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tomber dans une fâcheuse imperfection. En voilà bien long, ma chère Henriette, mais tu sais que j'aime à causer avec toi. Et d'ailleurs, on ne se corrige d'un défaut que lorsqu'on a bien reconnu d'où il vient et jusqu'où il pourrait aller. Prends_un parti, ne laisse jamais partir une lettre sans la relire très-attentivement, uniquement pour la ponctuation. Quand tu en auras une fois pris l'habitude, tu n'auras plus besoin d'en prendre le même soin, et tu verras qu'un jour l'habitude de la ponctuation deviendra pour toi de la force d'attention."

LETTRE DE VOLTAIRE À UNE DEMOISELLE, QUI L'AVAIT CONSULTÉ SUR LES LIVRES QU'ELLE DEVAIT LIRE.

"Je ne suis, mademoiselle, qu'un vieux malade: et il faut que mon état soit bien douloureux, puisque je n'ai pu répondre plus tôt à la lettre dont vous m'honorez. Vous me demandez des conseils; il ne vous en faut point d'autres que votre goût. Je vous invite à ne lire que les ouvrages qui sont depuis longtemps en possession des suffrages du public, et dont la réputation n'est point_equivoque, il y en a peu; mais on profite bien davantage en les lisant qu'avec tous les mauvais petits livres dont nous sommes inondés. Les bons_auteurs n'ont de l'esprit qu'autant qu'il en faut, ne le cherchent jamais, pensent avec bon sens, et s'expriment avec clarté. Il semble qu'on n'écrive plus qu'en énigme : rien n'est simple, tout_est_affecté; on s'éloigne en tout de la nature, on a le malheur de vouloir mieux faire que nos maîtres. Tenez-vous_en, mademoiselle, à tout ce qui plaît_en_eux. La moindre affectation est_un vice. Les Italiens n'ont dégénéré après le Tasse e l'Arioste que parce qui'ls_ont voulu avoir trop d'esprit ; et les Français sont dans le même cas. Voyez avec quel naturel Madame de Sévigné et d'autres dames_ écrivent! Vous verrez que nos bons écrivains, Fénélon, Racine, Bossuet, Despréaux, emploient toujours le mot propre. On s'accoutume à bien parler_en lisant souvent

ceux qui ont bien écrit; on se fait une habitude d'exprimer simplement et noblement sa pensée sans effort. Ce n'est point_une étude; il n'en coûte aucune peine de lire ce qui est bon, et de ne lire que cela; on n'a de maître que son plaisir et son goût. Pardonnez, mademoiselle, à ces longues réflexions, ne les_attribuez qu'à mon obéissance à vos ordres."

1. HYMNE DE L'ENFANT À SON RÉVEIL.

1 0 PÈRE qu'adore mon père !

Toi qu'on ne nomme qu'à genoux;
Toi, dont le nom terrible et doux
Fait courber le front de ma mère !
2 On dit que c'est toi qui produis

Les fleurs dont le jardin se pare,
Et que, sans toi, toujours_avare,
Le verger n'aurait point de fruits.
3 Aux dons que ta bonté mesure
Tout l'univers est convié;
Nul insecte n'est_oublié

A ce festin de la nature.

4 L'agneau broute le serpolet,

La chèvre s'attache au cytise,
La mouche au bord du vase puise
Les blanches gouttes de mon lait;
5 L'alouette à la graine amère

Que laisse envoler le glaneur,
Le passereau suit le vanneur,
Et l'enfant s'attache à sa mère.
6 Et pour obtenir chaque don

Que chaque jour tu fais éclore,
A midi, le soir, à l'aurore,
Que faut-il? Prononcer ton nom!
7 O Dieu! ma bouche balbutie
Ce nom des_anges redouté :
Un enfant même est écouté
Dans le chœur qui te glorifie.

8 Puisque tu veilles de si loin
Pour exaucer notre tendresse,

Je veux te demander sans cesse
Ce dont les autres_ont besoin.

9 Mon Dieu, donne l'onde aux fontaines,
Donne la pluie aux passereaux,
Et la laine aux petits_agneaux,
Et l'ombre et la rosée aux plaines.
10 Donne au malade la santé

Au mendiant le pain qu'il pleure,
A l'orphelin une demeure,
Au prisonnier la liberté.

