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Marp. Comment! Quelle insolence! M'outrager de la sorte! avoir eu l'audace de battre un philosophe comme moi !

Sgan. Corrigez, s'il vous plaît, cette manière de parler. Il faut douter de toutes choses; et vous ne devez pas dire que je vous ai battu, mais qu'il vous semble que je vous ai battu.

Marp. Ah! je m'en vais faire une plainte au commissaire du quartier1, des coups que j'ai reçus.

Sgan. Je m'en lave les mains.

Marp. J'en ai les marques sur ma personne.

Sgan. Il se peut faire.

Marp. C'est toi qui m'as traité ainsi.

Sgan. Il n'y a pas d'impossibilité.

Marp. J'aurai un décret contre toi.
Sgan. Je n'en sais rien.

Marp. Et tu seras condamné en justice.

Sgan. Il en sera ce qui pourra.

Marp. Laisse-moi faire.

MOLIÈRE. (Voyez la pàge 444.)

Scènes du FESTIN DE PIERRE, comédie.

DON JUAN; SGANARELLE, LA VIOLETTE, RAGOTIN, ses valets; un peu après M. DIMANCHE.

La Vio. Monsieur, voilà votre marchand, monsieur Dimanche, qui demande à vous parler.

Sgan. Bon! Voilà ce qu'il nous faut, qu'un compliment de créancier. De quoi s'avise-t-il de nous venir demander de l'argent; et que ne lui disais-tu que monsieur n'y est pas?

La Vio. Il y a trois quarts d'heure que je le lui dis; mais il ne veut pas le croire, et s'est assis là-dedans pour attendre. Sgan. Qu'il attende tant qu'il voudra.

Don Juan. Non, au contraire, faites-le entrer. C'est une fort mauvaise politique que de se faire celer aux créanciers. Il est bon de les payer de quelque chose: et j'ai le secret de les renvoyer satisfaits sans leur donner un double". [à M. Dimanche qui entre.] Ah! monsieur Dimanche, approchez. Que je suis ravi de vous voir, et que je veux de mal à mes gens de ne vous pas faire entrer tout d'abord! J'avais donné ordre qu'on ne me fit

■ Double, espèce de monnaie ancienne, qui valait deux deniers.

parler à personne; mais cet ordre n'est pas pour vous, et vous êtes en droit de ne trouver jamais de porte fermée chez moi. M. Dim. Monsieur, je vous suis fort obligé.

Don Juan. [parlant à La Violette et à Ragotin.] Parbleu! coquins, je vous apprendrai à laisser monsieur Dimanche dans une antichambre, et je vous ferai connaître les gens.

M. Dim. Monsieur, cela n'est rien.

Don Juan. [à M. Dimanche.] Comment! vous dire que je n'y suis pas, à monsieur Dimanche, au meilleur de mes amis !

M. Dim. Monsieur, je suis votre serviteur. J'étais venu.... Don Juan. Allons, vite, un siége pour monsieur Dimanche. M. Dim. Monsieur, je suis bien comme cela.

Don Juan. Point, point, je veux que vous soyez assis comme moi.

M. Dim. Cela n'est point nécessaire.

Don Juan. Ôtez ce pliant, et apportez un fauteuil.

M. Dim. Monsieur, vous vous moquez; et....

Don Juan. Non, non, je sais ce que je vous dois ; et je ne veux point qu'on mette de différence entre nous deux.

M. Dim. Monsieur...

Don Juan. Allons, asseyez-vous.

M. Dim. Il n'est pas besoin, monsieur, et je n'ai qu'un mot à vous dire.

J'étais....

Je viens pour....

Don Juan. Mettez-vous là, vous dis-je. M. Dim. Non, monsieur, je suis bien. Don Juan. Non, je ne vous écoute point si vous n'êtes assis.

M. Dim. Monsieur, je fais ce que vous voulez. Je.... Don Juan. Parbleu! monsieur Dimanche, vous vous portez bien.

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M. Dim. Oui, monsieur, pour vous rendre service. Je suis

venu....

Don Juan. Vous avez un fonds de santé admirable, des lèvres fraîches, un teint vermeil, et des yeux vifs.

M. Dim. Je voudrais bien....

Don Juan. Comment se porte madame Dimanche, votre épouse?

M. Dim. Fort bien, monsieur, Dieu merci.

Don Juan. C'est une brave femme.

M. Dim. Elle est votre servante, monsieur. Je venais..

Don Juan. Et votre petite fille Claudine, comment se portet-elle ?

M. Dim. Le mieux du monde.

Don Juan. La jolie petite fille que c'est! je l'aime de tout

mon cœur.

M. Dim. C'est trop d'honneur que vous lui faites, monsieur. Je vous....

Don Juan. Et le petit Colin, fait-il toujours bien du bruit avec son tambour?

M. Dim. Toujours de même, monsieur. Je....

Don Juan. Et votre petit chien Brusquet, gronde-t-il toujours aussi fort, et mord-il toujours bien aux jambes les gens qui vont chez vous?

M. Dim. Plus que jamais, monsieur; et nous ne saurions en chevira.

Don Juan. Ne vous étonnez pas si je m'informe des nouvelles de toute la famille; car j'y prends beaucoup d'intérêt.

M. Dim. Nous vous sommes, monsieur, infiniment obligés. Je...

Don Juan. [lui tendant la main.] Touchez donc là, monsieur Dimanche. Êtes-vous bien de mes amis?

M. Dim. Monsieur, je suis votre serviteur.

Don Juan. Parbleu! je suis à vous de tout mon cœur.
M. Dim. Vous n'honorez trop. Je....

