition de 1734 a la première reproduit et que nous donnons comme elle à la suite de la comédie, a été imprimé l'année même de la représentation, c'est-à-dire quatre ans avant l'impression de la comédie, en un volume in-4o, de 12 pages, dont voici le titre :

LE MARIAGE
FORCÉ
BALLET

DV ROY.

Dansé par sa Maiesté, le 29. jour
de Ianvier 1664.

A PARIS,

Par ROBERT BALLARD, seul Imprimeur
du Roy pour la Musique.

M. DC. LXIV.

Avec Privilege de sa Maiesté.

Nous avons comparé les deux textes de la comédie et du ballet à une ancienne copie, qui, suivant l'ordre même des premières représentations à la cour, les a mêlés l'un à l'autre, et y a joint encore la partition que Lully écrivit pour ce divertissement royal. Ce manuscrit, que possède la bibliothèque du Conservatoire de musique, et qu'une reproduction, en général très-fidèle, donnée par M. Ludovic Celler', a déjà fait

1. Nous devons toute la fin de cette notice à notre ami et collaborateur M. Desfeuilles, qui a bien voulu se charger de cette longue et minutieuse étude sur les recueils de Philidor.

2. En 1867, chez MM. Hachette : « MOLIÈRE-LULLY. Le Mariage forcé..., nouvelle édition publiée d'après le manuscrit de Philidor l'aîné........ » M. L. Celler a réduit pour le piano et annoté la partition de Lully.

connaître, porte la date de 1690, mais paraît avoir été une mise au net de copies originales ou primitives; il est dû à André Danican, dit Philidor l'aîné, le père du plus illustre des Philidor'. «Ordinaire de la musique du Roi, » et, pendant de longues années, « garde de sa Bibliothèque de musique, » André Philidor avait entrepris un triple recueil : le premier de vieux airs et concerts faits sous le règne de François Ier, et depuis, à l'occasion de diverses solennités, de divers carrousels et divertissements; le second, d'anciens ballets mis en musique par les prédécesseurs immédiats de Lully; le dernier, de toute la musique que Lully avait fait exécuter, avant ses opéras, dans les fêtes ordonnées par Louis XIV. Les trois recueils, bien réduits par suite de l'incurie des anciennes administrations du Conservatoire (on parle même de l'infidélité d'un bibliothécaire), sont fondus actuellement en une seule collection3. C'est au tome XIII, heureusement échappé

1. André, père du grand joueur d'échecs et compositeur François-André, mourut fort vieux en 1730. Dès 1681, il prenait sur le titre du tome devenu le XLIVe de sa collection (ce numérotage n'est pas de lui) la qualité de « l'un des deux gardiens de la bibliothèque de Sa Majesté. » Voyez sur les Philidor, dont Fétis avait fort embrouillé la généalogie, et sur la collection d'André, les très-consciencieux et très-intéressants articles que M. E. Thoinan a publiés dans la France musicale, du 22 décembre 1867 au 16 février 1868.

2. Voyez son épître Au Roi, ci-après, p. 67 et 68.

3. Voyez le catalogue détaillé de ce que contient encore la précieuse collection, et le navrant relevé des pertes qu'elle a subies, dans deux articles insérés au tome IV de la Chronique musicale (1874, p. 159-163, et p. 224 et 225) par M. J.-B. Wekerlin, le bibliothécaire actuel du Conservatoire, le savant musicien auquel le public a dû récemment de connaître tout le prix de quelques-unes des compositions que Molière a inspirées à Lully. La collection paraît avoir compté cinquante-neuf volumes (y compris trois numéros doubles "); mais on a trouvé moyen de faire main basse sur vingt-cinq. En 1827, Fétis parlait de la destruction ou disparition

a Et non compris, ce semble, le volume d'Esther, qui est également de la main de Philidor et appartient aussi au Conservatoire : voyez, dans le tome de musique du Racine, à la seconde page de la Notice.

Voyez son article reproduit par M. Farrenc dans la Revue de musique de 1856, p. 470-474

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