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Dès ce soir on vous fera frire. »

Un Tiens' vaut, ce dit-on, mieux que deux Tu l'auras': L'un est sûr, l'autre ne l'est pas.

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μικρὸν ἰχθύν, « de ceux qui sont bons pour la podle à frire, » τῶν εἰς τάγηνον ὡραίων (vers 3 et 4).

7. VAR. Dans l'édition de 1682, on lit: Tient. Les éditions de 1668, de 1678, de 1679 (Amsterdam), de 1688, de 1708 et de 1729, aussi bien que le Recueil de poésies chrétiennes, ont la seconde personne: Tiens, ou plutôt, d'après la vieille orthographe, meilleure que la nôtre, Tien, sans s.

8. C'est, peu s'en faut, le vers de Corrozet.

Mieulx vault ung Tien que deux fois Tu l'auras.

-Les Espagnols expriment ainsi le même proverbe : Mas vale un Toma que dos Te dare, « mieux vaut un Prends que deux Je te donnerai. » Voyez le Dictionnaire de l'Académie de Madrid. La Fontaine a dit ailleurs (Ballade à Foucquet, octobre 1659):

Promettre est un et tenir est un autre.

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--

Dans la moralité d'Yso

pet-Avionnet, cité par Robert (tome I, p. 310 et 311):

Prouerbe est: qui tiengne, si tiengne,

Que mescheance ne li auiengne.

Chez Villon (Ballade des proverbes, vers 12, édition Jannet, p. 117):

9.

Tant vaut tien que chose promise.

.... On se mécompte

Quand pour un vain espoir on quitte un bien présent.

(LE NOBLE.)

FABLE IV.

LES OREILLES DU LIÈVRE.

Faërne, fab. 97, Vulpes et Simius.

Le sujet de la fable de Faërne est au fond le même que celui de la Fontaine; mais les personnages et les détails différent : les animaux sans queue (honore caudæ quæ carerent) ayant été bannis par le Lion, le Renard se hâte de partir avec eux. Le Singe lui représente naïvement qu'il a plus de queue qu'il n'en faut (tantum caudæ, ut superforet), et qu'il n'a rien à craindre. « Oui, mais si le Lion veut dire que je n'ai pas de queue, qui osera le contredire? Qui même osera voir que j'ai une queue? - Le poëte persan Sadi, dans Gulistan, ou l'Empire des Roses, dont la Fontaine a pu lire la traduction par André du Ryer (Paris, 1634), tire d'une autre allégorie encore un semblable enseignement (chapitre 1, p. 53) : « On vit le Renard un jour qu'il fuyoit tout effarouché. Interrogé de la cause de sa peur, il répondit qu'il avoit ouï dire qu'on prenoit tous les mulets et chameaux pour porter l'équipage du Roi qui alloit à la guerre. «O fol et igno< rant, lui dit-on, qu'as-tu affaire avec les mulets et les chameaux? << en quoi les ressembles-tu? Tais-toi, répondit-il; si quelque < envieux vient, et dit : Voilà un chameau, prenons-le; qui me vien‹ dra délivrer? et qui aura soin de moi? Je serai chargé avant que <mes raisons soient entendues. » Cette fable se trouve à la page 57 dans la traduction de M. Defrémery, que nous avons déjà eu l'occasion de citer; le traducteur la rapproche de la fable du Renard et le Chacal, racontée par le chef mongol Nevrouz, dans l'Histoire des Mongols du baron C. d'Ohsson (livre VI, chapitre 11, tome IV, p. 48). – M. Saint-Marc Girardin, après avoir cité en entier avec éloge et traduit la fable de Faërne, dans sa viire leçon (tome I, p. 230 et 231), ajoute cette réflexion trop vraie et trop frappante: « Juste défiance de la justice ici-bas, quand il n'y a pas d'autre loi que la volonté du despote. Vous êtes innocent, je le sais bien, et vous n'avez ni conspiré ni comploté; mais si le maître vous soupçonne d'être un conspirateur, qui osera dire que vous êtes innocent? Vous avez peut-être plus

de vertu qu'il n'en faut pour être un saint; vous n'en avez pas assez pour ne pas être un accusé. ›

Un animal cornu1 blessa de quelques coups
Le Lion, qui plein de courroux,

Pour ne plus tomber en la peine,

Bannit des lieux de son domaine 2

Toute bête portant des cornes à son front.
Chèvres, Béliers, Taureaux aussitôt délogèrent;
Daims et Cerfs de climat changèrent :
Chacun à s'en aller fut prompt.

Un Lièvre, apercevant l'ombre de ses oreilles,
Craignit que quelque inquisiteur

N'allât interpréter à cornes leur longueur,
Ne les soutînt en tout à des cornes pareilles.
« Adieu, voisin Grillon, dit-il; je pars d'ici :
Mes oreilles enfin seroient cornes aussi;

Et quand je les aurois plus courtes qu'une autruche',
Je craindrois même encor*. » Le Grillon repartit :

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1. M. Saint-Marc Girardin se souvient des deux premiers vers de cette fable dans un très-joli passage de sa xvre leçon (tome II, p. 68), dont nous avons parlé au sujet de la fable x1 du livre IV et qu'on trouvera ci-après dans l'Appendice de notre tome I. Il voit dans la bête cornue qui s'est fait une affaire avec le Lion quelque « animal hardi et fier, » et qui « porte haut la tête, » le Cerf par exemple. Exsulare e finibus regni sui

2.

