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Bour

Fable XII. - Ésope, fab. 41, Múpun xai Iepιotepá (Coray, p. 26 et 27, p. 300). Haudent, 1re partie, fab. 171, d'un Fourmy et d'une Colombe. Corrozet, fab. 62, de la Formis et la Colombe. sault, Ésope à la cour, acte IV, scène II. - Nous donnons dans l'Appendice une fable sur le même sujet, extraite d'un recueil de 1694-1695 (Amsterdam, Daniel de la Feuille), et qui par son caractère politique et satirique nous paraît curieuse à rapprocher de celle de la Fontaine. Mythologia sopica Neveleti, p. 123.

« Vous voyez bien qu'en dépit des noms.... il n'y a là que des hommes,» dit M. Saint-Marc Girardin, dans sa xive leçon, intitulée le Tableau de la vie humaine dans les fables de la Fontaine (tome II, p. 5). « Il est donc tout naturel que cette comédie humaine nous amuse. J'ajoute que, dans cette comédie, l'homme n'est pas toujours représenté en mal.... Il y a autre chose que le mal icibas : il y a de bonnes âmes et de bons sentiments. Il y a donc aussi de bonnes et douces bêtes parmi les acteurs de la Fontaine : il y a le Rat qui délivre le Lion du filet où il s'était laissé prendre; il y a la Colombe qui sauve la Fourmi qui allait se noyer, en lui jetant un brin d'herbe. >>

L'autre exemple est tiré d'animaux plus petits.

Le long d'un clair ruisseau buvoit une Colombe,
Quand sur l'eau se penchant une Fourmis1 y tombe,
Et dans cet océan l'on eût vu la Fourmis

S'efforcer, mais en vain, de regagner la rive.

La Colombe aussitôt usa de charité :

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1. Dans le titre de cette fable, la Fontaine a écrit Fourmy; mais partout ailleurs, dans le courant du récit, même au vers 15, où rien ne l'y obligeait, ni la rime, ni le besoin d'éviter l'hiatus, il a écrit Fourmis telle est du moins la leçon donnée par les deux éditions de 1668, in-4o et in-12, et par celle de 1678. L'édition de 1678 A n'a Fourmis qu'à la rime, au vers 4; ailleurs, même aux deux vers où le mot est suivi d'une voyelle, elle porte Fourmy. Le texte de 1729 a également Fourmy dans les vers 8 et 15. On remarquera que dans le titre de Corrozet il y a aussi Formis. Cette s était, dans notre vieille langue, la lettre caractéristique du cas direct; mais, du temps de la Fontaine, l'usage s'en était perdu (voyez le Lexique); c'est par licence de versification qu'il termine ainsi le mot.

2

Un brin d'herbe dans l'eau par elle étant jeté,
Ce fut un promontoire où la Fourmis arrive.
Elle se sauve; et là-dessus

Passe un certain croquant qui marchoit les pieds nus*. 10
Ce croquant, par hasard, avoit une arbalète.

Dès qu'il voit l'oiseau de Vénus,

Il le croit en son pot, et déjà lui fait fête.
Tandis qu'à le tuer mon villageois s'apprête,
La Fourmis le pique au talon.

Le vilain retourne la tête :

La Colombe l'entend, part, et tire de longʼ.
Le soupé du croquant avec elle s'envole :
Point de Pigeon pour une obole".

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2. « Promontoire et (quatre vers) plus haut océan. La petitesse de l'insecte agrandit les objets qui l'entourent. Le rapport est exact. C'est ainsi que le jeune Rat de la fable 1x du livre VIII s'écrie à la vue des moindres taupinées :

Voilà les Apennins, et voici le Caucase. » (GERUZez.)

3. Villageois et vilain, qui viennent quelques vers plus loin, expliquent assez le sens général de ce mot, auquel il s'attache toujours une idée de mépris: voyez le Lexique.

4. Boursault a soin de dire aussi, en vue de la suite,

Un manant à pieds nus.......,

circonstance que les fabulistes anciens n'avaient pas besoin de mentionner.

Vénus. Cythe

5. La colombe était, comme l'on sait, consacrée reiadasque columbas, dit Ovide, au livre XV des Métamorphoses, vers 386.

6. Tirer de long, s'enfuir, comme l'explique Furetière (1690). Nicot, Richelet (1680) et l'Académie (1694) omettent ce sens. Dans Rabelais (livre IV, chapitre LXVI, tome II, p. 167), nous trouvons tirer vie de long (vie du latin via), locution que le Duchat explique par passer chemin, tirer outre.

7. Pas le moindre morceau de pigeon, pas même ce qu'on en pourrait avoir pour une obole.

FABLE XIII.

L'ASTROLOGUE QUI SE LAISSE TOMBER DANS UN PUITS.

Ésope, fab. 40, Mávtis; fab. 166, 'Aotpoλóyos (Coray, p. 26, p. 100 et 101, p. 299 et 300, p. 354 et 355). Faërne, fab. 73, Astrologus. - Corrozet, fab. 88, d'aucun Deuin ou Prophete.- Dans Sadi (Gulistan ou le Parterre de roses, traduit par Ch. Defrémery, Paris, 1858, chapitre Iv, p. 213), l'Astrologue ne tombe pas dans un puits, mais en rentrant chez lui il trouve un étranger qui courtise sa femme; ailleurs, pendant qu'il consulte les astres, sa maison est consumée par le feu. Benserade, à qui ce sujet a fourni deux quatrains (CXLIV et CLXXII), termine l'un par une morale analogue à celle de Sadi: « Pendant que vous pénétrez l'avenir,

Les voleurs sont chez vous, qui ne vous laissent rien; »

et l'autre par celle-ci :

Tel donne des leçons sur la bonne conduite,

Qui s'égare lui-même, et bronche à tout moment.

