FABLE IX. LE LABOUREUR ET SES ENFANTS. Ésope, fab. 22, Tεwpyòs xai Пaïdes autoũ (Coray, p. 16 et 17, p. 291, sous trois formes). Faërne, fab. 35, Pater et Filii. Haudent, 2o partie, fab. 11, d'un Vigneron et de ses Enfans. — Corrozet, fab. 79, du Laboureur et de ses Enfantz. Mythologia sopica Neveleti, p. 106. Travaillez, prenez de la peine : C'est le fonds qui manque le moins'. Un riche Laboureur, sentant sa mort prochaine, Un trésor est caché dedans. Je ne sais pas l'endroit3; mais un peu de courage - 5 1. « Le poëte, dit l'abbé Guillon qui trouve ces deux vers peu clairs, veut dire que le défaut de succès ne vient point de la terre, mais de l'homme, et que le produit est toujours en raison de la cul« Il y a à parier, ajoute Geruzez, qui cite cette phrase de l'abbé Guillon, que la Fontaine serait bien surpris d'avoir voulu dire cela. > ture. » 2. Haudent commence à peu près de même : 3. Un Vigneron, se voyant presque mort, .... Liberis rogantibus Ut ederet qua parte tandem vines Aurum lateret, nil locutus amplius, Desiderati liquit incertos loci. (FAËRNE, vers 5-8.) Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'oût* : Le Père mort, les Fils vous retournent le champ", D'argent, point de caché. Mais le père fut De leur montrer, avant sa mort, 4. Voyez livre I, fable 1, vers 13. 10 15 sage 5. Chez tous les autres fabulistes le Laboureur est un Vigneron, le champ une vigne. 6. Nous avons déjà vu cette locution au vers 8 de la fable vi de ce livre. 7. Faërne (vers 10-12) peint ainsi l'ardeur des enfants au travail : 8. Versare duris vineam ligonibus, Et hic et illic scrobibus effossis, humum Capere glebas in minutas frangere. En ceste vigne ont houé et fouy, L'un d'une houe, et l'autre d'un picquoys, Mais par nul d'eulx one ne fut deffouy D'or ou d'argent seullement une croix. (HAUDENT.) 9. Dans les fables grecques : Ὁ κάματος θησαυρός ἐστι τοῖς ἀνθρώ ποῖς. On a rapproché de cette moralité ce fragment d'Épicharme, cité par Xénophon, au livre II des Mémorables, chapitre 1 (20): Τῶν πόνων πωλοῦσιν ἡμῖν πάντα τἀγάθ' οἱ Θεοί, « Les Dieux nous font acheter tous les biens par nos travaux; » et le vers 308 des Travaux et les Jours d'Hésiode : Ἐξ ἔργων δ' ἄνδρες πολύμηλοί τ' ἀφνειοί τε, « Par les travaux les hommes deviennent et riches en troupeaux (ou en fruits) et opulents. » — Benserade, dans son CLXIXe quatrain, amène élégamment l'affabulation : Un Vigneron mourant dit qu'un trésor insigne taignes enflées. FABLE X. LA MONTAGNE QUI ACCOUCHE. Phèdre, livre IV, fab. 22, Mons parturiens. — Romulus, livre II, fab. 5, Mons parturiens. Haudent, 1re partie, fab. 132, des MonCorrozet, fab. 21, de l'enfantement des Montaignes. Boursault, les Fables d'Ésope, acte V, scène iv, la Montagne qui Le Noble, fab. 81, de la Montagne qui accouche. L'avor accouche. tement. Mythologia sopica Neveleti, p. 441, p. 504. M. le comte de Lurde nous a obligeamment communiqué un texte manuscrit de cette fable, qu'il croit autographe. La fable est résumée dans ce vers grec (Érasme, Chiliades des proverbes, col. 666, Genève, 1606): Ὤδινεν οὖρος, εἶτα μῦν ἀπέκτεκεν. Le roi d'Égypte Tachos, étonné à la vue de la petite taille d'Agésilas, qui lui amenait des auxiliaires, l'accueillit par ces mots : Ώδινεν ὄρος, Ζεὺς δ' ἐφοβεῖτο, τὸ δ' ἔτεκεν μῦν, < La montagne était en travail, et Jupiter avait peur; elle enfanta une souris. » Entendant ces mots, Agésilas irrité lui dit : Pavf50μαί σοί ποτε καὶ λέων, « Je te paraitrai aussi lion quelque jour. Voyez Athénée, livre XIV, § 6 (p. 616 D). — Lucien, dans son traité