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Et qui, caquetants 1o au plus dru,
Parlent de tout, et n'ont rien vu.

Le Dauphin rit, tourne la tête,
Et le magot considéré,

Il s'aperçoit qu'il n'a tiré

Du fond des eaux rien qu'une bête.
Il l'y replonge, et va trouver

Quelque homme afin de le sauver 17.

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16. Les éditions originales mettent ainsi le participe au pluriel, de même que celles de 1682 et de Londres 1708.

17. « On ne voit pas trop quelle est la moralité de cette prétendue fable, qui n'en est pas une. » (CHAMFORT.) lation de Faërne :

Qui mentiuntur impudenter, hi suis
Refellere ipsi se solent mendaciis.

Voici l'affabu

FABLE VIII.

L'HOMME ET L'IDOLE DE BOIS.

Ésope, fab. 128, Ἄνθρωπος καταθραύσας ἄγαλμα (Coray, p. 70 et 71, sous deux formes, et p. 330).

Ἑρμοῦ.
Ydole.

Babrius, fab. 119, "Ayaλux Haudent, 2o partie, fab. 8, d'un Avaricieux et de son Corrozet, fab. 76, de l'Homme et de son Dieu de bois. Le Noble, fab. 51 bis (no 1 du tome II), de l'Idole brisé (sic: voyez la note 4). Le caprice.

Mythologia sopica Neveleti, p. 192.

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On a rapproché de cet apologue un conte indien, dont il existe plusieurs versions. Dans ce conte, fondé sur une croyance bouddhique, l'Idole, dans laquelle de l'or est caché, est remplacée par un moine djaina, en chair et en os, qu'un coup de bâton, assené sur la tête, transforme en or, et cet or enrichit un pauvre marchand, riche dans une existence antérieure, qui, averti en songe, a ainsi frappé le moine. M. Weber, par une conjecture ingénieuse, trop ingénieuse peut-être, suppose, dans ses Études indiennes (tome III, p. 353), que cette sorte de légende fait allusion à un épisode de la sanglante persécution dirigée contre le bouddhisme, au roi Pushpamitra promettant cent pièces d'or pour chaque tête de religieux qu'on lui apporterait : c'est un fait rapporté par Eugène Burnouf dans son Introduction à l'histoire du Buddhisme (p. 431). Au sujet du conte indien, que plusieurs inclinent à considérer comme la source de la fable grecque, on peut voir, outre M. Weber, déjà cité, l'Introduction au Pantschatantra de M. Benfey (tome I, p. 475-479), et le Mémoire de M. Wagener (p. 121). Le conte même est le 1er du livre V du Pantschatantra (tome II de M. Benfey, p. 321-326); il y est allongé par une continuation assez plaisante.

Certain Païen chez lui gardoit un Dieu de bois,

De ces dieux qui sont sourds, bien qu'ayants' des oreilles':

1. Ce pluriel est dans toutes les éditions anciennes, sauf celle de 1679 (Amsterdam).

2. C'est le mot du Psalmiste: Aures habent et

non audient

Le Païen cependant s'en promettoit merveilles.
Il lui coûtoit autant que trois :

Ce n'étoient que vœux et qu'offrandes,
Sacrifices de bœufs couronnés de guirlandes.
Jamais idole, quel qu'il fût,

N'avoit eu cuisine si grasse,

Sans que pour tout ce culte à son hôte il échút
Succession, trésor, gain au jeu, nulle grâce.
Bien plus, si pour un sou d'orage en quelque endroit
S'amassoit d'une ou d'autre sorte,

L'Homme en avoit sa part; et sa bourse en souffroit :
La pitance du Dieu n'en étoit pas moins forte.
A la fin, se fàchant de n'en obtenir rien,

Il vous prend un levier, met en pièces l'Idole 3,
Le trouve rempli d'or. «Quand je t'ai fait du bien,
M'as-tu valu, dit-il, seulement une obole?
Va, sors de mon logis, cherche d'autres autels.

Tu ressembles aux naturels

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(psaume cxIII, verset 6). — Dans la Prophétie de Baruch, pour la quelle, on le sait, la Fontaine eut, à un certain moment, un si vif enthousiasme, il y a tout un chapitre (le vie) sur la vanité et l'impuissance des idoles, où on lit entre autres choses (verset 41): Sensum enim non habent ipsi dii illorum. Voyez aussi les beaux vers du Polyeucte de Corneille (1216 et suivants, acte IV, scène m).

3. Ce n'étoit, dans la première édition (1668); Ce n'étoient, dans celles de 1678, de 1682, de la Haye 1688, de Londres 1708. L'abbé Guillon, Crapelet, Walckenaer n'ont pas suivi le dernier texte de la Fontaine, et ont mis le singulier: Ce n'étoit. Les deux premiers ont même fait une assez longue note chacun sur ce défaut d'accord, sans remarquer qu'il avait été corrigé dans l'édition définitive.

4. Au dix-septième siècle, le genre du mot idole, qui en grec est, comme l'on sait, du neutre (ɛïò»λov, idolum), n'était pas encore bien fixé. Voyez le Lexique.

