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dans le Dict. de Trévoux, mais avec la remarque qu'il n'est pas reçu dans l'usage ordinaire. Eh! pourquoi ne l'est-il pas ?

INAPERCEVANCE, s. f. « Bien sert à la décrépitude de nous fournir le doux bénéfice d'inapercevance et d'ignorance, et facilité à nous laisser tromper. Si nous y mordions, que seroit-ce de nous? MONTAIGNE, liv. 11, ch. 8.

INAPERÇU, UE, adj. qui n'est point aperçu, qu'on n'a pas encore aperçu.

« Une seconde lecture (l'auteur parle de Virgile) y découvre toujours un mérite inaperçu à la première. » DELILLE, trad. de l'Eneide, remarques sur le 1er liv.

Derrière le palais, il était une issue,
Une porte des Grecs encore inaperçue.

Le même, trad, de l'Enéide, liv. u.

Ces réseaux monvans, ces fils inaperçus, Que sous des toits déserts l'araignée a tissus.

BAOUR-LORMIAN.

Des habitans du fort Armide inaperçue
Se place, et du combat vient attendre l'issue.

Le méme, Jérusalem délivrée, ch. vII.

INAPPLICATION, s. f. Ce mot était encore nouveau du temps de Ménage, qui n'en blâme pas l'usage; et La Touche, au commencement du siècle dernier, le mettait au nombre des mots nouveaux dont on pouvait se servir sans scrupule.

INAPPRECIABLE, adj. qui ne peut être apprécié.

Pasquier a dit, liv. v, ch. 12, « une infinité de meubles précieux, impréciables. »

Le premier, qui, d'après les éditeurs du Dict. de Trévoux, n'était pas encore bien établi vers le milieu dư dernier siècle, a seul été confirmé par l'usage.

INAPPRÊTÉ, ÉE, adj. qui n'est point apprêté, sans apprêt.

En parlant des animaux, Delille a dit:

Les mets inapprêtés qui forment leur repas.

Les trois Règnes de la Nature, ch. vin. La Harpe avait déjà remarqué qu'on dirait avec grâce, en poésie, des mets inapprétés. Voy. INACHETE.

INAPPRIVOISABLE, adj. qui ne peut être apprivoisé. Quelques écrivains ont employé ce néologisme.

« Le pinson, l'alouette, la linotte, le serin jasent et babillent tant que le jour dure; le soleil couché, ils fourrent leur tête sous l'aile, et les voilà endormis.

» C'est alors que le génie prend sa lampe, et que l'oiseau solitaire, sauvage, inapprivoisable, brun et triste de plumage, ouvre son gosier, commence son chant, fait retentir le bocage, et rompt mélodieusement le silence et les ténèbres de la nuit. >>

DIDEROT.

Mercier a proposé inapprivoisé qui présente un autre sens. Pourquoi ne pas admettre ces deux adjectifs ?

INAPTE, adj. « Devenu inapte aux affaires, le sultan en a jeté le fardeau sur des mercenaires, et les mercenaires l'ont trompé. » VOLNEY.

«< On demandera peut-être, dit M. Laveaux, pourquoi inapte, lorsqu'on a inepte? Je pense que ces deux mots pourraient être employés pour exprimer deux nuances différentes. Il me semble, ajoute ce grammairien, que l'on est inepte par nature, par mauvaise constitution, et qu'on est inapte par accident, par négligence, faute d'exercice. Celui qui est inepte l'est toujours; on devient inapte, comme l'indique Volney dans la phrase citée. »

INAPTITUDE, s. f. défaut d'aptitude. Ce mot n'est pas ancien.

un

« Si j'avais été fait comme autre, que j'eusse eu le talent d'emprunter et de m'endetter dans mon cabaret, je me serais aisément tiré d'affaire; mais c'est à quoi mon inaptitude égalait ma répugnance. » J. J. R. Conf. liv. IY.

INARTIFICIEL, ELLE, adj. contraire à artificiel; sans artifice.

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par M. Pougens, dans son ArchéoLgie francaise, tom. 1, pag. 315, Prouvent suffisamment que l'abbé Feraad s'est trompé lorsqu'il a avance que ce mot était dû à Bossuet.

INASSIDUITÉ, s. f. « Il devint pen assidu au travail, et son inassidate l'a jeté dans l'abandon qu'il éprouve.» MERcier.

Inassiduité est plus court que le defaut d'assiduité, et aussi clair. M. Laveaux pense que ce néologisme est indispensable, et nous nous rangeons de son avis.

INASSOCIABLE, adj. qui ne peut

être associé.

