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En parlant des instans qui ont suivi la création du monde, Virgile a dit : Rara per ignotos errant animalia montes. Eglog. TI.

Ce qui rappelle ce vers de l'Enéide: Apparent rari nantes in gurgite vasto. Domergue, dans la traduction de la mème églogue, a dit également : Et rares, nouveaux nés, les faibles animaur De leurs pas incertaius marquent les monts nouveaus.

C'est une nouvelle acception qui enrichit notre langue poétique.

RASER, . du latin rasitare, fréquentatif de radere (racler, ratisser). Aussi a-t-on dit d'abord raire qui a donné l'ancien participe rais ou ras.

O qu'il est frais ! ô qu'il est gras! O qu'il est beau, quand il est ras! C'est Didon qui parle ainsi d'Enée dans Scarron. Ce dernier est resté comme adjectif dans poil ras, en rase campagne.

« Un barbier rait l'autre. » Dic

tionn. des prov. françois, Bruxelles,

1710.

Ce mot rail, remplacé par rase dans l'édition d'Utrecht, 1751, du l'on même dictionnaire, prouve que disait autrefois raire pour raser. Raser, au figuré, signific effleurer, passer auprès avec rapidité.

« Allant toujours rasant les murailles avec un air respectueux. » SAINT-SIMON, Hommes illustres, t. n. L'abeille prend l'essor, parcourt les arbrisseaux; Elle sace les fleurs, rase, en volant, les eaux.

DELILLE, trad. des Georgiques, liv. IV.

Parmi des torrens de poussière,
Son char dévorant la carrière,
Paraît s'égarer dans leurs flots;
Mais toujours sa roue enflammée
Rasant la borne accoutumée,
Ravit la palme à ses rivaux.

LE BRUN, l'Enthousiasme, ode.

Comme on voit de Vénus les palombes chéries
Kaser le vert naissant des riantes prairies.
AIGNAN, trad. de l'Iliade, liv. v.

RASSASIER, v. «Il faut se plier au goût d'une nation, d'autant plus difficile, qu'elle est depuis long-tems. rassasiée de chefs-d'œuvre. » VOLTAIRE.

RASSEOIR (se), v. se remettre du trouble où l'on était. « Il faut courir le mauvais temps et se rassoir au bon. » MONTAIGNE, liv. 111, ch. 13. Ses discours insolens m'ont mis l'esprit en feu, Et je veux prendre l'air, pour me rasseoir un peu.

MOLIÈRE.

ch. 20.

De ce verbe est formé le participe rassis, rassise. « L'extrême et pleincontent a plus de rassis que d'enjoué. » MONT. liv. II, RASSÉRÉNER, v. Il est fâcheux d'avoir laissé perdre ce mot agréable que nos pères employaieut au propre et au figuré.

Monarque souverain, dont la force inconnue
Rassérène les cieux, ou fait grossir la nue.
BRÉBEUY.

« Rasséréner la tourmente de son royaume, par un doux calme de réunion.» NIC. PASQ. liv. IX, lett. 13.

Tant bien sut dire et prêcher que la dame
Séchant ses yeux, rassérénant son ame,
Plus dour que miel à la fin l'écouta.

LA FONTAINE, R. Minut.

RASSURANT, TE, adj. L'abbé Féraud attribue à M. Portális, célèbre avocat au parlement d'Aix, et depuis ministre des cultes, le premier emploi de ce néologisme.

RAT, s. m. de l'allemand rat qui a la même signification, ou plutôt de ract qui dans le celtique ou bas-breton signifie la même chose.

Barbazan le fait venir du latin. « Qu'est un rat, dit-il, sinon un insecte qui ronge, et vient de rasum, parti – cipe de radere? On l'écrivoit ras. » Dissertations sur l'origine de la langue françoise, pag. 88, Paris, 1759.

La Fontaine lui a donné un féminin.

Quelques rates, dit-on, répandirent des larmes,
« Le vers, dit M. Ch. Nodier, n'est
pas mauvais; mais la fable n'est pas
de La Fontaine, qui n'a employé ce
mot dans aucune autre occasion, et
il n'en faut pas d'autre preuve. »
Je ne vous tairai point la horde malheureuse,
Des rats, famille obscure, indigente et peureuse,
Qui, par d'adroits chasseurs savamment embusqués,
Dans les fentes des nurs étroitement bloqués,
Autour de leurs cités nuit et jour investies
Hasardent en tremblant leurs nocturnes sorties;
Maraudeurs obstinés, faméliques rongeurs,
En vain s'arment contre eux les trébuchets vengeurs;
L'instinct, propagateur de leur race amoureuse,
Sans cesse reproduit leur foule populeuse;
Du fond de nos caveaux, du haut de nos greniers,
La gent trotte-menu s'assemble par milliers,
Envahit la cuisine, ou dévaste l'office,
Ou de mes manuscrits d'avancé fait justice.
DELILLE, les Trois Règnes de la Nature, ch. vIII.
Rat, caprice, bizarrerie.

