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FABLE XIII.

LA POULE AUX OEUFS D'OR.

Ésope, fab. 136, Ὄρνις χρυσοτόκος, Ἀνὴρ καὶ Ορνις (Coray, p. 77 et 78, sous trois formes, et p. 335 et 336). La fable 24, Tuvǹ zal "Opvis (Coray, p. 17 et 18, p. 292 et 293), est pareille pour la moralité, mais différente pour le récit. Babrius, fab. 123, "Opis Avianus, fab. 33, Anser et Rusticus.

χρυσοτόκος.

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Haudent, Ire partie, fab. 109, d'un Homme et de sa Poulle. Corrozet, fab. 91, de la Femme et de la Geline.

Mythologia sopica Neveleti, p. 198, p. 365, p. 478.

Le manuscrit de M. le comte de Lurde que nous avons mentionné plus haut (p. 396) porte, au verso de la fable x de ce livre, cette fableci, écrite de la même main, sans aucune variante qui la distingue de notre texte. Elle est aussi au Manuscrit de Sainte-Geneviève. Benserade a sur ce sujet un quatrain bien tourné (le cxx®):

Un Homme avoit une Oie, et c'étoit son trésor,
Car elle lui pondoit tous les jours un œuf d'or.

La croyant pleine d'œufs, le fou s'impatiente,

La tue, et d'un seul coup perd le fonds et la rente.

Pour les fables orientales qu'on a rapprochées de celle-ci, on peut consulter le Mémoire de M. Wagener, p. 81-87; les Études indiennes de M. Weber, tome III, p. 340 et 341; et le tome I du Pantschatantra de M. Benfey, p. 360 et 361, p. 378-380. Le rapport nous paraît trop peu frappant pour qu'il soit à propos de l'indiquer ici, Voyez ci-après note 2. Une affabulation analogue se tire de la fable de l'arbre qu'on abat ou veut abattre pour en manger plus commodément les fruits. Desmay, dans l'Ésope du temps (1677, fable xm), l'a mise en vers, sous ce titre les Loirs ou la Débauche funeste. Il vaudrait beaucoup mieux mettre le chêne à bas, dit l'un des Loirs.

Rien ne seroit si commode au repas :

Il faudroit seulement se baisser pour en prendre.

Mais un autre mieux avisé s'oppose à ce funeste dessein et montre à

ses compagnons que ce serait folie de « faire mourir leur nourrice. »

On trouvera à l'Appendice de ce volume une fable latine de Mil/ton, où l'arbre, au lieu d'être abattu, est transplanté, et dont la moralité est à peu près la même.

L'avarice perd tout en voulant tout gagner'.
Je ne veux, pour le témoigner,

Que celui dont la Poule, à ce que dit la fable,
Pondoit tous les jours un œuf d'or'.

Il crut que dans son corps elle avoit un trésor3:
Il la tua, l'ouvrit, et la trouva semblable
A celles dont les œufs ne lui rapportoient rien,
S'étant lui-même ôté le plus beau de son bien.

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1. Chez Babrius (vers 7), la morale, appliquée au fait particulier raconté dans la fable, est ainsi rendue :

Πλείονος ἔρως.... ἐστέρησε τῶν ὄντων,

Le désir de plus le priva de ce qu'il avait. > - Pantaleo Candidus (Weiss), qui, dans sa fable 54: Mulier et Gallina auripara, a traité le sujet d'une des fables ésopiques (la 24o), termine ainsi son apologue:

Magna appetens amittit et mediocria.

2. Dans une fable de Lockman, c'est, au lieu d'un œuf d'or, un œuf d'argent. M. Éd. du Méril (Poésies inédites du moyen åge, p. 22 et note 2) conclut de là que la fable a très-vraisemblablement une origine sémitique. Dans celle des fables ésopiques que nous avons indiquée, dans la notice, sous le titre de la Femme et la Poule (Tuvǹ xxì "Opvis), il est question d'un œuf ordinaire. En arabe, et cela peut expliquer que dans la tradition l'œuf ordinaire se soit changé en œuf d'argent, les mots blanc et auf ont la même racine, et l'adjectif qui signifie blanc se prend substantivement pour dire argent.

3. L'une des versions de la fable ésopique (no 136) dit de même : Car il croyait que dans ses entrailles il trouverait un trésor, >> ἐδόκει γὰρ ἐν τοῖς ἐγκάτοις αὐτῆς θησαυρῷ τινι ἐντυχεῖν. Dans la version la plus connue, on lit: oyxov xpustov, ce que Haudent traduit par « une masse d'or fin. »

4. Chiche, dont la vraie signification est « mesquin, parcimo

Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vus 10 Qui du soir au matin sont pauvres devenus,

Pour vouloir trop tôt être riches!

nieux, » est pris ici au sens d'avare, avare dans l'acception étendue du latin avarus, qui veut dire avide en général, et surtout avide d'argent, cupide. Au premier vers, avarice est employé avec cette même extension de sens. Dans l'édition de 1729, on a imprimé par erreur, au lieu de chiches, le mot qui est déjà à la rime : riches,

5. Les exemples qui confirment cette leçon ne manquent en aucun temps. Est-ce une nouvelle allusion à ceux dont il est parlé ci-dessus, p. 252, note 7?

