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Page 145. Le peuple a des opinions très saines par exemple, d'avoir choisi le divertissement et la chasse plutôt que la poésie.

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Il semble qu'on ait proposé au peuple de jouer à la boule ou de faire DES VERS. Non, mais ceux qui ont des organes grossiers cherchent des plaisirs où l'âme n'entre pour rien; ceux qui ont un sentiment plus délicat veulent des plaisirs plus fins : il faut que tout le monde vive. V.

Page 148. Le port règle ceux qui sont dans le vaisseau; mais où trouverons-nous ce point dans la morale?

Dans cette seule maxime, reçue de toutes les nations: Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fit. V.

Page 149. Le paragraphe VI.

Un certain peuple a eu une loi par laquelle on faisait pendre un homme qui avait bu à la santé d'un certain prince: il eût été juste de ne point boire avec cet homme,+ mais il était un peu dur de le pendre: cela était établi, mais cela était abominable. V.

Page 149. Sans doute que l'égalité des biens est juste.

L'égalité des biens n'est pas juste. Il n'est pas juste que, les parts étant faites, des étrangers mercenaires, qui viennent m'aider à faire mes moissons, en recueillent autant que moi. V.

Page 150. Ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste.

Pascal semble se rapprocher ici des idées de Hobbes,

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et le plus dévot des philosophes de son siècle est, sur la nature du juste et de l'injuste, du même avis que le plus irréligieux. C.

Page 151. Tout le paragraphe X.

Selon Platon, les bonnes lois sont celles que les citoyens aiment plus que leur vie; l'art de faire aimer aux hommes les lois de leur patrie était, selon lui, le grand art des législateurs. Il y a loin d'un philosophe d'Athènes à un philosophe du faubourg Saint-Jacques. C.

Page 153. L'extrême esprit est accusé de folie comme l'extrême défaut.

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Ce n'est pas l'extrême esprit, c'est l'extrême vivacité et volubilité de l'esprit qu'on accuse de folie ; l'extrème esprit est l'extrême justesse, l'extrême finesse ; l'extrême étendue opposée diametralement à la folie. L'extrême défaut d'esprit est un manque de conception, un vide d'idées; ce n'est point la folie, c'est la stupidité. La folie est un dérangement dans les organes, qui fait voir plusieurs objets trop vite, ou qui arrête l'imagination sur un seul avec trop d'application et de violence. Ce n'est point non plus la médiocrité qui passe pour bonne, c'est l'éloignement des deux vices opposés ; c'est ce qu'on appelle JUSTE MILIEU, et non MÉDIOCRITÉ. On ne fait cette remarque, et quelques autres dans ce goût, que pour donner des idées précises. C'est plutôt pour éclaircir que pour contredire. V.

Page 155. Les belles actions cachées sont les plus estimables. Quand j'en vois quelques unes dans l'histoire, elles me plaisent fort. Mais enfin elles n'ont pas été tout à fait cachées, puisqu'elles ont été sues; et ce peu par où elles ont paru en di

minue le mérite car c'est là le plus beau, d'avoir voulu les cacher (*).

Voici une action dont la mémoire mérite d'être conservée, et à qui il ne me parait pas possible qu'on puisse appliquer la réflexion de Pascal.

Le vaisseau que montait le chevalier de Lordat, était prêt à couler à fond à la vue des côtes de France. Il ne savait pas nager; un soldat, excellent nageur, lui dit de se jeter avec lui dans la mer, de le tenir par la jambe, et qu'il espère le sauver par ce moyen. Après avoir longtemps nagé, les forces du soldat s'épuisent, M. de Lordat s'en aperçoit, l'encourage; mais enfin le soldat lui déclare qu'ils vont périr tous deux. -Et si tu étais seul? Peut-être pourrais-je encore me sauver. Le chevalier de Lordat lui lâche la jambe et tombe au fond de la mer. C.

Et comment l'histoire en a-t-elle pu parler, si on ne les a pas sues? V.