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« Avoir des rats. Allusion à la rate, d'où la plupart des bizarreries procédent.» Ducatiana, t. 11, p. 534, Amsterdam, 1738.

RATE, s. f. viscère mou, situé dans l'hypocondre gauche. « La rate, dit Jault, est d'une figure qui approche de l'ovale un peu allongé, en quoi on peut dire qu'elle ressemble, en quelque façon, au corps d'un rat. »

L'empereur Trajan appelait le fisc la rate de l'empire, imperii fiscus, seu splen, parce que plus la rate s'enfle, plus le reste du corps diminue. Ainsi, plus le fisc s'enrichit, plus le peuple s'appauvrit.

Epanouir la rate, divertir. « En effet, est-il dit dans l'Etymologie des Prov. françois, par Bellingen, liv. 1, p. 28, La Haye, 1656, lorsqu'on se réjouit, la rate s'ouvre et épanouit d'aise; et c'est cet épanouissement qui nous contraint à rire par la correspondance qu'il y a entre la bouche qui est l'organe du ris extérieur, et la rate qui en est le principe interne. »

Un ouvrage in-12, portant pour date l'an des folies 175886, a pour titre l'Art de désopiler la rate. Ce livre, assez rare, dont M. Panckoucke, de Lille, passe pour être

|

l'auteur, est un recueil d'anecdotes curieuses et divertissantes.

« Là-dessus sa rate s'est épanouie d'un rire extravagant. » me DE SEVIGNE, Lett. CCCLXXIX, 6 oct. 1679.

« Après nous être égayés tous deux, et bien épanoui la rate, je dis, etc. LE SAGE, Histoire de Gil-Blas, L. ix, ch. 10.

RATELEUX, EUSE, adj. Nos vieux Français appelaient ainsi ceux qu'on appelle aujourd'hui hypocondriaques. RÂTEAU, s. m. autrefois rastel et rasteau, du latin rastellum, diminutif de rastrum (instrument qui sert à ratisser, ráteau.)

De là est dérivé rátelier, espèce de perche où sont entés des barreaux de bois de distance en distance, en forme d'échelle, ce qui représente

un râteau.

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« Le tigre fait mouvoir la peau de sa face, grince les dents, frémit, rugit comme fait le lion, mais son rugissement est différent; quelques voyageurs l'ont comparé au cri de certains grands oiseaux. Tigrides indomite raucant, rugiuntque leones, (Author Philomela). Ce mot raucant n'a point d'équivalent en français ; ne pourrions-nous pas lui en donner un, et dire, les tigres rauquent, et les lions rugissent; car le son de la voix du tigre est en effet très-rauque?» BUFFON, Morceaux choisis, pag. 227

De cet adjectif s'est formé raucité, qui n'est pas ancien dans la langue, et que les dictionnaires ne portent encore que comme terme de médecine.

RAVAGEANT, E, adj. « La petite-vérole est quelquefois aussi ravageante que la peste. » TISSOT. L'abbé Féraud fait des vœux pour l'admission de ce mot, ainsi que pour celle du suivant.

RAVAGEMENT, S. m. qui dit plus que dégât et dommage, et qui est à ravage ce que la cause est à l'effet.

RAVAGEUR. Ce substantif fait un bel effet dans cette phrase de Bossuet: « Ce fut peu après le déluge que parurent ces ravageurs de provinces que l'on a nommés conqué

rans. »

Qu'ont-ils fait d'étonnant, ces ravageurs fameux ? Ce que d'autres encor peuvent faire comme eux! ROUCHER, les Mois, chant VI.

Cet auteur nous prévient, dans ses notes sur le chant er, qu'il a tâché de rajeunir les mots aviver, ravageur, fallacieux, et même punisseur, qui souvent lui ont épargné la longueur d'une périphrase. Voyez ces

mots.

Féraud manifeste le désir de voir rétablir ce mot; et il pense qu'on pourrait dire, en vers et dans la prose poétique, les orages, les tor

rens ravageurs.

RAVAILLARDISER, v. forgé par Nic. Pasquier, pour dire poignarder à la manière de Ravaillac.

« Après que nostre grand Henry

fut traistreusement assassiné et ravaillardisé. » NIC. PASQUIER, 1. VI, lett. 16.

