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Tout peuple à ses pieds s'allât rendre 3, Quadrupedes, humains, éléphants, vermisseaux, Les républiques des oiseaux;

4

La Déesse aux cent bouches, dis-je,
Ayant mis partout la terreur

En publiant l'édit du nouvel empereur,
Les Animaux, et toute espèce lige

De son seul appétit", crurent que cette fois

Il falloit subir d'autres lois.

On s'assemble au désert: tous quittent leur tanière.
Après divers avis, on résout, on conclut

D'envoyer hommage et tribut.

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3. C'est une allusion à l'oracle rendu par Jupiter Hammon, qu'Alexandre était allé consulter après la prise de Tyr. Le plus ancien des prêtres l'ayant proclamé fils de Jupiter, le Roi lui demanda si son père lui destinait l'empire de tout l'univers, et le prêtre répondit qu'il deviendrait en effet maître de toute la terre, terrarum omnium rectorem fore ostendit. (Quinte-Curce, livre IV, chapitre vII.) - Le récit de Cousin commence autrement. C'est quand on apprend qu'Alexandre doit venir consulter l'oracle d'Hammon que les princes de la terre (et non les animaux) envoient à l'envi des présents, surtout Ptolémée (qui n'eut l'Égypte en partage qu'après la mort d'Alexandre). La suite de la narration ressemble à notre fable. Les quatre bêtes de somme s'offrent à porter les dons du Roi. Ils rencontrent le Lion, etc.

4. « La république, » au singulier, dans l'édition de 1678 A.

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Tot linguæ, totidem ora sonant....

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(VIRGILE, Énéide, livre IV, vers 181 et 183.) 6. Quinte-Curce a employé également le mot imperator (livre VI, chapitre vi), pour parler de la royauté d'Alexandre et de son pouvoir absolu.

7. Esclave de son seul appétit. Lige est un mot de la langue féodale, qui désigne un homme lié à son seigneur par certaines obligations étroites, et lui devant fidélité en tout cas et sans restriction.

Salluste (Catilina, chapitre 1) a exprimé ainsi la même pensée Pecora quæ natura prona atque ventri obedientia finxit,

Pour l'hommage et pour la manière,

Le Singe en fut chargé : l'on lui mit par écrit
Ce que l'on vouloit qui fùt dit.

Le seul tribut les tint en peine :
Car que donner? il falloit de l'argent.
On en prit d'un prince obligeant,
Qui possédant dans son domaine
Des mines d'or, fournit ce qu'on voulut.
Comme il fut question de porter ce tribut,

Le Mulet et l'Ane s'offrirent,

Assistés du Cheval ainsi que du Chameau".

Tous quatre en chemin ils se mirent, Avec le Singe, ambassadeur nouveau. La caravane enfin rencontre en un passage Monseigneur le Lion : cela ne leur plut point.

« Nous nous rencontrons tout à point,

Dit-il; et nous voici compagnons de voyage.
J'allois offrir mon fait à part";

Mais bien qu'il soit léger, tout fardeau m'embarrasse.

Obligez-moi de me faire la grace

Que d'en porter chacun un quart:

Ce ne vous sera pas une charge trop grande,

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Et j'en serai plus libre 1o et bien plus en état,
En cas que les voleurs attaquent notre bande,
Et que l'on en vienne au combat. >>
Éconduire un Lion rarement se pratique.
Le voilà donc admis, soulagé, bien reçu,

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8. Dans Cousin: Obtulerunt sponte veterinam operam Mulus, Equus, Asinus et Camelus, qui pecuniam cum fide convectandam suscepere. Il n'est pas question du Singe dans le conte latin.

9. Le fait du Lion, c'est, dit Cousin, un tout petit nombre de drachmes: paucas admodum........ drachmas.

10. L'édition de 1668 in-4o a une syllabe de trop à cet hémistiche:

Et j'en serai bien plus libre....

Et malgré le héros de Jupiter issu,
Faisant chère et vivant sur la bourse publique.
Ils arrivèrent dans un pré 11

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Tout bordé de ruisseaux, de fleurs tout diapré,
Où maint mouton cherchoit sa vie :
Séjour du frais, véritable patrie

Des Zéphirs. Le Lion n'y fut pas, qu'à ces gens
Il se plaignit d'être malade.
"Continuez votre ambassade,

Dit-il; je sens un feu qui me brûle au dedans,
Et veux chercher ici quelque herbe salutaire.
Pour vous, ne perdez point de temps:
Rendez-moi mon argent; j'en puis avoir affaire. »
On déballe; et d'abord le Lion s'écria,

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D'un ton qui témoignoit sa joie :

Que de filles, ô Dieux, mes pièces de monnoie Ont produites12! Voyez la plupart sont déjà

Aussi grandes que leurs mères.

