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environne l'un et l'autre de ses nœuds vigoureux; et, se servant de sa tige noueuse comme d'une sorte de levier, il redouble ses efforts, et parvient bientôt à comprimer en tous sens, et à moudre1, pour ainsi dire, le corps de l'animal qu'il a immolé.

Lorsqu'il a donné ainsi à sa proie toute la souplesse qui lui est nécessaire, il l'allonge en continuant de la presser, et diminue d'autant sa grosseur; il l'imbibe de sa salive, ou d'une sorte d'humeur analogue qu'il répand en abondance. Il pétrit, pour ainsi dire, à l'aide de ses replis, cette masse devenue informe, ce corps qui n'est plus qu'un composé confus de chairs ramollies et d'os concassés7. C'est alors qu'il l'avale en la prenant par la tête, en l'attirant à lui, et en l'entraînant dans son ventre par de fortes aspirations plusieurs fois répétées; mais, malgré cette préparation, sa proie est quelquefois si volumineuse, qu'il ne peut l'engloutir qu'à demi; il faut qu'il ait digéré, au moins en partie, la portion qu'il a déjà fait entrer dans son corps, pour pouvoir y faire pénétrer l'autre ; et l'on a souvent vu le serpent devin, la gueule horriblement ouverte, et remplie d'une proie à demi dévorée, étendu à terre, et dans une sorte d'inertie qui accompagne presque toujours sa digestion. LACÉPÈDE. Ovipares.

LACÉPÈDE (Bernard-Germain-Étienne de la Ville-sur-Illon,

comte de),

Naquit à Agen en 1756. C'est sans doute aux magnifiques tableaux et aux paysages enchanteurs de son pays natal qu'il dut le goût prononcé qu'il montra pour l'histoire naturelle. Que l'élève lise et médite son Exhortation à l'étude des sciences naturelles qu'il trouvera dans ce Répertoire, il y verra l'âme d'un philanthrope, la morale d'un sage, l'affection d'un père.

L'Institut appela Lacépède dans son sein, dès sa création. En 1801, il était président du Sénat, et fut nommé en 1803 grand chancelier de la Légion d'honneur, puis pair de France en 1814, et sut conserver ses charges sous la Restauration. Il mourut en 1825. On a de Lacépède plusieurs traités sur la Physique et l'Histoire naturelle fort estimés; ses descriptions des grandes scènes de la nature sont pleines de vérité et d'harmonie.

LE VOYAGEUR DANS LE DÉSERT.

HALETANT1 de fatigue et de soif, la gorge desséchée respirant avec peine un air ardent qui le dévore, il espèr qu'un instant de repos lui rendra quelques forces; il s'arrête, il voit défiler2 ceux qui étaient ses compagnons, et dont il sollicite en vain les secours; le malheur a fermé tous les cœurs; sans détourner un regard, l'œil fixe, chacun suit en silence la trace de celui qui le précède, tout passé, tout suit; et les membres engourdis3, déjà trop chargés de leur pénible existence, s'affaissent et ne peuvent être ranimés ni par le danger, ni par la terreur: la caravane a passé, elle n'est déjà plus pour lui qu'une ligne ondoyante dans l'espace, bientôt elle n'est plus qu'un point, et ce point s'évanouit ; c'est la dernière lueur de la lumière qui s'éteint : ses regards égarés cherchent et ne rencontrent plus rien; il les ramène sur lui-même, et bientôt ferme les yeux pour échapper à l'aspect du vide affreux qui l'environne; il n'entend plus que ses soupirs, ce qui lui reste d'existence appartient à la mort; seul, tout seul au monde, il va mourir, sans que l'espérance vienne un instant s'asseoir auprès de son lit de mort; et son cadavre, dévoré par l'aridité du sol, ne laissera bientôt que des os blanchis qui serviront de guide à la marche incertaine du voyageur qui aura osé

braver le même sort.

DENON. Voyage en Égypte, pendant la campagne du général Bonaparte.

DENON (Dominique-Vivant, baron),

Né en 1747, mort en 1825. Sa vie aventureuse se passa toute en voyages. Il visita la Suisse, l'Italie et la Sicile, et il fit partie de cette élite de savants et d'artistes qui allèrent (en 1798) à la suite de Napoléon, conquérir aussi l'Égypte au profit de l'art et de la science. L'ouvrage qu'il publia à son retour en France eut un succès complet et mérité; c'est le Voyage dans la Haute et Basse Égypte, pendant les campagnes du général Bonaparte, avec un atlas dont il avait fait tous les dessins.

DÉSERTS DE LA SIBÉRIE.

La ville de Tobolsk, capitale de la Sibérie, est située sur les rives de l'Irtish; au nord, elle est entourée d'immenses forêts qui s'étendent jusqu'à la mer Glacialea. Dans cet espace de onze cents verstesb on rencontre des montagnes arides, rocailleuses et couvertes de neiges éternelles; des plaines incultes, dépouillées, où, dans les jours les plus chauds de l'année, la terre ne dégèle pas à un pied; de tristes et larges fleuves dont les eaux glacées n'ont jamais arrosé une prairie, ni vu épanouir une fleur. En avançant davantage vers le pôle, les cèdres, les sapins, tous les grands arbres disparaissent; des broussailles de mélèzes rampants2 et de bouleaux3 nains deviennent le seul ornement de ces misérables contrées; enfin, des marais chargés de mousse se montrent comme le dernier effort d'une nature expirante; après quoi toute trace de végétation disparaît. Néanmoins c'est là qu'au milieu des horreurs d'un éternel hiver, la nature a encore des pompes magnifiques; c'est là que les aurores boréales sont fréquentes et majestueuses, et qu'embrassant l'horizon en forme d'arc très-clair d'où partent des colonnes de lumière mobile, elles donnent à ces régions hyperborées des spectacles dont les merveilles sont inconnues aux peuples du midi. Au sud de Tobolsk s'étend le cercle d'Ischimd; des landes, parsemées de tombeaux et entrecoupées de lacs amers, le séparent des Kirguis, peuple nomade et idolâtre. À gauche il est borné par l'Irtish, qui va se perdre, après de nombreux détours, sur la frontière de la Chine, et à droite par le Tobol. Les rives de ce fleuve sont nues et stériles; elles ne présentent à l'œil que des fragments de

