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MÊME SUJET.

QUE sont les hommes sur la terre?.... Une fatale révolution, une rapidité que rien n'arrête, entraîne tout dans les abîmes de l'éternité. Les siècles, les générations, les empires, tout va se perdre dans ce gouffre: tout y entre et rien n'en sort. Nos ancêtres nous en ont frayé le chemin, et nous allons le frayer dans un moment à ceux qui viennent après nous. Ainsi les âges se renouvellent: ainsi la figure du monde change sans cesse: ainsi les morts et les vivants se succèdent et se remplacent continuellement. Rien ne demeure, tout s'use, tout s'éteint. Dieu seul est toujours le même, et ses années ne finissent point. Le torrent des âges et des siècles coule devant ses yeux, et il voit de faibles mortels, dans le temps même qu'ils sont entraînés par le cours fatal, l'insulter en passant, profiter de ce seul moment pour déshonorer son nom, et tomber au sortir de là entre les mains éternelles de sa justice.

MASSILLON (Voyez la page 189.)

LA MER.

LE spectacle de la mer fait toujours une impression pro fonde; elle est l'image de cet infini qui attire sans cesse la pensée, et dans lequel sans cesse elle va se perdre. . . . On aime à rapprocher le plus pur des sentiments de l'âme, la religion, avec le spectacle de cette superbe mer, sur laquelle l'homme jamais ne peut imprimer sa trace. La terre est travaillée par lui, les montagnes sont coupées par ses routes, les rivières se resserrent en canaux, pour porter ses marchandises; mais si les vaisseaux sillonnent un moment les ondes, la vague vient effacer aussitôt cette légère marque de servitude, et la mer reparaît telle qu'elle fut au premier jour de la création.

MADAME DE STAËL. (Voyez la page 80.)

LA TERRE.

La terre ne se lasse jamais de répandre ses biens sur ceux qui la cultivent: son sein fécond ne peut s'épuiser. Plus il y a d'hommes dans un pays, pourvu qu'ils soient

laborieux, plus ils jouissent de l'abondance. Ils n'ont jamais besoin d'être jaloux les uns des autres: la terre, cette bonne mère, multiplie ses dons selon le nombre de ses enfants qui méritent ses fruits par leur travail. L'ambition et l'avarice des hommes sont les seules sources de leur malheur les hommes veulent tout avoir, et ils se rendent malheureux par le désir du superflu; s'ils voulaient vivre simplement, et se contenter de satisfaire aux vrais besoins, on verrait partout l'abondance, la joie, la paix et l'union. FENELON. (Voyez la page 25.)

:

LA SOLITUDE.

Si la solitude a ses jouissances, elle a ses privations; elle paraît à l'infortuné un poste tranquille, d'où il voit s'écouler les passions des autres hommes sans en être ébranlé; mais pendant qu'il se félicite de son immobilité, le temps l'entraîne lui-même. On ne jette point l'ancre dans le fleuve de la vie; il emporte également celui qui lutte contre son cours, et celui qui s'y abandonne, le sage comme l'insensé; et tous deux arrivent à la fin de leurs jours, l'un après en avoir abusé, et l'autre sans en avoir joui.

IL

BERNARDIN DE SAINT-PIERRE. (Voyez la page 51.)

CE QUI FORME LE STYLE.

y a deux choses qui forment le style, l'invention et l'expression. L'invention dépend de la patience; il faut voir, regarder longtemps son sujet, alors il se déroule et se développe peu à peu, vous sentez comme un petit coup d'électricité qui vous frappe la tête, et en même temps vous saisit le cœur; voilà le moment du génie, c'est alors qu'on éprouve le plaisir de travailler, plaisir si grand que je passais douze heures, quatorze heures à l'étude; c'était tout mon plaisir. . . . . Mais voulez-vous augmenter le plaisir, et en même temps être original? Quand vous aurez un sujet à traiter, n'ouvrez aucun livre, tirez tout de votre tête, ne consultez les auteurs que lorsque vous sentirez que vous ne pouvez rien produire de vous-même.

BUFFON. (Voyez la page 61.)

!

P

L'HONNÊTE ENFANT FAIT L'HONNÊTE HOMME.

LES premiers jugements que nous portons sur une personne pendant les années de collége ne s'effacent guère dans notre esprit. Après avoir perdu de vue un ancien camarade d'études, si nous le retrouvons dans la vie, nous le jugeons, sans y songer, d'après l'opinion qu'il nous aura donnée de lui dans son enfance; notre estime ou notre mépris, notre admiration ou notre dédain, notre amitié ou notre haine lui seront acquis d'avance, suivant le souvenir qu'il nous aura laissé. Les circonstances et l'âge auront en vain modifié depuis sa nature, et l'auront rendu différent de ce que nous l'avons connu; l'impression qu'il a faite autrefois sur nous est restée, et ne pourra s'effacer que bien difficilement : c'est chez nous, désormais, un préjugé d'enfance, c'est quelque chose de semblable à ces goûts de nourriture, à ces habitudes de vêtement, à ces formes, à ces idées que l'on prend dans l'âge des premières perceptions, et qui s'incorporent à notre être au point d'en faire partie.

