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Auquel cas, où l'honneur d'une telle aventure?
On nous veut attraper dedans cette écriture;
Ce sera quelque énigme à tromper un enfant:
C'est pourquoi je vous laisse avec votre éléphant.
Le raisonneur parti, l'aventureux se lance,
Les yeux clos, à travers cette eau.
Ni profondeur ni violence

Ne purent l'arrêter; et, selon l'écriteau,
Il vit son éléphant couché sur l'autre rive.

Il le prend, il l'emporte, au haut du mont arrive.
Rencontre une esplanade, et puis une cité.
Un cri par l'éléphant est aussitôt jeté :

Le peuple aussitôt sort en armes.
Tout autre aventurier, au bruit de ces alarmes,
Auroit fui: celui-ci, loin de tourner le dos,
Veut vendre au moins sa vie, et mourir en héros.
Il fut tout étonné d'ouïr cette cohorte

Le proclamer monarque au lieu de son roi mort.
Il ne se fit prier que de la bonne sorte;
Encor que le fardeau fût, dit-il, un peu fort.
Sixte en disoit autant quand on le fit saint père:
(Seroit-ce bien une misère

Que d'être pape ou d'être roi?)

On reconnut bientôt son peu de bonne foi.

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A l'heure de l'affût, soit lorsque la lumière
Précipite ses traits dans l'humide séjour,
Soit lorsque le soleil rentre dans sa carrière,
Et que, n'étant plus nuit, il n'est pas encor jour,
Au bord de quelque bois, sur un arbre je grimpe,
Et, nouveau Jupiter, du haut de cet olympe,

Je foudroie à discrétion

Un lapin qui n'y pensoit guère.

Je vois fuir aussitôt toute la nation

Des lapins, qui, sur la bruyère,
L'œil éveillé, l'oreille au guet,

S'égayoient, et de thym parfumoient leur banquet.
Le bruit du coup fait que la bande
S'en va chercher sa sûreté
Dans la souterraine cité:

Mais le danger s'oublie, et cette peur si grande
S'évanouit bientôt ; je revois les lapins,
Plus gais qu'auparavant, revenir sous mes mains.

Ne reconnoît-on pas en cela les humains?
Dispersés par quelque orage,

A peine ils touchent le port,
Qu'ils vont hasarder encor
Même vent, même naufrage:
Vrais lapins, on les revoit

Sous les mains de la Fortune.

Joignons à cet exemple une chose commune.

Quand des chiens étrangers passent par quelque endroit Qui n'est pas de leur détroit,

Je laisse à penser quelle fête ! Les chiens du lieu, n'ayant en tête Qu'un intérêt de gueule, à cris, à coups de dents Vous accompagnent ces passants Jusqu'aux confins du territoire.

A

Un intérêt de bien, de grandeur et de gloire
Aux gouverneurs d'états, à certains courtisans,
gens de tous métiers, en fait tout autant faire.
On nous voit tous, pour l'ordinaire,
Piller le survenant, nous jeter sur sa peau.
La coquette et l'auteur sont de ce caractère:
Malheur à l'écrivain nouveau!

Le moins de gens qu'on peut à l'entour du gâteau,
C'est le droit du jeu, c'est l'affaire.
Cent exemples pourroient appuyer mon discours;
Mais les ouvrages les plus courts

Sont toujours les meilleurs. En cela j'ai pour guide
Tous les maîtres de l'art, et tiens qu'il faut laisser
Dans les plus beaux sujets quelque chose à penser:
Ainsi ce discours doit cesser.

Vous qui m'avez donné ce qu'il a de solide,
Et dont la modestie égale la grandeur,
Qui ne pûtes jamais écouter sans pudeur
La louange la plus permise,

La plus juste et la mieux acquise;
Vous enfin, dont à peine ai-je encore obtenu
Que votre nom reçût ici quelques hommages,
Du temps et des censeurs défendant mes ouvrages,
Comme un nom qui, des ans et des peuples connu,
Fait honneur à la France,en grands noms plus féconde
Qu'aucun climat de l'univers,

Permettez-moi du moins d'apprendre à tout le monde Que vous m'avez donné le sujet de ces vers.

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Quatre chercheurs de nouveaux mondes, Presque nus, échappés à la fureur des ondes, Un trafiquant, un noble, un pâtre, un fils de roi, Réduits au sort de Bélisaire 1, Demandoient aux passants de quoi Pouvoir soulager leur misère.

De raconter quel sort les avoit assemblés,
Quoique sous divers points tous quatre ils fussent nés,
C'est un récit de longue haleine.

Ils s'assirent enfin au bord d'une fontaine :
Là le conseil se tint entre les pauvres gens.
Le prince s'étendit sur le malheur des grands.
Le pâtre fut d'avis qu'éloignant la pensée

Bélisaire étoit un grand capitaine, qui, ayant commandé les armées de l'empereur et perdu les bonnes graces de son maître, tomba dans un tel point de misère qu'il demandoit l'aumône sur les grands chemins.