Page 158. Pourquoi faire plutôt quatre espèces de vertus que dix?

On a remarqué dans un abrégé de l'Inde et de la guerre misérable que l'avarice de la compagnie française soutint contre l'avarice anglaise; on a remarqué, dis-je, que les Brames peignent la vertu belle et forte avec dix bras, pour résister à dix péchés capitaux. Les missionnaires ont pris la vertu pour le diable. V.

Page 158. Tout le paragraphe XXXI.

Il est faux que les petits soient moins agités que les

(*) Le plus beau serait de ne songer ni à les montrer, ni à les cacher. C.

grands. Au contraire, leurs désespoirs sont plus vifs, parce qu'ils ont moins de ressources. De cent personnes qui se tuent à Londres et ailleurs, il y en a quatre-vingtdix-neuf du bas peuple, et à peine une de condition relevée. La comparaison de la roue est ingénieuse et fausse. V. Page 159. Tout le paragraphe XXXIII.

Il aurait fallu dire d'ÊTRE AUSSI VICIEUX QUE LUI (*); cet article est trop trivial et indigne de Pascal. Il est clair que, si un homme est plus grand que les autres, ce n'est pas parce que ses pieds sont aussi bas, mais parce que sa tête est plus élevée. V.

Page 164. Paragraphe XLVII.

L'on s'imagine d'ordinaire qu'Alexandre et César sont sortis de chez eux dans le dessein de conquérir la terre : ce n'est point cela. Alexandre succéda à Philippe dans le généralat de la Grèce, et fut chargé de la juste entreprise de venger les Grecs des injures du roi de Perse; il battit l'ennemi commun, et continua ses conquêtes jusqu'à l'Inde, parce que le royaume de Darius s'étendait jusqu'à l'Inde de même que le duc de Marlborough serait venu jusqu'à Lyon sans le maréchal de Villars. A l'égard de César, il était un des premiers de la république : il se brouilla avec Pompée, comme les jansenistes avec les nolinistes, et alors ce fut à qui s'exterminerait : une seule bataille, où il n'y eut pas dix mille hommes de tués, décida de tout. Au reste, la pensée de Pascal est peutêtre fausse en un sens. Il fallait la maturité de César

(*) Ce paragraphe, tronqué dans l'édition de Condorcet, a motivé la correction de Voltaire, qui devient sans objet dans ce texte, rectifié sur le manuscrit de l'auteur. R.

pour se démêler de tant d'intrigues; et il est peut-être étonnant qu'Alexandre, à son age, ait renoncé au plaisir pour faire une guerre si pénible. V.

Page 165. En écrivant ma pensée, elle m'échappe quelquefois, etc.

Les idées de Platon sur la nature de l'homme sont

bien plus philosophiques que celles de Pascal. Platon regardait l'homme comme un être qui naît avec la faculté de recevoir des sensations, d'avoir des idées, de sentir du plaisir et de la douleur; les objets que le hasard lui présente, l'éducation, les lois, le gouvernement, la religion, agissent sur lui, et forment son intelligence, ses opinions, ses passions, ses vertus et ses vices. Il ne serait rien de ce que nous disons que la nature l'a fait, si tout cela avait été autrement. Soumettons-le à d'autres agens, et il deviendra ce que nous voudrons qu'il soit, ce qu'il faudrait qu'il fût pour son bonheur, et pour celui de ses semblables; qui osera fixer des termes à ce que l'homme pourrait faire de grand et de beau? Mais ne négligeons rien. C'est l'homme tout entier qu'il faut former, et il ne faut abandonner au hasard, ni aucun instant de sa vie, ni l'effet d'aucun des objets qui peuvent agir sur lui (*). C.

Page 166. Platon et Aristote.... étaient d'hon

(*) Platon n'a point eu ces idées, monsieur, c'est vous qui les avez. Platon fit de nous des androgynes à deux corps, donna des ailes à nos âmes et les leur ôta. Platon rêva sublimement, comme je ne sais quels autres écrivains ont révé bassement. V.

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