« Mes mœurs mesmes, qui ne disconviennent de celles qui courent, å peine de la largeur d'un poulce, me rendent pourtant aucunement farouche à mon aage, et inassociable. » MONT. liv. 11, ch. 9.

INASSORTI, IE, adj. « On dirait bien un composé de choses inassorties; ce qui est fort différent de mal assorties. » LA HARPE.

INASSOUPI, IE, adj. « Un poète s'emparera volontiers des yeux inaspis, pour peu qu'il ait à parler d'Arzus. » LA HARPE.

INASSOUVI, IE, adj. qui n'est Foint assouvi.

Sa rage inassouvie, Ou des vinens poursuit encor la vie, De la le fait un vaste tombeau.

PARNY, les Rosecroix, ch. 11.

Paisqu'on dit assouvi, pourquoi e dirait-on pas inassouvi? C'est un

gisme qu'il est bon d'admettre, parce qu'il est sonore, parce qu'il est in analogie avec les autres mots de

notre langue, et qu'il épargne ces ciruniocutions toujours longues et tours embarrassantes pour le poète : n'est point assouvi, qu'on ne peut, jam ne saurait assouvir, etc. INASSURABLE, adj. qui ne peut

etre assuré.

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Ce néologisme, proposé par Mer, n'a point été reçu. « On disait poète dramatique, connu par a chute de plusieurs de ses pièces, que la dernière qu'il venait de don

ner avait paru réussir à la première représentation, mais que le succès en était encore inassuré. Quelqu'un répondit: Vous verrez qu'à la seconde il est inassurable. »

INATTAQUABLE, adj. Un officier s'excusait devant le marquis de Feuquières de n'avoir pas attaqué un poste, parce qu'il l'avait jugé inattaquable. « Monsieur, lui dit le marquis, ce mot-là n'est pas français. »

Il ne l'est pas dans le sens que lui donnait M. de Feuquières, car il est inconnu à nos braves; mais il se trouve aujourd'hui dans les dictionnaires de notre langue.

INATTENDU, UE, adj. Ce mot n'est pas fort ancien. « Une épithète bien choisie fait une impression_vive et inattendue. » DE LA MOTTE, Disc. sur la Poésie.

« Tout ce qui est inattendu saisit toujours. » VOLTAIRE.

Un bras inattendu porte un coup plus certain.
GRESSET, Edouard 1.

Des termes rapprochés l'hymen inattendu. CHENIER, Essai sur les princ. des arts, ch. 1. INATTENTE, S. f. « Scrait-ce un tort de dire: L'inattente de tout secours força les assiégés à capituler?

HARPE.

» LA

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INCENDIE, s. m. Ce mot n'a guère été reçu dans la langue qu'après le règne de Henri iv.

Échappée comme par miracle au feu qui consuma l'Opéra, en 1780, Madle Arnould traversait précipitamment la rue Saint-Honoré; une grande dame la reconnut, fit arrêter son équipage, et, l'appelant par son nom, lui dit par la portière « apprenez-moi ce qui s'est passé à cette grande incendie. Je n'ai qu'une chose à vous apprendre, repartit vivement celle-ci, c'est qu'incendie est du masculin: » et elle continua sa

course.

INCENDIÉ, ÉE, adj. et part. L'abbé Prévost a dit incendié par son regard; ce qui paraît une exagération un peu forte.

INCENDIER, v. Beaumarchais fait dire un peu hardiment peut-être au comte Almaviva : « Ils allaient incendier mon rendez-vous, » parce qu'on voulait ranger le feu d'artifice sous les grands maronniers. La Folle Journée, act. IV, Sc. 12.

INCERTAINEMENT, adv. Perrault a employé cet adverbe dans sa traduction de Vitruve.

INCERTITUDE, s. f. « L'homme sage ne sort guères de l'incertitude sur l'avenir, du doute sur les opinions, et de l'irrésolution sur les engagemens. » L'abbé GIRARD.

INCESSAMMENT, adv. L'adjectif cessant laisse supposer son négatif incessant, qui ne cesse pas, et c'est de ce négatif inusité qu'on a dérivé l'adverbe incessamment, qu'on ne dit plus, surtout en prose, que dans le sens de bientôt, sans délai.

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Tes yeux sur ma conduite incessamment ouverts M'ont sauvé jusqu'ici de mille écueils couverts. RACINE, Britannicus, act..1,. sc. 4.

INCESSANT, ANTE, adj. qui ne cesse pas. « J'avais conçu l'idée d'un vocabulaire relatif, et j'y avais été conduit naturellement par l'incessante nécessité où j'étais de faire de nombreux rapprochemens des langues étrangères avec la nôtre. » CH. POUGENS, Archéologie française, Avertissement en tête du 2o vol. pag. 8.

