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est image, s'emploie très-souvent au figuré pour tout objet de culte et d'adoration.

6. Dans le quatrain grec de Gabrias, donné par Nevelet et Coray : .... Οὐ θεὸς σύ, τὸν θεὸν δ ̓ ἄγεις.

Dans l'emblème d'Alciat (vers 7 et 8):

Donec eum flagris compescens dixit agaso:

« Non es Deus tu, Aselle, sed Deum vehis. D

7. Que remplace à qui. C'est un changement de tour. Le second membre relatif est construit comme si la phrase commençait par : « Ce n'est pas à vous. »

8. Montaigne a dit (livre III, chapitre VIII, tome III, p. 421): < l'estois sur ce poinct, qu'il ne fault que veoir un homme esleué en dignité : quand nous l'aurions cogneu, trois iours deuant, homme de peu, il coule insensiblement en nos opinions une image de grandeur et de suffisance; et nous persuadons que, croissant de train et de credit, il est creu de merite: nous iugeons de luy, non selon sa valeur, mais à la mode des iectons, selon la prerogatiue de son reng. Que la chance tourne aussy, qu'il retumbe et se mesle à la presse, chascun s'enquiert auecques admiration de la cause qui l'auoit guindé si hault : « Est ce luy? faict on; n'y sçauoit il aultre chose quand il « y estoit ? Les princes se contentent ils de si peu ? Nous estions vraye<ment en bonnes mains! >> Bouchet, dans sa 1xa serée (livre I, p. 293, Rouen, 1635), parle d'un magistrat qui « se persuadoit que sa robbe d'escarlatte l'auoit transformé en une autre espece. » moralité en prose qui suit la fable de Gabrias recommande aux personnes en dignité de se souvenir, quand on les honore, qu'elles sont hommes : τοὺς ἐν ἀξιώμασι τιμωμένους δεῖ γινώσκειν ὅτι ἄνθρωποί ɛloty, ce que Faërne traduit ainsi (vers 8) :

Se norit hominem, qui magistratum gerit. Voyez la notice en tête de la fable.

· La

FABLE XV.

LE CERF ET LA VIGNE.

Ésope, fab. 65, "Elapos xal "Auñeλos (Coray, p. 39, p. 314). — Faërne, fab. 70, Cerva et Vitis. — Haudent, re partie, fab. 48, d'une Biche et des Veneurs.

Mythologia sopica Neveleti, p. 143, p. 359.

M. Chambry a, dans sa belle collection d'autographes, un manuscrit de cette fable, signé DE LA FONTAINE, qu'il nous a communiqué fort obligeamment; il n'offre que deux variantes d'orthographe insignifiantes: void et azile, et deux ou trois de ponctuation, qui n'affectent point le sens.

Un Cerf, à la faveur d'une vigne fort haute,
Et telle qu'on en voit en de certains climats1,
S'étant mis à couvert et sauvé du trépas,

Les veneurs, pour ce coup, croyoient leurs chiens en faute';
Ils les rappellent donc. Le Cerf, hors de danger3,
Broute sa bienfaitrice* : ingratitude extrême !

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1. En Italie, par exemple, ou du moins dans la plus grande partie de l'Italie, où la vigne n'est pas taillée comme dans nos pays, mais s'élève et se marie aux arbres. Les allusions à cette manière de cultiver la vigne abondent chez les poëtes latins. Quam altissimam vineam facito, dit Caton, cité par Pline au livre XVII de l'Histoire naturelle, chapitre xxxv, § 34. Faërne, qui écrivait en Italie au seizième siècle, peint ainsi l'abri touffu du Cerf (vers 2 et 3):

-

Frondea ramosæ subiens umbracula vitis,
Delituit....

2. C'est-à-dire, ayant manqué la bête, ayant perdu la voie. 3. Faërne rend la même idée (vers 4):

Se rata jam tutam defunctamque esse periclo.

4. Expression très-hardie, mais amenée si naturellement, qu'on

On l'entend, on retourne, on le fait déloger :
Il vient mourir en ce lieu même.

« J'ai mérité, dit-il, ce juste châtiment
Profitez-en, ingrats. » Il tombe en ce moment.
La meute en fait curée : il lui fut inutile

7

De pleurer aux veneurs à sa mort arrivés.

Vraie image de ceux qui profanent l'asile
Qui les a conservés.

-

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ne songe point à cette hardiesse. » (CHAMFORT.) Haudent dit sans figure, et fort platement :

Elle a brousté à bonnes dentz

Les feuilles qui l'auoient couuerte.

5. La fable ésopique et celle de Faërne sont ici moins brèves, et nous disent comment et pourquoi on entend le Cerf. C'est l'agitation des feuilles qui fait retourner les chasseurs : Τούτων δὲ (τῶν φύλλων) σειομένων, οἱ κυνηγοὶ ἐπιστραφέντες....