5. Dans les fables grecques, l'Homme prend la statue par la jambe et la brise contre terre; dans Haudent, il la jette contre un mur; chez lui, comme dans la prose et les vers grecs, c'est de la tête que l'or s'échappe.

Malheureux, grossiers et stupides :

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On n'en peut rien tirer qu'avecque le bâton”.
Plus je te remplissois, plus mes mains étoient vides:
J'ai bien fait de changer de ton. »

6. Avec, faute d'impression évidente, dans l'édition de 1668 in-4°. 7. C'est la même morale que dans les apologues grecs. — « Qu'y a-t-il d'étonnant, dit Chamfort, qu'une idole de bois ne réponde pas à nos vœux, et que renfermant de l'or, l'or paraisse quand vous brisez la statue? Que conclure de tout cela? Qu'il faut battre ceux qui sont d'un naturel stupide? Cela n'est pas vrai, et cette méthode ne produit rien de bon. » — Voici l'affabulation de Haudent :

Cette fable taxe le vice

De ceulx lesquelz iamais ne font
Prouffit, plaisir, bien, ne seruice,

Si notamment contrainctz n'y sont.

Le Noble, qui a coutume de faire précéder son récit français d'un distique latin, met en tête ici cette épigramme :

Fracta dat irato precibus quæ dona negabat.

O procax mulier, quam tibi par statua!

8. « Je ne savais pas, dit l'Homme dans Babrius, cette nouvelle façon d'être pieux envers toi. »

Τὴν εἰς σὲ καινὴν εὐσέβειαν οὐκ ᾔδειν.

M. Soullié, qui pense que l'apologue de Babrius est la source de celui de la Fontaine, trouve (p. 76) qu'il « n'est pas d'un païen trèsdévot, et que les Dieux y sont traités a assez cavalièrement. > La remarque s'applique bien au sujet même, mais moins, ce me semble, à la manière dont Bahrius l'a traité. Il va jusqu'à prendre la précaution de faire remonter l'invention irrévérente à Ésope, qui « implique, dit-il, les Dieux mêmes dans ses fables: »

Καὶ τοὺς Θεοὺς Αἴσωπος ἐμπλέκει μύθοις.

Au reste, on a douté que cet apologue fût de Babrius. Bernhardy, dans son Esquisse de l'Histoire de la littérature grecque (Halle, 1859, tome II, p. 655, S 1048), le regarde comme indigne de lui. Disons toutefois que M. Boissonade ne paraît pas avoir partagé ce doute; au moins ne l'exprime-t-il pas dans son commentaire.

FABLE IX.

LE GEAI1 PARÉ DES PLUMES DU PAON".

Ésope, fab. ror, Κολοιὸς καὶ Περιστεραί, Κολοιὸς καὶ Κόρακες (Co ray, p. 57 et 58); fab. 188, Koλotòs xaì "Opvets (Coray, p. 116-119, et p. 367, sous neuf formes, dont une est de Libanius, une de Tzetzès, une de Nicéphore Basilacas, etc.). Babrius, fab. 72, "Opvers xal Aphthonius, fab. 31, Fabula Graculi, vitandam docens

--

Κολοιός.
esse fraudem.

- Romulus,

Phèdre, livre I, fab. 3, Graculus superbus et Pavo. Neckam, fab. 12, de Pavone et Graculo et Avibus. livre II, fab. 16, Graculus superbus et Pavo. Marie de France, fab. 58, dou Corbel qui volt resanbler Poon3. - Haudent, 1re partie,

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1. La Fontaine, en traduisant par Geai le Graculus de Phèdre, qui est plutôt l'espèce de corneille ou de corbeau qu'on appelle choucas (en grec κολοιός οι κορακιάς), s'est conformé à une commune erreur des anciens dictionnaires (Nicot, 1606, dans le Nomenclator octiliaguis, p. 15, donnait le choix entre chouette, geai et choucas). Ménage a relevé cette erreur au chapitre xxxvIII de ses Aménités du droit civil, publiées en 1664 (quatre ans seulement avant nos fables). Le passage suivant de Martial (livre I, epigramme cxvi) ne peut laisser de doute sur la couleur noire du Graculus:

....

Quamdam (puellam) volo nocte nigriorem
Formica, pice, graculo, cicada.

Baïf, qui a traité ce sujet au livre Ier de ses Passetems (Paris, 1573, fos II et 12), ne s'y est pas trompé : il rend Graculus par Chucas. Babrius (vers 11) appelle son Koλotós « le vieux fils de la corneille, › γέρων χορώνης υἱός.

2. Toutes les éditions anciennes, jusqu'en 1688, écrivent PAN. L'édition de 1668 in-4° donne PAN, avec un accent circonflexe (comparez la note 1 de la page 181). Dans le Manuscrit de Sainte. Geneviève, le titre est ainsi rédigé : « Le Geai qui s'est paré des plumes du Paon. >>

3. Robert (tome I, p. 248 et 249) indique cette fable 58, et en outre, en donne une autre de Marie de France, comme inédite. Il y joint un extrait de Regnart le Contrefait, et deux vieilles fables sous les noms d'Ysopet I et Ysopet II.

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