La mer Glaciale ou Septentrionale borne la frontière de tout le nord de la Russie; c'est-à-dire, depuis le 50° degré, jusqu'au 205o de longitude est, du méridien de Paris.

b Verste, mesure en Russie. Une verste et demie est à peu près égale au mille d'Angleterre.

с

Aurore boréale, phénomène lumineux, qui paraît quelquefois, la nuit, dans le ciel du côté du nord.

Le cercle d'Ischim prend son nom de la rivière de ce nom. C'est un désert immense de la Sibérie.

rocs brisés, entassés les uns sur les autres, et surmontés de quelques sapins; à leur pied, dans un angle du Tobol, on trouve le village domanial de Saïmka; sa distance de Tobolsk est de plus de cinq cents verstes. Placé jusqu'à la dernière limite du cercle, au milieu d'un pays désert, tout ce qui l'entoure est sombre comme son soleil, et triste comme son climat.

Cependant le cercle d'Ischim est surnommé l'Italie de la Sibérie, parce qu'il a quelques jours d'été, et que l'hiver n'y dure que huit mois: mais il y est d'une rigueur extrême. Le vent du nord qui souffle alors continuellement, arrive chargé des glaces des déserts arctiques, et en apporte un froid si pénétrant et si vif, que, dès le mois de septembre, le Tobol charrie' des glaces. Une neige épaisse tombe sur la terre, et ne la quitte plus qu'à la fin de mai. Il est vrai qu'alors, quand le soleil commence à la fondre, c'est une chose merveilleuse que la promptitude avec laquelle les arbres se couvrent de feuilles et les champs de verdure; deux ou trois jours suffisent à la nature pour faire épanouir toutes ses fleurs. On croirait presque' entendre le bruit de la végétation; les chatons des bouleaux exhalent une odeur de rose: le cytise velu9a s'empare de tous les endroits humides; des troupes de cigognes, de canards tigrés, d'oies du nord, se jouent à la surface des lacs; la grue blanche s'enfonce dans les roseaux des marais solitaires pour y faire son nid, qu'elle natte industrieusement avec de petits joncs; et dans les bois, l'écureuil volant, sautant d'un arbre à l'autre, et fendant l'air à l'aide de ses pattes et de sa queue chargée de laine, va ronger les bourgeons 10 des pins et le tendre feuillage des bouleaux. Ainsi, pour les êtres animés qui peuplent ces froides contrées, il est encore d'heureux jours: mais pour les exilés qui les habitent, il n'en est point.

La plupart de ces infortunés demeurent dans les villages qui bordent le fleuve, depuis Tobolsk jusqu'aux limites du cercle d'Ischim; d'autres sont relégués dans des cabanes au milieu des champs. Le gouvernement fournit à la

Le cytise est un arbrisseau originaire des Alpes.

nourriture de quelques-uns; ceux qu'il abandonne vivent de leurs chasses d'hiver: presque tous sont en ces lieux l'objet de la pitié publique, et n'y sont désignés que par le nom de malheureux.

MADAME COTTIN. Élisabeth, ou les exilés de Sibérie.

MADAME COTTIN (Sophie),

Née en 1773, morte en 1807. Enlevée aux lettres à l'âge de trente-cinq ans, madame Cottin nous a légué par les ouvrages qu'elle a publiés, des regrets pour ceux que nous pouvions encore espérer d'elle. Son roman de Mathilde est regardé comme son chef-d'œuvre. Élisabeth, que plusieurs placent au même rang, doit son intérêt à un sentiment calme et doux, la tendresse filiale.

ÉRUPTION DU VOLCAN DE QUITOa.

HEUREUX les peuples qui cultivent les vallées et les collines que la mer forma dans son sein, des sables que roulent ses flots, des dépouilles de la terre! Le pasteur

y

conduit ses troupeaux sans alarmes; le laboureur y sème et y moissonne en paix. Mais malheur aux peuples voisins de ces montagnes sourcilleuses, dont le pied n'a jamais trempé dans l'Océan, et dont la cime s'élève au-dessus des nues! Ce sont des soupiraux1 que le feu souterrain s'est ouverts en brisant la voûte des fournaises profondes où sans cesse il bouillonne. Il a formé ces monts des rochers calcinés, des métaux brûlants et liquides, des flots de cendre et de bitume qu'il lançait, et qui, dans leur chute, s'accumulaient au bord de ces gouffres ouverts. Malheur aux peuples que la fertilité de ce terrain perfide attache! Les fleurs, les fruits et les moissons couvrent l'abîme sous leurs pas. Ces germes de fécondité, dont la terre est pénétrée, sont les exhalaisons du feu qui la dévore. Sa richesse, en croissant, présage sa ruine; et c'est au sein de l'abondance qu'on lui voit engloutir ses heureux possesseurs: tel est le climat de Quitoa. La ville est dominée par un volcan

• Quito, ville célèbre de l'Amérique, actuellement la capitale de la république et chef-lieu du département de l'Équateur.

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