RAVAL, s. m. réduplicatif d'aval. Voyez ce mot.

« La paix, laquelle il abhorroit plus que la peste, comme celle qu'il estimoit estre le raval de sa grandeur.» EST. PASQUIER, 1. XVII, lett. 4.

RAVALEMENT, s. m. a signifié autrefois abaissement. « Beaucoup de gens croyent établir leur réputation par le ravalement et le mépris de leurs rivaux. » Dict. de Trévoux.

Pourquoi laisser perdre ce mot noble et harmonieux ?

RAVALER, v. réduplicatif d'avaler. Voyez ce mot.

Ravaler, c'est faire descendre encore plus bas. Ce verbe, vieux dans la prose, doit être conservé à la poésie.

Seulement pour l'argent un peu trop de foiblesse, De ces vertus en lui ravaloit la noblesse.

BOILEAU, Satire I, vers 258. Quoi tu ne vois donc pas jusqu'où l'on me ravale, Albine? C'est à moi qu'on donne une rivale. RACINE, Britannicus, act. 111, sc. 4.

RAVAUDAGE, s. m. « Ravaudage de folles doctrines, qui n'apporte point à disner. » Moyen de parvenir.

RAVAUDER, v. n. (readvalidare), au figuré. « Vous m'avez entendue mille fois ravauder sur ce vers du Tasse : L'alte non temo. » Mme DE SÉVIGNÉ.

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« La science est un rameau d'or qui ne se laisse pas cueillir indifféremment par toutes sortes de personnes. » LA MOTHE LE VAYER, lettre CXXXVI, d'Un Homme de grande lecture.

Si vous voulez couper d'une race odieuse,
Dans ses derniers rameaux, la tige dangereuse.
VOLTAIRE, l'Orphelin de la Chine, act. 111, se. 4.
Dans ses derniers rameaux, dans ses
derniers descendans.

RAMENTER, . « Le premier écuyer qui avoit vieilli dans les intrigues, les ramentoit tous. SAINT-SIMON, t. v, liv. x, ch. 9.

RAMENTEVOIR, . du latin mente videre, voir par l'esprit ou dans l'esprit, et de la particule itérative re ou ra; c'est donc voir de nouveau, revoir dans son esprit, et par conséquent se rappeler. Nous li

sons ramentevoir et ramentoivre dans le Gloss. des Fabliaux de Barbazan par M. Méon.

«Ledit cardinal fit jurer et promettre audit duc de Bourgogne que jamais ne ramentèveroit la mort de son feu père. » Chroniq. de Monstrelet, liv. 1, ch. 187.

Mais il eut le courage toujours constant, sans se perdre, et d'un visage ferme, alloit au contraire ramentevant à haute voix l'honorable et glorieuse cause de sa mort. » MONT. Essais, liv. 1, ch. 1.

Et ces grands monumens, d'éternelle mémoire, Ne s'élèvent pas tant pour maintenir leur gloire, Que pour ramentevoir aux autres qu'ils sont morts. de la Vanité du monde.

MALLEVILLE,

La terreur des choses passées
A leurs yeux se ramentevant,
Fesoit prévoir à leurs pensées
Plus de malheur qu'auparavant.
MALHERBE, Ode sur l'attentat commis sur Henri-
le-Grand, le 19 décembre 1605.

«Se ramentevant. Ce mot n'est plus reçu en vers. Malherbe l'emploie encore en un autre endroit : Mes sens qu'elle aveugloit, ont connu leur offense. Je les en ai purgés, et leur ai fait défense

De me la ramentevoir plus.

<< Bertaut s'en est aussi servi dans une de ses chansons :

S'il vous eût plu ramentevoir Ma servitude et vos promesses.

ce n'est par quelques antiquaires, et dans le style épistolaire, comme quand on dit: Je vous prie de me ramentevoir (de me rappeler) à M. tel ▾ MÉNAGE, Observ. súr Malherbe, p. 323, édit. in-8°, Paris, 1666.

Molière s'en est encore servi dans le Dépit amoureux, act. 111, sc. 4. Ne ramentevons rien, et réparons l'offense. Régnier-Desmarais, en 1706, avertissait déjà, dans sa grammaire, p. 438, qu'il y avait long-temps que ce mot n'était plus d'aucun usage. Nous devons le regretter; il était plus expressif et plus harmonieus que rappeler, se ressouvenir, qui l'ont remplacé.

