FABLE VI. L'OISEAU BLESSÉ d'une flèche. Ésope, fab. 133, 'Aɛtós (Coray, p. 74 et 751). — Aphthonius, fab. 32, Fabula Sagittarii, plurimas a suis ipsius propriis insidias intentari ostendens. Haudent, 1 partie, fab. 107, d'un Aigle et d'un Chasseur. Mythologia sopica Neveleti, p. 196, p. 347, p. 369. Corrozet, au numéro 34 de son recueil d'emblèmes intitulé Hécatongraphie (Paris, 1543), développe l'idée de cette fable en vingthuit vers, qui commencent par ce quatrain : L'Oye se faict tort et dommage, Car la legere plume porte Dont on faict au traict son pennage, Camerarius (Fables ésopiques, p. 144) cite, d'après Théodoret, l'allusion que l'empereur Julien faisait à cette fable, pour rendre raison de l'édit par lequel il voulait interdire aux chrétiens l'étude des lettres profanes. Voici les paroles mêmes que Théodoret (Histoire ecclésiastique, livre III, chapitre Iv) prête à Julien : « Nous sommes, comme dit le proverbe, percés avec nos propres plumes (τοῖς οἰκείοις.... πτεροῖς, κατὰ τὴν παροιμίαν, βαλλόμεθα). On nous fait la guerre en s'armant de nos écrits. >> Mortellement atteint d'une flèche empennée3, Un Oiseau déploroit sa triste destinée, Et disoit, en souffrant un surcroît de douleur : 1. Coray donne cette fable ésopique sous cinq formes diverses, dont l'une, d'après le scoliaste d'Aristophane (Oiseaux, vers 807), est un fragment d'Eschyle. 2. Empennée, garnie de plumes. Le mot est fréquemment employé par nos anciens auteurs avec ou sans régime, et au propre ou au figuré. « Faut-il contribuer à son propre malheur! Cruels humains! vous tirez de nos ailes De quoi faire voler ces machines mortelles3. Mais ne vous moquez point, engeance sans pitié : Fournira des armes à l'autre. 1 5 10 3. L'une des fables grecques (la seconde de Coray) rend le même sens avec une élégante précision : τὸ βέλος.... ἐπτερωμένον τοῖς οἰκείοις πτέροις. 4. Dans Horace (livre I, ode 1, vers 27), audax Japeti genus ne s'applique qu'à Prométhée; les enfants de Japet désignent ici toute la race humaine. On peut se demander si la Fontaine emploie ces mots à dessein, pour faire allusion à l'homme fabriqué par Prométhée, et donner à entendre que nous sommes dignes de celui qui déroba le feu du ciel, et de qui sont venus tous les maux. Voltaire, dans l'endroit déjà cité deux fois (ci-dessus, p. 79, note 6, et p. 108, note 10), rapporte ces deux vers comme une des belles maximes du fabuliste. J. DE LA FONTAINE A 10 Voyez la xe leçon de M. Saint-Marc Girardin (tome I, p. 433435). Il cite un trait mordant de satire ajouté à la fable par un poëte du seizième siècle, Weiss, qui a publié ses fables latines sous le nom de Pantaleo Candidus (fab. 101, Delicia poetarum germanorum, Franc fort, 1612): la Chienne chassée va se plaindre au juge, qui, ne voulant pas se faire d'affaires, a permet à la plaignante de chasser à son tour, si elle le peut, son adversaire, ou de lui persuader de quitter les lieux de bonne volonté. > Justin, dans un passage du livre XLIII, chapitre Iv, que nous donnerons à l'Appendice, met cette fable dans la bouche d'un Ligurien, qui s'en sert pour engager les Gaulois à chasser les Massiliens nouvellement établis en Gaule. On lit dans Camerarius (p. 251) une fable de même morale, mais dont les personnages sont différents. C'est un Hérisson qui, après avoir reçu l'hospitalité d'un Serpent, le chasse de son trou. Haudent (fab. 130 de la 2e partie), Benserade (quatrain xxxvm de l'édition de 1677, et LXXII de celle de 1678), et le Noble, dans son Ésope (1691), comédie accommodée au théâtre italien (acte I, scène Iv), ont adopté le même cadre. — M. Benfey (tome I, p. 353) rapproche de notre fable un apologue oriental d'intention analogue. - Une Lice étant sur son terme, Et ne sachant où mettre un fardeau si pressant, 1. Femelle d'un chien de chasse. 2. Dans l'édition de 1679 (Amsterdam): « si pesant. » Au bout de quelque temps sa Compagne revient. Ses petits ne marchoient, disoit-elle, qu'à peine 3. Ce second terme échu, l'autre lui redemande La Lice cette fois montre les dents, et dit : Ses enfants étoient déjà forts. 5 10 Ce qu'on donne aux méchants, toujours on le regrette. 15 Pour tirer d'eux ce qu'on leur prête, 3. Il faut que l'on en vienne aux coups; .... Tempus exorans breve, Dum firmiores catulos posset ducere. Si mihi et turbæ meæ (PHEDRE, vers 6 et 7.) 4. Par, inquit, esse potueris, cedam loco. (Ibidem, vers 9 et 10.) 20 FABLE VIII. L'AIGLE ET L'ESCARBOT. Haudent, Ésope, fab. 2, 'Aɛtòs xal Káv@apos (Coray, p. 2-4). 2o partie, fab. 2, d'un Lieure, d'un Aigle et d'un Escarbot. Voyez encore deux autres sources, toutes deux du seizième siècle, l'une italienne, l'autre française, indiquées par Loiseleur Deslongchamps (Essai sur les fables indiennes, p. 69). Mythologia sopica Neveleti, p. 85, et p. 78 et 79 (Æsopi fabulatoris vita a Maximo Planude conscripta). C'est une des fables d'Ésope, qui passent, quant au fond, pour authentiques, une de celles qu'avant d'être mis à mort il raconta en vain aux Delphiens, si nous en croyons Planude : voyez, cidessus, la fin de la Vie d'Ésope, p. 53. Aristophane y fait allusion par trois fois, dans les Guêpes (vers 1469-1472), dans Lysistrate +(vers 692 et 693), et en ces termes aux vers 129 et suivants de la Paix, comédie, dit Robert (tome I, p. LIII), dont « l'Aigle et l'Escarbot semble même lui avoir fourni la première idée. » Ἐν τοῖσιν Αἰσώπου λόγοις ἐξηυρέθη « On trouve dans les fables d'Esope que l'Escarbot est le seul des oiseaux qui soit allé chez les Dieux.... Il y alla jadis, il y a bien longtemps, lors de sa querelle avec l'Aigle, dont il fit rouler les œufs à bas pour se venger. » – Coray (p. 4) rapporte la fable telle qu'elle est racontée par le scoliaste d'Aristophane à l'occasion des vers que nous venons de citer : dans cette version, ce n'est pas le Lapin, mais ses propres petits, enlevés par l'Aigle, que l'Escarbot veut venger. Lucien fait aussi allusion à cette fable dans l'Icaroménippe (chapitre x); Suidas la mentionne également, ainsi qu'Eustathe dans son commentaire sur le vers 317 du dernier livre de l'Iliade. Érasme explique dans ses Proverbes (col. 1838 et 1839, Genève, 1606), et Gessner, d'après lui, dans son Histoire des animaux (livre II, p. 172, |