INCHARITABLE, adj. qui n'a pas de charité. Ce mot et celui de d'incharité ont été hasardés au milieu du dernier siècle; mais ni l'un ni l'autre n'ont pu s'établir.

INCIVISME, s. m. défaut de civisme, sentiment et conduite opposés à ceux d'un bon citoyen. Ce terme, dont la création ne remonte pas plus haut que la révolution française, est consacré par l'usage.

INCLÉMENCE, s. f. du latin inclementia (défaut de clémence). Ce mot, qui paraît appartenir exclusivement au style élevé, se dit en vers comme en prose, en parlant de l'air, du temps, des saisons l'inclémence de l'air, l'inclémence du temps, l'inclémence de la saison. Acad. Je supporte avec toi l'inclémence des airs.

VOLTAIRE, Mahomet, act. 11, sc. 4.

« Voudriez-vous, faquins, que j'allasse exposer l'embonpoint de mes plumes à l'inclémence de la les saison pluvieuse? » MOLIÈRE, Précieuses ridicules.

Ce mot, déplacé dans la bouche d'un valet, est cependant à propos dans celle de Mascarille, dont la

charge comique doit contribuer à faire ressortir ce ridicule du langage des précieuses.

Es rams noirs autans sifilaient avec furie;
Sende leurs cris aigus, ma sombre rêverie
gurat,
oubliait l'inclémence des airs.

LE BUN, Elégie vu, liv. a.
Potetes ses périls, les rigueurs de l'hiver,
Saris à réparer, l'inclémence de l'air.

DELILLE, trad. de l'Eneide, liv IV.

« Inclemence des airs, dit Voltaire, est ridicule dans une histoire, parce que le terme d'inclémence a son oriLine dans la colère du ciel qu'on suppose manifestée par l'intempérie, les dérangemens, les rigueurs des saisons, la violence du froid, la corruption de l'air, les tempêtes, les orages, les vapeurs pestilentielles, etc., en sorte qu'inclémence est une métaphore consacrée à la poésie. Diet. phil. tom. 111, au mot Diction

naire.

>>

Mais, comme l'a remarqué M, Laveaux, toute métaphore est-elle exclusivement consacrée à la poésie?

« On dit en poésie l'inclémence des dieux. Acad.

Il paraft que c'est à Racine que nous sommes redevables de cette dernière locution, et que le premier il a dit :

Tax dis que pour fléchir l'inclémence des dieux, il faut da sang peut-être, et du plus précieux. Iphigénie, act. 1, sc. 2.

Il aurait pu mettre la colère des dieur, mais il a cru sans doute, que Virclemence des dieux était plus beau et plus poétique. Je crois que M. Raane a raison, et je crois même qu'avec le temps inclémence pourra passer de la poésie à la prose. » BOUBots, Rem. nouv. sur la lang, franç. paz. 541, Paris, 1676.

Nous observerons, avec M. Féraud, que la prédiction du P. Bouhours n'a

at encore eu son accomplissement, et que l'inclémence des dieux, fort bien reçu en poésie, et dont Voltaire nous fournit aussi un exemple, ne serait point admis en prose. Je vas, je vais moi-même, accusant leur silence (le silence des dieux) Pe mes vœux redoublés flechir leur inclémence.

VOLTAIRE, OEdipe.

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Pourquoi ne dirait-on pas dans la haute poésie, l'inclémence du prince, l'inclémence du roi, comme on dit la clemence du prince, la clémence du roi, etc.

INCLÉMENT, ENTE, adj.

Nous disons clémence et inclémence, et aussi clément, pourquoi donc ne pas dire inclément? Ce privatif, que réclament le besoin et l'analogie, se trouve dans l'excellent Vocabulaire des nouveaux Privatifs français, par M. Ch. Pougens.

INCIDENT, s. m. du latin in, cadere (tomber au moment même).

« Si je n'eusse pas été la reine des incidens, par la peur que j'avais de conclure.» Mme DE SÉVIGNÉ.

INCLINATION, s. f. bonnes inclinations, vestras indoles; c'était le titre qu'on donnait autrefois aux princes, mais plus ordinairement lorsqu'ils étaient jeunes.

INCLINER, . composé de cliner, du latin clinare, inclinare (pencher); venu du grec xxivety ( klinéin ) baisser, courber, incliner. Cliner nous a aussi cligner pour cliner dans le Roman donné le composé décliner. On lit du Renard (13e siècle), ancien mot qui reparait dans cette expression cligner les yeux.