FABLE XIV.

L'ANE PORTANT1 DES RELIQues.

Ésope, fab. 257, Ὄνος βαστάζων Εἴδωλον, Ὄνος βαστάζων Αγαλμα (Coray, p. 168, p. 169, p. 389, sous trois formes).

fab. 95, Asinus simulacrum gestans.

Mythologia sopica Neveleti, p. 297, p. 357.

- Faërne,

Cette fable est la troisième et dernière du manuscrit de M. le comte de Lurde dont nous avons parlé dans les notices des fables x et xii de ce livre. Voyez ci-après la note 1.

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« L'Ane portant les mystères, est un proverbe grec. On se servait d'ânes, dit-on, pour transporter d'Athènes à Éleusis les objets nécessaires à la célébration des mystères. «Par Jupiter! dit l'esclave Kanthias dans les Grenouilles d'Aristophane (vers 159 et 160), je suis donc l'âne qui porte les mystères; mais je ne les porterai pas davantage; >

Νὴ τὸν Δί ̓, ἔγωγ' οὖν ὄνος ἄγων μυστήρια·
Ἄταρ οὐ καθέξω ταῦτα τὸν πλείω χρόνον.

O Cet apologue fait le sujet du vII° emblème d'Alciat, qui est précédé de ces mots : Non tibi, sed religioni. Claude Mignault, plus connu sous le nom de Minos, cite, dans le commentaire qu'il a fait de cet emblème, le distique suivant du savant Jean Mercier, successeur de Vatable dans la chaire d'hébreu du Collège royal:

Quid sibi vult Asinus tergo mysteria portans?
Indoctos videas sæpe præesse sacris.

« Voici l'Ane qui passe gravement, dit M. Saint-Marc Girardin / (xive leçon, tome II, p. 2), portant des reliques, et tout le monde le salue. L'Ane prend pour lui ces hommages. Quelqu'un l'avertit :

Ce n'est pas vous, c'est l'idole,

A qui cet honneur se rend.

Ce quelqu'un est assurément un mal-appris pourquoi détromper

1. Dans le manuscrit de M. de Lurde, portant est précédé de

l'Ane? pourquoi lui ôter l'illusion qui faisait son bonheur? De plus, j'y trouve un inconvénient : l'Ane dorénavant portera moins bien les reliques; il aura l'air moins grave et moins solennel. Il faut croire en ce monde aux reliques qu'on porte. Il y a cependant aussi un autre inconvénient : c'est d'y trop croire, ou plutôt de croire en soi-même à cause des reliques qu'on porte. Faut-il un exemple? Nous avons relevé le principe d'autorité, qui était tombé par terre, et nous avons eu raison; nous le portons avec révérence, et en cela encore nous avons raison. Mais ne croyons pas que ce principe puisse rendre vénérables et sacrés tous ceux qui le portent. Sans cela, gare à la fable de l'Ane qui porte des reliques! » — L'apologue de Boursault, le Jardinier et l'Ane, qui se trouve dans l'acte II (scène 1) de la comédie d'Ésope à la cour, a un sujet tout différent; mais la morale n'est pas sans quelque analogie avec celle qu'enseigne notre fable. L'Ane porte des fleurs, on le recherche et le suit; il porte du fumier, on le maudit et le fuit.

Un Baudet chargé de reliques

S'imagina qu'on l'adoroit :

Dans ce penser il se carroit3,

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Recevant comme siens l'encens et les cantiques.
Quelqu'un vit l'erreur, et lui dit :

« Maître Baudet, ôtez-vous de l'esprit

Une vanité si folle.

Ce n'est pas vous, c'est l'idole,

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charg, biffé. On voit qu'on avait d'abord voulu écrire : « l'Ane chargé de reliques. »

2. Les autres fabulistes, même les modernes, ont laissé le sujet tout païen. L'Ane porte la statue d'un dieu, ¿ózvov, åprupoŭv Bpétes, simulacrum argenteum (dit Faërne), Isidis effigiem (Alciat), une idole de bois (Benserade, quatrain ccvIII).

3. Dans la fable ésopique, il saute de joie, et peu s'en faut qu'il ne jette à terre la statue : σκιρτῶν ἤμελλε τὸν θεὸν ῥίψαι.

4. Ce quelqu'un, dans les autres fables, c'est son maître, c'est l'Anier, qui lui enseigne la modestie à coups de bâton.

5. La Fontaine mêle sans scrupule le langage païen et le langage chrétien. On sait au reste que le mot idole, dont le sens étymologique

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