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Délogèrent tous sans trompette.

la Fontaine rétablit se culebutans, Chamfort a donc eu tort de dire: a Voletants, se culbutants. Ce vers de sept syllabes entre deux vers de huit syllabes donne du mouvement au tableau, et exprime le sens dessus dessous avec lequel la petite famille déménage. » Avis aux commentateurs imprudents qui ont plus d'imagination que d'exactitude. - Gail s'est permis cette correction :

Voletants et se culbutants.

LIVRE CINQUIÈME.

FABLE I.

LE BUCHERON ET MERCURE.

A M. L. C. D. B.1

Ésope, fab. 44, Euλevóuevos xxl Epuns (Coray, p. 28 et 29, et p. 302 et 303, sous trois formes, dont la seconde, qui est d'une trèsélégante sobriété, se trouve dans les Proverbes de Michaël Apostolius, ou plutôt dans les additions qu'y a faites son fils Arsénius; voyez les Parémiographes grecs de E. L. de Leutsch, tome II, p. 593 et 594, centurie XIII, 67 a). Faërne, fab. 62, Lignator et Mercurius. Rabelais, Nouveau prologue du livre IV, tome II, Haudent, 2o partie, fab. 34, d'un Bocheron et de Le Noble, fab. 56, du Bücheron et de Mercure. La probité

p. xx-xxxII. Mercure.

récompensée.

-

Mythologia sopica Neveleti, p. 125.

M. Taine (p. 256-263) fait entre la première des fables ésopiques

1. Le chevalier de Bouillon, que ces initiales désignent selon toute apparence (voyez l'Histoire de la Fontaine par Walckenaer, livre II, tome I, p. 206), était un ami de Chaulieu, et, comme lui, de la société du Temple. « On sait, dit Walckenaer (ibidem), qu'il avait beaucoup d'esprit et d'instruction. » Dans les OEuvres diverses de Chaulieu (Londres, 1740, in-8o) on trouve plusieurs pièces qui lui sont adressées, et notamment (au tome I, p. 114) la fameuse épître qui commence par ce vers :

Élève que j'ai fait dans la loi d'Épicure.

A la page 122, est une lettre en prose du chevalier lui-même, qui nous apprendrait, si nous ne la connaissions, la vie qu'on menait dans cette société des libertins.

D

données par Coray, le récit de Rabelais (dégagé des parenthèses et digressions qui y sont entièrement étrangères) et l'apologue de la Fontaine, une comparaison où tout l'avantage demeure à notre poëte. Il paraît, avec raison, au spirituel critique que chez Rabelais, dont la fable semble aussi « démesurément longue et diffuse » à M. Soullié (p. 202), « l'imagination déborde et noie le récit; » que la Fontaine a saisi « le milieu entre la sécheresse et l'abondance, entre la rareté et l'entassement des détails, » que, par la puissance du goût et le désir d'aller au but, « il trouve plus d'idées que Rabelais, et dit moins de paroles qu'Ésope. »

Votre goût a servi de règle à mon ouvrage :
J'ai tenté les moyens d'acquérir son suffrage,
Vous voulez qu'on évite un soin trop curieux,
Et des vains ornements l'effort ambitieux 2;
Je le veux comme vous: cet effort ne peut plaire.
Un auteur gâte tout quand il veut trop bien faire3.
Non qu'il faille bannir certains traits délicats:
Vous les aimez, ces traits; et je ne les hais
Quant au principal but qu'Esope se propose,
J'y tombe au moins mal que je puis.
Enfin, si dans ces vers je ne plais et n'instruis,

pas.

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Ornamenta.... (HORACE, Art poétique, vers 447.)

3. Nimia cura deterit magis quam emendat. (PLINE le jeune, livre IX, lettre xxxv, à Appius.)

L'esprit qu'on veut avoir gåte celui qu'on a.

(GRESSET, le Méchant, acte IV, scène vII.) Walckenaer, à l'endroit cité, dit, au sujet de ces six premiers vers, qu'ils prouvent a que la Fontaine méditait beaucoup sur son art (voyez la note 4) et qu'il consultait souvent celui à qui il s'adresse, › N'est-ce pas trop conclure? A un aussi heureux génie, écrivant à une telle époque, était-il besoin de bien longues méditations pour trouver et rendre ainsi l'une des premières règles du bon goût? et pour savoir que le chevalier de Bouillon, si c'est de lui qu'il s'agit, était de son avis sur ce point, fallait-il de fréquentes consultations?

Il ne tient pas à moi; c'est toujours quelque chose*.
Comme la force est un point

Dont je ne me pique point,

Je tache d'y tourner le vice en ridicule,

Ne pouvant l'attaquer avec des bras d'Hercule.
C'est là tout mon talent; je ne sais s'il suffit.

Tantôt je peins en un récit

La sotte vanité jointe avecque l'envie,

Deux pivots sur qui roule aujourd'hui, notre vie" :
Tel est ce chétif animal

Qui voulut en grosseur au Bœuf se rendre égal".
J'oppose quelquefois, par une double image,
Le vice à la vertu, la sottise au bon sens,

Les Agneaux aux Loups ravissants",

La Mouche à la Fourmis; faisant de cet ouvrage
Une ample comédie à cent actes divers",

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4. On voit par ce petit prologue que la Fontaine méditait plus qu'on ne le croit communément sur son art et sur les moyens de plaire à ses lecteurs. Mme de la Sablière l'appelait un fablier, comme on dit un pommier, et d'après ce mot, on a cru que la Fontaine trouvait ses fables au bout de sa plume. La multitude de ses négligences a confirmé cette opinion; mais sa négligence n'était que la paresse d'un esprit aimable qui craint le travail de corriger, de changer une mauvaise rime, etc. » (CHAMFORT.) (CHAMFORT.) Voyez la fin de la note précédente.

5. « Ce vers et cent autres prouvent que la Fontaine ne manque point de force, quoiqu'il ne s'en pique point; mais il la cache sous un air de bonhomie. » (CHAMFORT.)

6. Livre I, fable 1.

7. Livre I, fable x.
8. Livre IV, fable III.

9. Rien de plus fréquent chez les critiques que les allusions à ce vers et à toute la fin de ce prologue. Voyez Walckenaer, Histoire de la Fontaine, livre III, tome I, p. 297; M. Saint-Marc Girardin, tome I, p. 2, 11, 379 et 380; M. Soullié, p. 297; M. Tivier, dans le discours déjà mentionné, p. 16. - M. Soullié (p. 317) fait remarquer très-justement que les prologues de la Fontaine a formeraient la meilleure poétique du genre; » et M. Saint-Marc Girardin, dans

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