de la Manière d'écrire l'histoire, S 23 (édition Lehmann, tome IV, p. 194), compare de maigres histoires commençant par de longs et solennels débuts à des Cupidons portant de grands masques d'Hercule ou de Titan; quand on entend de tels débuts, dit-il, on s'écrie : Ώδινεν ὄρος. - Rabelais (livre III, chapitre xxiv, tome I, p. 445) applique de même l'apologue à une narration diffuse consacrée par Enguerrand (de Monstrelet) à un fait insignifiant : « La mocquerie est telle, dit-il, que de la Montaigne d'Horace, laquelle crioit et lamentoit enormement, comme femme en trauail d'enfant. A son cry et lamentation accourut tout le voisinaige, en expectation de veoir quelcque admirable et monstreux enfantement; mais enfin ne nasquit d'elle qu'une petite souris. » — - Nodier cite une élégante imitation du poëte allemand Hagedorn ntitulée : la Montagne et le Poëte (OEuvres poétiques, 1769, 2o partie, p. 97), et il en donne cette traduction partielle et libre : « Dieux, secourez-nous; hommes, fuyez! une Montagne en travail va accoucher; elle jettera autour d'elle, avant qu'on ne soit sur ses gardes, et le sable et les rochers. Suffénus' sue, il rugit, il écume, il frappe du pied, il grince des dents; Suffénus est en fureur. Il rime, il veut couvrir Homère de honte. Qu'arrive-t-il? Suffénus enfante un sonnet, et la Montagne une souris. » — Un autre poëte allemand, Gleim (livre IV, fable 111), a traité le sujet en six vers d'un tour très-piquant. Dans l'une des deux vieilles fables données par Robert, celle d'Ysopet II, la Montagne menaçante est un volcan : mente. L'Anonyme de Nevelet (p. 504) intitule la sienue : de Terra tuLe Romulus de Nilantius (fable xx11) substitue ridiculement à la Montagne un Homme (Homo parturiens), dont la grossesse contre nature excite l'attente et l'effroi. Le Noble, soucieux des bonnes mœurs, fait précéder l'accouchement d'un hymen de Montagnes : Deux Montagnes un jour, s'entend mâle et femelle, Scellèrent d'un hymen leur ardeur mutuelle. - Voyez les vers d'Horace et de Boileau cités dans la dernière note. Une Montagne en mal d'enfant Jetoit une clameur si haute, Que chacun, au bruit accourant, Crut qu'elle accoucheroit sans faute D'une cité plus grosse que Paris : Elle accoucha d'une Souris 3. 5 1. Nom d'un mauvais poëte raillé par Catulle dans sa xxII* poésie. 2. Dans le manuscrit de M. le comte de Lurde : « poussoit. » 3. Mons parturibat, gemitus immanes ciens, Quand je songe à cette fable, Et le sens est véritable, Je me figure un auteur Qui dit : « Je chanterai la guerre Que firent les Titans au maître du tonnerre. » Eratque in terris maxima exspectatio. At ille Murem peperit........ (PHÈDRE, vers 1-3.) 10 - Le Noble emploie ici la coupe imitative que la Fontaine a gardée pour la fin de la fable: A la fin elle accouche; et que met-elle au monde ? Un Rat. Boursault cherche aussi à peindre par la construction de sa periode l'attente déçue : Mais ce colosse affreux, dont l'orgueilleuse tête Après une longue attente, L'Anonyme de Nevelet ajoute un trait assez bien rendu : Turgida Murem Terra parit; jocus est quod fuit ante timor. 4. Les Tirans, par erreur, dans l'édition de 1678. 5. Cette affabulation est imitée d'Horace (Art poétique, vers 136 139) : Nec sic incipies, ut scriptor cyclicus olim: « Fortunam Priami cantabo et nobile bellum. » Boileau dit, de son côté, dans l'Art poétique (chant III, vers 270274): N'allez pas dès l'abord, sur Pégase monté, Crier à vos lecteurs, d'une voix de tonnerre : Je chante le vainqueur des vainqueurs de la terre. > |