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FABLE XXII.

LE CHENE ET LE ROSEAU.

Babrius, fab.

- Aphthonius,

Ésope, fab. 143, Κάλαμος καὶ Ἐλαία, Κάλαμοι καὶ Δρῦς; fab. 180, 'Eλátŋ xai Bátos (Coray, p. 84 et 85, p. 111). 36, Φηγὸς καὶ Κάλαμος; fab. 64, Ελάτη καὶ Βάτος. fab. 36, Fabula Quercus et Arundinis, monens ne quis fidat robori aut viribus. Avianus, fab. 16, Quercus et Arundo. Abstemius, fab. 53, de Ulmo et Silere. — Faërne, fab. 50, Canna et Oliva. — Haudent, Ire partie, fab. 8, d'un Oliuier et d'un Roseau; fab. 180, d'un Chesne et d'un Roseau; fab. 193, d'un Sapin et d'un Buisson; 2o partie, fab. 112, d'un Ourme et d'un Ozier. Corrozet, fab. 81, du Roseau et de

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l'Olivier. Le Noble, fab. 93, du Chêne et du Roseau. La grandeur dangereuse. On peut voir en outre, dans les Poésies inédites du moyen åge, par Éd. du Méril (p. 275 et 276), une fable latine, en vers léonins, de Abiete et Dumo, L'apologue est résumé dans une sentence de Bidpaï : « Quoique le vent ne fasse pas de mal à l'herbe qui plie devant lui, il arrache néanmoins les arbres les plus gros et les plus puissants. » (Contes et Fables indiennes, tome I, p. 300.)

On trouvera à l'Appendice la seconde des quatre fables de Guillaume Haudent, d'un Chesne et d'un Roseau.

Mythologia sopica Neveleti, p. 205, p. 350, p. 387, p. 466, p. 557.

Le Bibliophile belge, publié par Reiffenberg (Bruxelles, 1845, tome I, p. 303), et M. Édouard Fournier, dans son agréable et curieux petit volume intitulé l'Esprit des autres (4o édition, p. 115), nous apprennent qu'un amateur de la Nièvre possède un manuscrit autographe de cette fable (voyez ci-après, la note 4). Elle a été reproduite dans le Recueil de poésies chrétiennes et diverses, tome III, p. 357.

On trouvera en divers endroits de l'ouvrage de M. Soullié l'appréciation de plusieurs des fables anciennes indiquées ci-dessus, et, aux pages 246-258, une analyse détaillée de celle de la Fontaine, précédée de la citation, en italien, du bel apologue de Verdizotti, el, en espagnol, d'une ancienne version de la fable ésopique. — M. Saint

Marc Girardin, dans sa virre leçon (tome I, p. 260-265), analyse, et commente, avec une juste admiration, la fable de la Fontaine. Il la rapproche du mot de l'Écriture (Machabées, livre I, chapitre Ix, verset 21): Quomodo cecidit potens? puis de la fable de Lessing (livre III, 15), intitulé le Chêne, où la chute de l'arbre amène cette tout autre morale : « Il y a des grandeurs qu'on n'apprécie et n'admire que lorsqu'elles sont tombées. » Le commentaire de M. Saint-Marc Girardin se termine par de sages conseils à qui serait tenté de trop louer la souplesse du Roseau qui, comme dit Benserade (fab. 65):

.... Subsiste à force de plier.

- « Cet apologue est non-seulement le meilleur de ce Ier livre, dit Chamfort, mais il n'y en a peut-être pas de plus achevé dans la Fontaine. Si l'on considère qu'il n'y a pas un mot de trop, pas un terme impropre, pas une négligence; que, dans l'espace de trente vers, la Fontaine, en ne faisant que se livrer au courant de sa narration, a pris tous les tons, celui de la poésie la plus gracieuse, celui de la poésie la plus élevée, on ne craindra pas d'affirmer qu'à l'époque où cette fable parut, il n'y avait rien de ce ton-là dans notre langue. Quelques autres fables, comme celle des Animaux malades de la peste, présentent peut-être des leçons plus importantes, offrent des vérités qui ont plus d'étendue, mais il n'y en a pas d'une exécution plus facile. >> - « C'est une tradition constante parmi les gens de lettres, dit Walckenaer (Histoire de la Fontaine, livre III, tome I, p. 298), que de toutes ses fables, celle que la Fontaine préférait était celle qui a pour titre le Chêne et le Roseau. » — Robert (tome I, p. 86-90) donne un très-curieux extrait du vieux poëme, Regnart le contrefait1, où le lieu de l'action est la rive de Seine; le temps, celui du grand flos (de la grande crue) de 1318; et où l'apologue est appliqué d'abord aux Flaments vaincus par Philippe le Bel à Mons-en-Puelle (1304), et par Philippe de Valois à Cassel (1328):

A Mons en Peule et à Cassel
La y ot de mors maint monsel...
En l'an mil trois cent et vingt huit,
Tant par le iour que par la nuit,
Le roi Philippe tant venta
Que trestous les Flamens mata;

1. Manuscrit de la Bibliothèque nationale, fonds français, no 370, 3, f 5 et 6.

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Voyez aussi M. Taine (p. 119, 141, 186, 273, 295).