11 Donne une famille nombreuse

Au père qui craint le Seigneur;
Donne à moi sagesse et bonheur,
Pour que ma mère soit heureuse.
12 Mets dans mon âme la justice,
Sur mes lèvres la vérité,
Qu'avec crainte et docilité
Ta parole en mon cœur mârisse !

LAMARTINE.

2. LE NID DE FAUVETTES.

1 JE le tiens, ce nid de fauvettes!
Ils sont deux, trois, quatre petits!
Depuis si longtemps je vous guette!
Pauvres oiseaux vous voilà pris!

2 Criez, sifflez, petits rebelles,

Debatez-vous; oh! c'est en vain :
Vous n'avez pas encore d'ailes,
Comment vous sauver de ma main?

3 Mais, quoi, n'entends-je point leur mère,
Qui pousse das cris douloureux ?
Oui, je le vois; oui, c'est leur père
Qui vient voltiger_autour d'eux.
4 Ah! pourrais-je causer leur peine,
Moi qui l'été dans ces vallons
Venais m'endormir sous un chêne,
Au bruit de leur douce chansons?

5 Hélas! si du sein de ma mère,
Un méchant venait me ravir,
Je le sens bien, dans sa misère,
Elle n'aurait plus qu'à nourir.
6 Et je serais_assez barbare

Pour vous arracher vos enfants!
Non, non, que rien ne vous sépare;
Non, les voici, je vous les rends.
7 Apprenez-leur dans le bocage
A voltiger autour de vous:
Qu'ils écoutent votre ramage,
Pour former des sons_aussi doux;
8 Et moi, dans la saison prochaine,
Je reviendrai dans les vallons,
Dormir quelquefois sous un chêne
Au bruit de leurs jeunes chansons.

3. LE MAÎTRE ET L'ÉCOLIER.

BERQUIN.

1 "QU'IL fait sombre dans cette classe!
Rien qu'un mur gris, un tableau noir,
Et puis toujours la même place,
Et toujours le même devoir !
2 Toujours, toujours ce même livre,
Et toujours ce même cahier!
Peut-on appeler cela vivre?
Moi, je l'appelle s'ennuyer!"

3 Ainsi parlait, dans une école,
Un petit écolier mutin.
Le maître alors prit la parole,

Et lui dit:- Quoi! chaque matin,

4 Toujours dans la même chaire
Répéter la même leçon,
Enseigner la même grammaire
A ce même petit garçon,

5 Qui reste toujours, quoiqu'on fasse,
Ignorant, distrait, paresseux !
Lequel devrait, dans cette classe,
S'ennuyer le plus de nous deux ?"

6 Tu le vois, l'élève et le maître.
Ont chacun son joug à charger,
Mon_enfant; mais veux-tu connaître
Le vrai moyen de l'alléger?

7 Accepte-le du Seigneur même,
En le portant pour le servir;

Aime ton maître comme il t'aime :
C'est tout le secret d'obéir !

TOURNIER.

4. AU PIANO.

1 VOICI deux petites sœurs: l'une,
L'ainée, ainsi qu'on peut le voir,
Sait jouer Au clair de la lune ;
L'autre voudrait bien le savoir.

2 Or la cadette, blonde et gaie,

Depuis une heure toute en eau,
De ses mains mignonnes essaie
D'ouvrir l'énorme piano.

3 Viens, Thérèse, viens à mon aide !
Thérèse soulève, en tremblant,
Le pesant couvercle, qui cède.
Ciel! Le beau clavier noir et blanc.

4 Vois, la musique est_en_ivoire,
Dit Lilie très-émue au fond;
Puis, frappant une touche noire :
Ces noires, quel bruit_elles font !

5 Notre chat, de ses pattes roses,
En trottant, parfois réussit
A jouer de très-belles choses;
Est_il musicien aussi ?

6 Puis elle rit, charmante et folle,
De voir ainsi, d'entre ses doigts,
L'essaim des notes qui s'envole
Comme un nid surpris dans un bois.

X.

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