....

....

· jusserat. (FAËRNE, vers 2 et 3.)

3. L'exemple est bien choisi. Chez l'autruche, différente en cela des oiseaux en général, la tête, excepté durant une courte période de l'enfance (un an, dit-on), où elle se trouve garnie de plumes, est nue ou recouverte seulement de poils épars, et par suite les oreilles sont à découvert et bien visibles, à fleur de tête.

4. « Le Lièvre de la Fontaine est prudent; il connaît le mot de je ne sais plus quel président du parlement de Paris : « Si l'on m'ac«< cusait d'avoir volé les tours de l'église Notre-Dame, et de les avoir

mises dans ma poche, je commencerais par m'enfuir; je m'expli«querais ensuite. (M. SAINT-MARC GIRARDIN, tome I, p. 232.)

. Cornes cela ? Vous me prenez pour cruche;
Ce sont oreilles que Dieu fit.

On les fera passer pour cornes,

Dit l'animal craintif, et cornes de licornes".
J'aurai beau protester; mon dire et mes raisons
Iront aux Petites-Maisons".

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5. « Cette consonnance fait ici un très-bon effet, parce qu'elle arrête l'esprit sur l'idée de l'exagération qu'emploient les accusateurs. » (CHAMFORT.) Pline dit, au livre VIII de son Histoire naturelle (chapitre xxx1), que la licorne, qu'il appelle monoceros, a au milieu du front une corne noire longue de deux coudées, è uno cornu nigro media fronte cubitorum duum eminente. La licorne est mentionnée plusieurs fois dans la Bible; la Vulgate la désigne par le nom d'Unicornis, dont le mot français est une corruption; elle paraît souvent dans les poëmes du moyen âge. On peut voir sur cet animal fabuleux (telle est du moins aujourd'hui l'opinion à peu près générale) un intéressant article de M. E. Desmarest dans le Dictionnaire d'histoire naturelle de Ch. d'Orbigny.

6. Seront traitées d'extravagances. « Les Petites-Maisons étaient un hôpital fondé par la ville de Paris en 1497, et désigné d'abord sous le nom de Maladrerie de Saint-Germain. On lui donna le nom de Petites-Maisons, parce que les cours qui le composaient étaient entourées de petites maisons fort basses qui servaient de logement à plus de quatre cents vieillards entretenus par le grand bureau des pauvres. Cet hôpital était aussi destiné à recevoir des fous, et l'expression Petites-Maisons devint synonyme d'hôpital de fous. » (M. ChéRUEL, Dictionnaire historique des Institutions, mœurs et coutumes de la France, 2o partie, p. 977.) — « Et Dieu veuille, dit encore M. SaintMarc Girardin à l'endroit cité (tome I, p. 232 et 233), que ce soient seulement le dire et les raisons qui aillent à l'hôpital des fous, et non pas la personne! » Il confirme ensuite cette crainte par un navrant récit emprunté à l'histoire de Venise sous la domination autrichienne. Voici la morale de Faërne (vers 12 et 13):

-

Cui vita sub tyranno agenda contigit,

Insons licet sit, plectitur sæpe ut nocens.

FABLE V.

LE RENARD AYANT LA QUEUE COUPÉE1.

Ésope, fab. 7, Αλώπεκες, Αλώπηξ κόλουρος (Coray, p. 7, p. 284). - Faërne, fab. 61, Vulpes.

gnard sans queue.

Haudent, 2e partie, fab. 4, d'un ke

· Corrozet, fab. 72, du Regnard sans queue. Mythologia sopica Neveleti, p. 92, p. 526 (voyez ci-après la note 7).

Un vieux Renard, mais des plus fins,

Grand croqueur de poulets, grand preneur de lapins,
Sentant son renard d'une lieue',

Fut enfin au piége attrapé.

Par grand hasard en étant échappé,

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1. Un mot suffit à notre vieille langue pour rendre « ayant la queue coupée; » le Renard escoué, dit Corrozet. C'est le latin excaudis, mot que nous ne trouvons employé qu'au figuré, comme terme de métrique. Haudent, Benserade et notre poëte lui-même, au vers 17, se sont servis, dans le même sens, d'écourté (escourté). Les Grecs, comme on le voit par l'un des titres donnés dans la notice, expriment aussi l'idée par le seul adjectif κόλουρος.

2. C'est une nouvelle imitation du vers de Marot cité plus haut (p. 342, fin de la note 2). L'abbé Batteux, dans ses Principes de la littérature (Traité de l'apologue, chapitre 1), allègue les trois premiers vers comme exemple de description de mœurs. Lessing, dans sa Ive dissertation (du Style des fables, tome V des OEuvres, p. 413, édition Lachmann, Berlin, 1838), les critique comme un développement oiseux, contraire, dit-il, à la nature même de la fable, le nom seul du Renard suffisant pour éveiller en nous tout ce que contient cette description. Mais pourquoi, je le demande, cette règle étroite? De quel droit peut-on défendre au fabuliste de donner à ses personnages, outre les qualités du genre ou de l'espèce, un caractère individuel, qui peut être, par exemple, comme ici, de porter ces qualités au plus haut degré ?

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