La fable est élégamment résumée dans Macrobe (Saturnales, livre VII, chapitre VIII): Vento nimio abies aut quercus avellitur; cannam nulla facile frangit procella.

Le Chêne un jour dit au Roseau :

« Vous avez bien sujet d'accuser la nature; Un roitelet pour vous est un pesant fardeau; Le moindre vent qui d'aventure'

Fait rider la face de l'eau3,

Vous oblige à baisser la tête,

Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d'arrêter les rayons du soleil,
Brave l'effort de la tempête.

Tout vous est aquilon, tout me semble zéphyr.

Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage

Dont je couvre le voisinage,

Vous n'auriez pas tant à souffrir:
Je vous défendrois de l'orage;
Mais vous naissez le plus souvent

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Sur les humides bords des royaumes du vent.
La nature envers vous me semble bien injuste.

2. Cette locution d'aventure, paraît çà et là dans Rabelais et déjà dans le Prologue du livre I.

3. Du Bellay avait dit avant la Fontaine :

Ce vent qui raze les flancz

De la plaine colorée

A longs souspirs doulx-souflans

Qui rident l'onde azurée.

(Jeux rustiques, Chant de l'amour et du primtemps, édition de M. Marty

Laveaux, tome II, p. 316.)

- Votre compassion, lui répondit l'arbuste *, Part d'un bon naturel; mais quittez ce souci :

Les vents me sont moins qu'à vous redoutables; 20 Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici Contre leurs coups épouvantables

Résisté sans courber le dos;

Mais attendons la fin. » Comme il disoit ces mots,

Du bout de l'horizon accourt avec furie

Le plus terrible des enfants.

Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs.
L'arbre tient bon; le Roseau plie.

Le vent redouble ses efforts 7,

Et fait si bien qu'il déracine

Celui de qui la tête au ciel étoit voisine,

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4. L'autographe mentionné ci-dessus dans la notice (p. 124) donne ainsi les vers 17 et 18:

La nature envers vous ne fut pas indulgente.
- Votre compassion, lui répondit la plante.

5. C'est l'idée du vers 11 de Faërne :

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Silentium egit, tempus exspectans suum.

6. Cet endroit rappelle ce fragment énergique de Varron, cité par Nonius:

Ventique frigido se ab axe eruperant,
Phrenetici Septentrionum filii.

(Voyez Saturarum Menippearum reliquiæ, édition Riese, Leipzig, 1865, p. 162.)

7. On peut rapprocher de ce passage ces vers de même mesure de Regnart le contrefait (voyez la fin de la notice en tête de la fable) :

Le vent hurta, l'arbre se tint.

Le vent de toutes pars lui vint....
Le vent tant bouta et hurta,
Que le Chesne à terre ietta.

8. Dans la fable 64 de Babrius, qui, du reste, diffère beaucoup de la nôtre par la donnée même et par l'application morale, le Sapin

Et dont les pieds touchoient à l'empire des morts'.

se vante d'habiter avec les nuages, Tv vev Gúvotxos; et dans la vieille fable citée par Robert (tome I, p. 93 et 94), et qu'il désigne, comme imitée d'Avianus, par le nom d'Ysopet-Avionnet*, l'Arbre (c'est également le Sapin) dit au Bisson (Buisson):

....

Iusques aus estoilles

Estens mes brenches et mes foilles.

9. La Fontaine semble avoir fondu ensemble deux passages de Virgile, celui où le poëte latin décrit un chêne résistant à la tempête (Énéide, livre IV, vers 445 et 446):

....

Quantum vertice ad auras

Etherias, tantum radice in Tartara tendit;

et cet autre, où il peint la Renommée, et qui est imité de la description qu'Homère (Iliade, livre IV, vers 443) fait de la Discorde:

Ingrediturque solo, et caput inter nubila condit.

(Éneide, livre IV, vers 177.)

Racan, dans la 9o strophe de son Ode pour Monseigneur e duc de Bellegarde, décrit un chêne dont le tronc vénérable

Attache dans l'enfer ses secondes racines,
Et de ses larges bras touche le firmament.

- Voltaire dit en parlant des chênes, des sapins :

Leur pied touche aux enfers, leur cime est dans les cieux (3° Discours en vers, de l'Envie, tome XII des OEuvres, p. 68);

et ailleurs, en parlant des Alpes :

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Qui pressent les enfers et qui fendent les cieux

(Épitre XCI, tome XIII, p.

- Voyez encore la Henriade, chant VI, vers 299 et 300.

211).

* Elle se trouve au f° 102 du manuscrit 1594 (voyez ci-dessus, p. 62, note 1).

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