6. C'est le même tour que dans la fable grecque; le Cerf y dit aussi : « J'ai mérité mon sort, » Alxaια ñéñovla.

7. Voyez ci-dessus, livre IV, fable xx1, vers 34.

8. La moralité est plus générale et plus nette, ce nous semble, dans les fables d'Ésope et de Faërne (vers 14): « Les ingrats, ceux qui font du mal à leurs bienfaiteurs, sont punis de Dieu, » Of åòtxoŭvτες τοὺς εὐεργέτας ὑπὸ Θεοῦ κολάζονται.

Divina ingratos homines ulciscitur ira.

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FABLE XVI.

LE SERPENT ET LA LIME.

Ésope, fab. 81, Taλ (Coray, p. 48, p. 317, sous trois formes); fab. 184, "Exıç xal 'Pívŋ (Coray, p. 114). — Phèdre, livre IV, fab. 8, Vipera et Lima. Romulus, livre III, fab. 12, Vipera et Lima. Haudent, re partie, fab. 148, d'une Couleuure et d'une Lyme. Corrozet, fab. 37, du Serpent et de la Lime. Le Noble, conte 72, du Serrurier et de la Couleuvre. La satire insolente.

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Mythologia sopica Neveleti, p. 155, p. 240, p. 433, p. 523.

Le sujet de cet apologue est aussi celui du xxxvi® emblème de l'Hécatongraphie de Corrozet. — Il a été traité dans la fable 28 de Lokman, dans la 16o de Neckam (voyez les Poésies inédites du moyen åge de M. Éd. du Méril, p. 189), dans la 105o de Pantaleo Candidus (Weiss). Il était représenté dans le Labyrinthe de Versailles, et Benserade en a fait son XLVIe quatrain (xe de l'édition de 1676). Enfin Robert (tome I, p. 338-342) cite deux vieilles fables d'Ysopet I et d'Ysopet II. C'est de Phèdre et de Romulus que la Fontaine se rapproche le plus. Dans la première des fables ésopiques (no 81), et de même dans celles de Lokman et de Weiss, c'est, au lieu du Serpent, un chat ou une Belette qui s'attaque à la Lime. La seconde d'Ésope (no 184) ressemble plus à la nôtre, mais la morale en est toute différente. La Lime dit à la Vipère : « Tu es bien simple de croire emporter de moi quelque chose; ma coutume n'est pas de donner, mais de prendre de tous : » Ευήθης εἶ παρ' ἐμοῦ τι ἀποίσεσθαι οἰόμενος, ἥτις οὐ διδόναι, ἀλλὰ λαμβάνειν παρὰ πάντων εἴωθα, « Ceci s'adresse, ajoute le fabuliste, à qui espère recevoir quelque chose des avares. » On peut voir une allusion à la fable, prise au sens où la prend la Fontaine, dans la 1re satire du livre II d'Horace (vers 77 et 78) :

Invidia.... fragili quærens illidere dentem,
Offendet solido....

Cette fable a été imprimée en tête d'une des premières éditions de Télémaque, celle qui fut publiée à la Haye, par Adrien Moetjens,

1701, in-12. C'était une sorte d'avertissement au lecteur, une espèce de sauvegarde pour l'ouvrage contre les critiques ignorants ou malintentionnés. Le titre en est ainsi commenté, pour qu'on ne se trompe pas sur l'intention de l'éditeur : « LE SERPENT ET LA LIME, fable de Monsieur de la Fontaine, adressée aux auteurs qui ont critiqué les Aventures de Télémaque. »

On conte qu'un Serpent, voisin d'un Horloger
(C'étoit pour l'Horloger un mauvais voisinage),
Entra dans sa boutique, et cherchant à manger,
N'y rencontra pour tout potage

Qu'une Lime d'acier, qu'il se mit à ronger1.
Cette Lime lui dit, sans se mettre en colère2 :
« Pauvre ignorant! et que prétends-tu faire?
Tu te prends à plus dur que toi.

1.

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Petit Serpent à tête folle3,

Plutôt que d'emporter de moi

In officinam fabri venit Vipera.

Hæc quum tentaret si qua res esset cibi,
Limam momordit.... (PHÈDRE, vers 3-5.)

5

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2. Dans la fable de Romulus, c'est en riant que la Lime parle à la Vipère: Tunc Lima ridens ait ad Viperam : « Quid vis, improba, tuos lædere dentes? » Dans l'emblème de Corrozet, le Serpent mord une épée; chez le Noble, qui ne sait jamais se borner, un crampon de fer, puis une lime, puis l'enclume.

3. Toutes les éditions originales ont ici la conjonction et, qui du reste s'emploierait encore fort bien aujourd'hui après l'exclamation « Pauvre ignorant! » La plupart des éditeurs modernes ont remplacé et par

eh!

4. Phèdre dit (vers 1) « plus mordant, »

Mordaciorem qui improbo dente appetit;

et Romulus: Cum acriore nihil certandum est. Nous suivons la ponctuation de l'édition de 1678. Celle de 1668 met une virgule à

la fin du vers 8, et un point et virgule après le vers 9.

5. Le Noble s'exprime à peu près de même :

Couleuvre de fort petit sens.

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