Don Juan. Il n'y a rien que je ne fisse pour vous.

M. Dim. Monsieur, vous avez trop de bonté pour moi. Don Juan. Et cela sans intérêt, je vous prie de le croire. M. Dim. Je n'ai point mérité cette grâce, assurément. Mais, monsieur ..

Don Juan. Oh çà, monsieur Dimanche, sans façon, voulezvous souper avec moi?

M. Dim. Non, monsieur, il faut que je m'en retourne tout à l'heure. Je....

Don Juan. [se levant.] Allons, vite un flambeau pour conduire monsieur Dimanche, et que quatre ou cinq de mes gens prennent des mousquetons pour l'escorter.

M. Dim. [se levant aussi.] Monsieur, il n'est pas nécessaire, et je m'en irai bien tout seul. Mais . . . .

[SGANARELLE 6te les siéges promptement.] Don Juan. Comment! Je veux qu'on vous escorte, et je m'intéresse trop à votre personne. Je suis votre serviteur, et, de plus, votre débiteur.

a Chevir, c'est-à-dire venir à chef et à bout de quelque chose; car il vient de chef, ainsi qu'achever.

M. Dim. Ah! monsieur,....

Don Juan. C'est une chose que je ne cache pas, et je le dis à tout le monde.

M. Dim. Si....

Don Juan. Voulez-vous que je vous reconduise?

M. Dim. Ah! monsieur, vous vous moquez! Monsieur.... Don Juan. Embrassez-moi donc, s'il vous plaît. Je vous prie encore une fois d'être persuadé que je suis tout à vous, et qu'il n'y a rien au monde que je ne fisse pour votre service. [Il sort.] Sgan. [à monsieur Dimanche.] Il faut avouer que vous avez en monsieur un homme qui vous aime bien.

M. Dim. Il est vrai; il me fait tant de civilités et tant de compliments, que je ne saurais jamais lui demander de l'argent.

Sgan. Je vous assure que toute sa maison périrait pour vous; et je voudrais qu'il vous arrivât quelque chose, que quelqu'un s'avisât de vous donner des coups de bâton, vous verriez de quelle manière....

M. Dim. Je le crois : mais, Sganarelle, je vous prie de lui dire un petit mot de mon argent.

Sgan. Oh! ne vous mettez pas en peine, il vous payera le mieux du monde.

M. Dim. Mais vous, Sganarelle, vous me devez quelque chose en votre particulier.

Sgan. Fi! ne parlez pas de cela.

M. Dim. Comment? Je....

Sgan. Ne sais-je pas bien que je vous dois?

M. Dim. Oui. Mais....

Sgan. Allons, monsieur Dimanche, je vais vous éclairer.

M. Dim. Mais mon argent?

Sgan. [prenant M. Dimanche par le bras.] Vous moquez

vous?

M. Dim. Je veux

....

Sgan. [le tirant.] Hé!

M. Dim. J'entends...

Sgan. [le poussant vers la porte.] Bagatelles !

M. Dim. Mais. . . .

Sgan. [le poussant encore.] Fi!

M. Dim. Je....

Sgan. [le poussant tout à fait hors du théâtre.] Fi! vous dis-je.

MOLIÈRE. (Voyez la page 444.)

Scène du MÉDECIN MALGRÉ LUI, comédie.

VALÈRE, SGANARELLE devenu médecin malgré lui, Géronte LUCAS, JACQUELINE; un peu après, LUCINDE.

Val. Monsieur, préparez-vous. Voici notre médecin qui entre. Gér. [à Sgan.] Monsieur, je suis ravi de vous voir chez moi, et nous avons grand besoin de vous.

Sgan. [en robe de médecin, avec un chapeau des plus pointus.] Hippocrate dit.....que nous nous couvrions tous deux. Gér. Hippocrate dit cela?

Sgan. Oui.

Gér. Dans quel chapitre, s'il vous plaît?
Sgan. Dans son chapitre....des chapeaux.

Gér. Puisqu' Hippocrate le dit, il le faut faire. Monsieur, j'ai une fille qui est tombée dans une étrange maladie.

Sgan. Je suis ravi, monsieur, que votre fille ait besoin de moi; et je souhaiterais de tout mon cœur que vous en eussiez besoin aussi, vous et toute votre famille, pour vous témoigner l'envie que j'ai de vous servir.

Gér. Je vous suis obligé de ces sentiments.

Sgan. Je vous assure que c'est du meilleur de mon âme que je vous parle.

...

Gér. C'est trop d'honneur que vous me faites.

Sgan. Comment s'appelle votre fille?

Gér. Lucinde.

Sgan. Lucinde! Ah! beau nom à médicamenter1! Lucinde! .Est-ce là la malade?

Gér. Oui. Je n'ai qu'elle de fille; et j'aurais tous les regrets du monde si elle venait à mourir.

Sgan. Qu'elle s'en garde bien! Il ne faut pas qu'elle meure sans l'ordonnance du médecin.

Gér. Allons, un siége.

Sgan. [assis entre Géronte et Lucinde.] Voilà une malade qui est encore bien fraîche, et je tiens qu'un homme de goût s'en accommoderait assez2.

Gér. Vous l'avez fait rire, monsieur.

Sgan. Tant mieux: lorsque le médecin fait rire le malade, c'est le meilleur signe du monde. [À Lucinde.] Hé bien! de quoi est-il question? Qu'avez-vous? Quel est le mal

sentez ?

que vous

Luc. [portant sa main à sa bouche, à sa tête et sous son menton.] Han, hi, hon, han.

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