Sor le buisson s'abaisse et cline (se courbe).
Du Convoiteux et de l'Envieux, mss. de
Saint-Germain, no 1830, v. 39.

« Ah! ah! royaume d'Escosse,

En parlant des vers de Racine, vous clinerez d'un costé à cause de

ceste irrécupérable perte. » PERCEFOREST, vol. iv, fol. 23 vo, col. 2.

« Se cliner devant quelqu'un » pour s'incliner. » CL. MAROT, pag. 882, édit. de 1571.

« Comme si à ce roy là (Dieu), c'estoit plus et moins de remuer un empire, ou la feuille d'un arbre : et si sa providence s'exerçoit autrement inclinant l'événement d'une bataille, que le sault d'une puce. » MONT. liv. 11, ch. 12.

Mais Alète, en voyant ces traits majestueux,
Profondément incline un front respectueux.

BAOUR-LORMIAN, Jérusalem délivrée, ch. 11.

Et l'Olympe ébranlé s'incline avec ses dieux. Libre à la cour des rois, soumis, mais sans bas[sesse, Devant eux il (l'écrivain sage) s'incline et ja[mais ne s'abaisse. MILLEVOTE, l'Indépendance de l'homme de

lettres.

INCOERCIBLE, adj. qu'on ne peut maîtriser, du latin coercere (contenir). « Cet atôme, qu'on appelle le génie est un élément incoërcible. » DIDEROT, lettr. v, à Falconet.

INCOGNITO, mot italien fort usité dans notre langue. Vaugelas en parle comme d'un terme nouveau. Les Italiens venus avec Marie de Médicis, femme de Henri IV, l'avaient sans doute mis à la mode. La Mothe le Vayer ne pouvait pas le souffrir. Th. Corneille l'approuvait fort, et depuis long-temps il est bien établi.

Non, l'esprit des aimables sages

N'est point né pour les gros ouvrages
Souvent publics incognito.

GRESSET.

Heureus l'auteur marqué du sceau des coteries! Cent bouches vont prônant ses froides rêveries; De journal en journal son nom roule en écho : Il est, dès son vivant, grand homme... incognito. Laissons-le s'enivrer d'un stérile suffrage.

CHAUSSARD, Poctique secondaire, chant 1.

INCOMMODANT, ANTE, adj. qui incommode, importun, fâcheux.

« C'est, dit l'abbé Féraud, un de ces mots qu'on dit, et qu'on n'écrit pas. »

INCOMMODE, adj. Mascaron refusa de faire l'oraison funèbre de M. de Harlay, archevêque de Paris, sous prétexte qu'il était incommodé, « Mon

seigneur, lui dit l'évêque de Noyon, vous ne dites pas tout, c'est que la matière est incommode. »

Une femme écrivait à une de ses amies, qu'elle n'avait pu l'aller voir, parce que son mari était fort incommode; elle avait oublié l'accent aigu sur l'é; il n'en fallut pas davantage pour donner au pauvre mari la réputation d'un jaloux.

INCOMMODER, . du latin incommodare (nuire, incommoder).

«On incommode toujours les autres, quand on croit ne les pouvoir jamais assez incommoder. » LA ROCHEFOU

CAULD.

Dans les Précieuses ridicules, un des valets qui s'introduisent chez elles, et qu'on presse de faire des vers, dit qu'il est fort incommodé de la veine poétique. MOLIÈRE.

Le duc de Vivonne étant malade, on envoya chercher un médecin sans son ordre; il vint, on l'annonça au duc qui répondit : « Dites à cet homme qu'étant incommodé, je ne puis le voir. »

INCOMMUNICABLE, adj. mot créé par Balzac dans sa Lettre au cardinal Mazarin.

INCOMPRÉHENSIBILITÉ, s. f. C'est un mot que nous devons à Montaigne, de même que l'adj. incompréhensible, qui ne se trouve ni dans Nicot ni dans Cotgrave.

Catherine de Médicis fut caractérisée sons le titre de princesse incompréhensible.

Le Dr Hill disait d'un prédicateur anglais que ses dettes obligeaient de se tenir caché : « Il est invisible six jours de la semaine, et le septième il est incomprehensible. »

INCOMPRENABLE, adj. qu'on ne peut comprendre, «Aristote estime la forme de Dieu incomprenable

MONTAIGNE.

Selon toute apparence, ce mot a été forgé par Montaigne, mais il n'a pas eu un sort heureux.

INCONCLUANT, E, adj. « Cette objection est inconcluante, » PORTALIS. Mot qui serait utile.

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