L'Astrologue qui tombe soit dans un puits, soit dans une fosse, est le sage Thalès en personne, dans le Théætète de Platon (voyez la traduction de Victor Cousin, tome II, p. 128); et dans Diogène de Laërte (Vie de Thalès, § VIII). A ces deux sources anciennes Robert, dans son introduction (p. CLXXXIV et CLXXXV), ajoute la traduction d'un petit traité de Pétrarque, faite par G. Tardif, sous le titre de Facéties des nobles hommes; et M. Soullié (p. 213 et 214) plusieurs recueils de facéties du seizième et du dix-septième siècle.

Mythologia sopica Neveleti, p. 122, p. 226, p. 366.

« Quelquefois un apologue n'est pour la Fontaine que l'occasion ou le prétexte de combattre un préjugé, et de disserter sur les sujets les plus élevés et du plus grand intérêt pour le bonheur de l'homme. ainsi la fable de l'Astrologue qui se laisse tomber dans un puits est racontée par lui en quatre vers, tandis que les réflexions qu'elle lui suggère en ont quarante-quatre, également remarquables par la justesse et la profondeur des pensées et par des traits de la plus haute

p.

poésie. (WALCKENAER, Histoire de la Fontaine, livre III, tome I, 302 et 303.) — Voltaire ne trouve pas un seul mot d'admiration pour ce magnifique développement, et ne s'arrêtant qu'au prétexte, au quatrain, il le range dédaigneusement parmi les fables « mal choisies: » voyez ci-après la note 2.

Un Astrologue1 un jour se laissa choir

Au fond d'un puits. On lui dit : « Pauvre bête2,
Tandis qu'à peine à tes pieds tu peux voir,
Penses-tu lire au-dessus de ta tête"? »

1. Astrologue était encore quelquefois, au dix-septième siècle, synonyme d'astronome. Mme de Sévigné, dans une lettre à Pompone, du 17 décembre 1664 (tome I, p. 470), appelle « grand astrologue » le mathématicien, ami de Gassendi, Mathurin de Neuré. Mais les mots : « lire au-dessus de ta tête, » quoi qu'en dise Voltaire (voyez la note 2), et surtout la moralité qui suit la fable, montrent que c'est bien d'un astrologue, au sens où nous prenons le mot, que la Fontaine veut parler.

2. La Fontaine revient tout à la fin (vers 46-48) sur cette morale directe de l'apologue. - Les mots :

<< Pauvre bête....

Penses-tu lire au-dessus de ta tête? »

choquent particulièrement Voltaire. Mettant à la chose un sérieux qui eût fort étonné le bonhomme, et s'en prenant à lui du sens même de ce modeste quatrain, sens emprunté aux anciens, à la sagesse des nations, et fort raisonnable assurément quand on veut le bien entendre, il croit devoir nous dire dans son Dictionnaire philosophique (tome XXIX des OEuvres, p. 300 et 301): « Copernic, Galilée, Cassini, Halley ont très-bien lu au-dessus de leur tête; et le meilleur des astronomes peut se laisser tomber sans être une pauvre bête. » Puis il ajoute, avec une évidence non moins superflue: « L'astrologie judiciaire est, à la vérité, une charlatanerie trèsridicule; mais ce ridicule ne consistait pas à regarder le ciel; il consistait à croire, ou à vouloir faire croire qu'on y lit ce qu'on n'y lit point. >>

3. Excitus accessit putei vicinus ad oras,

Salsus homo, et: « Quænam hæc tua tam præpostera, dixit,

Cette aventure en soi, sans aller plus avant,
Peut servir de leçon à la plupart des hommes.
Parmi ce que de gens sur la terre nous sommes,
Il en est peu qui fort souvent

Ne se plaisent d'entendre dire

Qu'au livre du Destin les mortels peuvent lire.
Mais ce livre, qu'Homère et les siens ont chanté,
Qu'est-ce, que le Hasard parmi l'antiquité,

Et parmi nous la Providence?

Or du Hasard il n'est point de science :
S'il en étoit, on auroit tort

De l'appeler hasard, ni fortune, ni sort,
Toutes choses très-incertaines.

Quant aux volontés souveraines

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De Celui qui fait tout, et rien qu'avec dessein,
Qui les sait, que lui seul? Comment lire en son sein? 20
Auroit-il imprimé sur le front des étoiles

Est ratio? Nam qui ante pedes quæ sunt sita nescis,
Dissita tam longe profiteris sidera nosse! »

(FAERNE, vers 5-8.)

Dans Diogène de Laërte, c'est une vieille femme qui interpelle l'Astronome et lui adresse à peu près les mêmes paroles qu'emploie ici le fabuliste; dans Platon, c'est « une servante de Thrace, d'un esprit agréable et facétieux, » et Socrate, par qui Platon fait raconter l'anecdote, ajoute que « ce bon mot peut s'appliquer à tous ceux qui font profession de philosophie. »

4. C'est-à-dire les poëtes de l'antiquité, ceux qui puisèrent leur inspiration dans Homère. L'allégorie du livre du Destin ne se trouve pas dans Homère, mais bien celle des deux tonneaux, le tonneau des biens, et celui des maux (Iliade, livre XXIV, vers 527), que la Fontaine a traduite vers la fin du chant II de son Poëme du Quinquina; et celle de la balance d'or (Iliade, livre VIII, vers 69 et suivants, etc.). Il y a d'anciennes représentations de la Destinée (de la Parque Lachésis, qui la personnifie), sous la figure d'une femme tenant à la main un rouleau, sur lequel elle écrit avec un style. Voyez Otfried Müller, Manuel de l'Archéologie de l'art, 3e partie, I, B, 7.

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