Le croît 13 m'en appartient. » Il prit tout là-dessus;
Ou bien s'il ne prit tout, il n'en demeura guères.

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Le Singe et les Sommiers 1 confus,

Sans oser répliquer, en chemin se remirent.
Au fils de Jupiter on dit qu'ils se plaignirent,
Et n'en eurent point de raison.

Qu'eut-il fait? C'eût été lion contre lion;

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бо

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11. Chez Cousin, c'est à deux jours de chemin de Memphis qu'on a rencontré le Lion, et c'est en arrivant dans les grasses campagnes de l'Asie qu'il s'arrête et reprend son argent.

12. Ce trait se trouve, mais très-légèrement indiqué, dans le conte latin: Drachmæ, inquit, meæ multas admodum drachmas peperere. Le Lion s'empare de toutes les drachmes marquées de la même empreinte que les siennes,

13. L'augmentation. Ce mot continue la métaphore; c'est un terme d'agriculture qui s'applique particulièrement au produit des bestiaux. 14. Les bêtes de somme; voyez les vers 30 et 31.

Et le proverbe dit : « Corsaires à corsaires,

L'un l'autre s'attaquant, ne font pas leurs affaires 1.

15. Cette fin est empruntée à Regnier, qui termine ainsi sa x11° satire:

Mais c'est un satyrique, il le faut laisser là.
Pour moy, i'en suis d'auis, et cognois à cela
Qu'ils ont un bon esprit. Corsaires à corsaires,
L'un l'autre s'attaquant, ne font pas leurs affaires.

- Boileau, dans son épigramme xxxv, cite ainsi ce passage:
Apprenez un mot de Regnier,
Notre célèbre devancier :

« Corsaires attaquant corsaires

Ne font pas, dit-il, leurs affaires. >>

— Regnier lui-même avait peut-être voulu imiter ce proverbe espagnol: De cosario a cosario, no se llevan que los barilles, qui signifie : «< de corsaire à corsaire, il n'y a que des barils à prendre, » et que nous trouvons ainsi rendu dans la Petite Encyclopédie des Proverbes (Paris, 1852, p. 198): « De corsaire à corsaire, n'y pend que barriques rompues. »

FABLE XIII.

Le cheval S'ÉTANT VOULU VENGER DU CERF.

Ésope, fab. 313, "Iлños xal "Elaços (Coray, p. 206-208, sous quatre formes, dont la première est tirée de la Rhétorique d'Aristote, livre II, chapitre xx ; la seconde des Narrations de Conon, no XLII; la troisième de Nicéphore Basilacas, fab. 2). — Horace, livre I, épître x, vers 34 et suivants. Phèdre, livre IV, fab. 4, Equus et Aper. Romulus, livre IV, fab. 9, Equus, Cervus et Venator.

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Haudent,

1 partie, fab. 156, d'un Cheual, d'un Homme et d'un Cerf. — Corrozet, fab. 77, du Cerf et du Cheual. Le Noble, fab. 64, de l'Écuyer et du Cheval. La liberté. Nous avons vu une lettre de Boissonade à Walckenaer, du 21 février 1827, dans laquelle il est dit que << Charles Fontaine, au seizième siècle, a très-élégamment narré cette fable (dans un poëme intitulé la Contre-Amye de Court 1). »

Mythologia sopica Neveleti, p. 366, p. 430.

Cette fable est au Manuscrit de Sainte-Geneviève.

Chez Aristote, la fable a une énergique concision; elle est racontée par Stésichore aux citoyens d'Himère, qui viennent de choisir Phalaris pour général, et qui veulent en outre lui donner une garde. Dans la narration de Conon, Phalaris est remplacé par Gélon. Plutarque, dans la Vie d'Aratus (chapitre xxxvIII), mentionne la fable (qu'il attribue à Ésope) à propos d'Antigone Doson, élu généralissime par les Achéens; et pour peindre comment il se les soumit, il y emprunte plusieurs métaphores très-expressives (6, χαλινουμένους). Voyez ci-après, dans la note 13, deux autres applications de la fable, l'une encore historique, l'autre toute morale; et, dans l'Appendice de ce volume, une vive et spirituelle causerie, extraite de la xvi leçon de M. Saint-Marc Girardin, et nous faisant passer, d'une façon très-significative, de l'allégorie au sens propre. —

1. Cette fable de Charles Fontaine, où sont traduits, ou plutôt développés librement en quatorze vers, les huit vers d'Horace, a été imprimée dans le recueil qui a pour titre : les Poëtes françois depuis le xir siècle jusqu'à Malherbe, tome III, p. 441 (Paris, Crapelet, 1814).

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