Les parents ne sauraient trop réfléchir à cette vérité, l'enfant devrait l'avoir sans cesse devant les yeux, sa conduite d'écolier a une importance qu'on ne lui suppose pas: c'est un surnumérariat de la vie; ses condisciples d'aujourd'hui seront ses concitoyens de demain. Ses défauts ou ses vices ne lui sont pas seulement préjudiciables pour le présent, ils lui préparent sa bonne ou mauvaise réputation dans le monde: s'il veut que plus tard, son existence soit facile et honorée, il faut qu'il se conduise dès maintenant de manière à trouver partout, à sa rencontre, des visages joyeux et des mains amicales. Écolier, il pose les premiers fondements de sa bonne renommée: car comme l'a dit un auteur célèbre, avec une originalité piquante: "L'honnête enfant est un honnête homme qui n'a pas fini sa croissance." Extrait du MAGASIN PITTORESQUE.

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F

NARRATIONS HISTORIQUES.

EXTRAITS DU VOYAGE DU JEUNE ANACHARSIS EN GRÈCE. Combat des Thermopyles.

PENDANT la nuit, Léonidas avait été instruit du projet des Perses par des transfuges échappés du camp de Xercèsa; et le lendemain matin, il le fut1 de leurs succès par des sentinelles accourues du haut de la montagne. À cette terrible nouvelle, les chefs des Grecs s'assemblèrent. Comme les uns étaient d'avis de s'éloigner des. Thermopyles, les autres d'y rester, Léonidas les conjura de se réserver pour des temps plus heureux, et déclara que, quant à lui et à ses compagnons, il ne leur était pas permis de quitter un poste que Sparte leur avait confié. Les Thespiens protestèrent qu'ils n'abandonneraient point les Spartiates; les quatre cents Thébains, soit de gré, soit de force', prirent le même parti; le reste de l'armée eut le temps de sortir du défilé.

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Cependant ce prince se disposait à la plus hardie des entreprises. "Ce n'est point ici," dit-il à ses compagnons, que nous devons combattre; il faut marcher à la tente de Xercès, l'immoler, ou périr au milieu de son camp." Ses soldats ne répondirent que par un cri de joie. Il leur fait prendre un repas frugal, en ajoutant: "Nous en prendrons

a Au printemps de la quatrième année de la 74 Olympiade (480 avant l'ère vulgaire), Xercès (fils de Darius), roi des Perses, envahit la Grèce avec la plus nombreuse armée qui ait jamais dévasté la terre.

Thermopyles, du grec Oeppòs (thermos) chaud (il y avait eu jadis des sources d'eaux chaudes aux environs du défilé), et rúλn (pule) porte, défilé. Le passage des Thermopyles est situé entre la Thessalie et la Locride. Tout le détroit peut avoir environ deux lieues de longueur. Sa largeur varie presque à chaque pas; mais partout on a, d'un côté, des montagues escarpées, et de l'autre, la mer et des marais impénétrables.

bientôt un autre chez Pluton." Toutes ses paroles laissaient une impression profonde dans les esprits. Près d'attaquer l'ennemi, il est ému sur le sort de deux Spartiates qui lui étaient unis par le sang et par l'amitié: il donne au premier une lettre, au second une commission secrète pour les magistrats de Lacédémone. "Nous ne sommes pas ici," disent-ils, "pour porter des ordres, mais pour combattre ;" et, sans attendre sa réponse, ils vont se placer dans les rangs qu'on leur avait assignés.

Au milieu de la nuit, les Grecs, Léonidas à leur tête, sortent du défilé, avancent à pas redoublés dans la plaine, renversent les postes avancés, et pénètrent dans la tente de Xercès, qui avait déjà pris la fuite; ils entrent dans les tentes voisines, se répandent dans le camp, et se rassasient de carnage. La terreur qu'ils inspirent se reproduit à chaque pas, à chaque instant, avec des circonstances plus effrayantes. Des bruits sourds, des cris affreux annoncent que les troupes d'Hydarnès sont détruites, que toute l'armée le sera bientôt par les forces réunies de la Grèce.

Les plus courageux des Perses, ne pouvant entendre la voix de leurs généraux, ne sachant où porter leurs pas, où diriger leurs coups, se jetaient au hasard dans la mêlée, et périssaient par les mains les uns des autres, lorsque les premiers rayons du soleil offrirent à leurs yeux le petit nombre des vainqueurs. Ils se forment aussitôt, et attaquent les Grecs de toutes parts. Léonidas tombe sous une grêle de traits. L'honneur d'enlever son corps engage un combat terrible entre ses compagnons et les troupes les plus aguerries de l'armée persane. Deux frères de Xercès, quantité de Perses, plusieurs Spartiates y perdirent la vie. À la fin, les Grecs, quoique épuisés et affaiblis par leurs pertes, enlèvent leur général, repoussent quatre fois l'ennemi dans leur retraite, et, après avoir gagné le défilé, franchissent le retranchement, et vont se placer sur la petite colline qui est auprès d'Anthéla; ils s'y défendirent encore

Ce général commandait les 10,000 Immortels, troupes d'élite de Xercès ainsi nommées parce que leur nombre devait être toujours complet.

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