Voltaire a cru pouvoir l'employer en plaisantant:

« Comme les vieillards aiment à conter et même à répéter, je vous ramenteverai, et nous vous ramentevons ici que, etc. »

RAMER, v. (remus, rame). «L'adroite princesse ramoit contre le fil de l'eau. » SAINT-simon, liv. xu,ch. ;. RAMEUR, s. m. du latin remigator (celui qui rame).

«

Beaucoup d'écrivains allemands suivent la marche des rameurs, qui tournent le dos au but vers lequel ils tendent. » Lettre du comte de Lam berg.

RAMIER, s. m. pigeon. « La Mite n'a point de ramier (d'amant), an moins de la grande volée. » мm2 DE SÉVIGNÉ.

RAMIFIER (se), v. du latin ramus fieri, se partager en plusieurs rameaux, en plusieurs branches. Il se dit des arbres, des artères, des veines.

« Les idées de Léibnitz sont vastes. elles partent d'abord d'une grande universalité, qui en est comme le tronc, et ensuite se divisent, se subdivisent, et se ramifient presqu'à l'infini. » FONTENELLE.

L'art avec lequel cette métaphore est amenée, et le correctif employe de par pas l'auteur, ne la sauvèrent la critique du Dict. néolog., critique

Il n'est plus même reçu en prose, si | qui, aujourd'hui, porterait à faux,

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puisque, même d'après l'Académie, se ramifier, se dit figurément des sciences, des sectes qui se partagent en plusieurs branches.

RAMON, s. m. vieux mot. Il est, comme ranicau, un diminutif de rain ou raim (voyez BAIN); du latin ramus (rameau, branche d'arbre), parce que les balais étaient faits de branches d'arbre.

« Allons en Picardie, dit Barbazan, nous entendrons appeller un balay un ramon, parce qu'il vient de ramus, petite branche, d'où nos mots

ramoner et ramoneur. »

« Sa bonne femme qui ménagcoit (tracassoit) par léans (par le logis), tenant un ramon, demande qui est cela?» Les Cert nouvelles Nouvelles, Nouv. Ire, du 15° siècle. ouvrage Du neuf ramon la femme nettoye sa maison, Et du vieil bat son baron (son mari). G. HEURIER, Thrésor des Sentences dorées, Lyon, 1577.

RAMONEUR, s. m. Voltaire a exprimé le sens de ce mot avec une rare élégance :

J'aime bien mieur ces honnêtes enfans, Qui de Savoie arrivent tous les ans, Et dont la main légèrement essuie Nos Jongs canaux engorgés par la suie. Le Pauvre Diable. De la Motte a fait sur ce mot unc énigme fort jolie que nous nous plaisons à rapporter :

J'ai vu, j'en suis témoin croyable, Un jeune enfant, armé d'un fer vainqueur, Le bandeau sur les yeux, tenter l'assaut d'un cœur Aussi peu sensible qu'aimable.

Bientôt après, le front élevé dans les airs,

L'enfant, tout fier de sa victoire, D'une vois triomphante en célébrait la gloire, Et semblait pour témoin vouloir tout l'univers. Quel est donc cet enfant dont j'admirai l'audace? Ce n'était pas l'Amour, cela vous embarrasse. RAMPANT, E, adj. qui rampe.

.

Un ver, une fourmi, Un insecte rampant qui ne vit qu'à demi,

BOILEAU.

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RAMPEMENT. Ce substantifmasc. peu usité est d'un bel effet dans cette phrase de Bossuet: «Figure du serpent, dont le rampement tortueux étoit une vive image des détours fallacieux de l'esprit malin. » Disc. sur l'Hist. univ. t. 1, p. 155, Paris, 1771.

RAMPER, v. du latin repere, dérivé du grec pm (herpein), glisser, serpenter, par transposition de lettres. Ramper se trouve dans le petit dictionnaire rapporté par le P. Labbe à la suite de la 1e partie de ses Etymologies.

Et je m'éloigne avec effroi
De la couleuvre venimeuse,
Qui, dans sa marche tortueuse,
Glissait, en rampant, jusqu'à moi.

Dr PARNY.

L'enfant respire à peine, il souffre, il pleure, il crie: Il tente pour marcher des efforts long-temps vains; Débile quadrupede, il rampe sur ses mains.

DESAINTANGE, trad. des Métam. liv. xv.

Il faut, disent les courtisans, s'humilier devant l'esclave, pour parvenir à ramper devant le maitre.

Du humain connais quelle est la trempe : grare Avec de l'or je te fais président,

Fermier du roi, conseiller, iutendant.

Tu n'as point d'aile, et tu veux voler! rampe.
VOLTAIRE, le Pauvre Diable.

Le Brun a dit par une alliance de mots fort heureuse :

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