De leur aventure passée,
Chacun fit de son mieux, et s'appliquât au soin
De pourvoir au commun besoin.

La plainte, ajouta-t-il, guérit-elle son homme?
Travaillons: c'est de quoi nous mener jusqu'à Rome.
Un patre ainsi parler! Ainsi parler? croit-on
Que le ciel n'ait donné qu'aux têtes couronnées
De l'esprit et de la raison;

Et que de tout berger, comme de tout mouton,
Les connaissances soient hornées?
L'avis de celui-ci fut d'abord trouvé bon
Par les trois échoués aux bords de l'Amérique.
L'un, c'étoit le marchand, savoit l'arithmétique:
A tant par mois, dit-il, j'en donnerai leçon.

J'enseignerai la politique,

Reprit le fils de roi. Le noble poursuivit :
Moi, je sais le blason; j'en veux tenir école;
Comme si, devers l'Inde, on eût eu dans l'esprit
La sotte vanité de ce jargon frivole!

Le pâtre dit: Amis, vous parlez bien; mais quoi!

Le mois a trente jours: jusqu'à cette échéance
Jeûnerons-nous, par votre foi?
Vous me donnez une espérance
Belle, mais éloignée, et cependant j'ai faim.
Qui pourvoira de nous au dîner de demain?
Ou plutôt sur quelle assurance
Fondez-vous, dites-moi, le souper d'aujourd'hui ?
Avant tout autre, c'est celui

Dont il s'agit. Votre science

Est courte là-dessus : ma main y suppléera.
A ces mots le pâtre s'en va

Dans un bois : il y fit des fagots dont la vente,
Pendant cette journée et pendant la suivante,
Empêcha qu'un long jeûne à la fin ne fit tant
Qu'ils allassent là bas exercer leur talent.

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FIN DU LIVRE DIXIÈME.

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Sultan léopard autrefois

Eut, ce dit-on, par mainte aubaine,

Pourquoi l'irritez-vous ? La chose est sans remède.
En vain nous appelons mille gens à notre aide :
Plus ils sont, plus il coûte; et je ne les tiens bons
Qu'à manger leur part des moutons.
Apaisez le lion seul il passe en puissance

:

Ce monde d'alliés vivant sur notre bien.

Force bœufs dans ses prés, force cerfs dans ses bois, Le lion en a trois qui ne lui coûtent rien,

Force moutons parmi la plaine.

Il naquit un lion dans la forêt prochaine.
Après les compliments et d'une et d'autre part,
Comme entre grands il se pratique,

Le sultan fit venir son visir le renard,

Vieux routier et bon politique.

Tu crains, ce lui dit-il, lionceau mon voisin :
Son père est mort; que peut-il faire?
Plains plutôt le pauvre orphelin.
Il a chez lui plus d'une affaire;

Et devra beaucoup au Destin,

S'il garde ce qu'il a sans tenter de conquête.
Le renard dit, branlant la tête:

Tels orphelins, seigneur, ne me font point pitié;
Il faut de celui-ci conserver l'amitié,

Ou s'efforcer de le détruire

Avant que la griffe et la dent

Lui soit crue, et qu'il soit en état de nous nuire. N'y perdez pas un seul moment.

J'ai fait son horoscope: il croîtra par la

Ce sera le meilleur lion

Pour ses amis, qui soit sur terre : Tâchez donc d'en être, sinon

guerre;

Tâchez de l'affaiblir. La harangue fut vaine.
Le sultan dormoit lors; et dedans son domaine
Chacun dormoit aussi, bêtes, gens: tant qu'enfin
Le lionceau devint vrai lion. Le tocsin
Sonne aussitôt sur lui; l'alarme se promène
De toutes parts; et le visir,
Consulté là dessus, dit avec un soupir:

Son courage, sa force, avec sa vigilance.
Jetez-lui promptement sous la griffe un mouton;
S'il n'en est pas content, jetez-en davantage :
Joignez-y quelque bœuf; choisissez, pour ce don,
Tout le plus gras du pâturage.

Sauvez le reste ainsi. Ce conseil ne plut pas.
Il en prit mal; et force états
Voisins du sultan en pâtirent:
Nul n'y gagna, tous y perdirent.
Quoi que fit ce monde ennemi,
Celui qu'ils craignoient fut le maître.

Proposez-vous d'avoir le lion pour ami
Si vous voulez le laisser craître.

FABLE II.

LES DIEUX VOULANT INSTRUIRE UN FILS DE JUPITER.

POUR MONSEIGNEUR LE DUC DU MAINE.
Jupiter eut un fils qui, se sentant du lieu
Dont il tiroit son origine,
Avoit l'ame toute divine.

L'enfance n'aime rien : celle du jeune dieu
Faisoit sa principale affaire

Des doux soins d'aimer et de plaire.
En lui l'amour et la raison

evancèrent le temps, dont les ailes légères

N'amènent que trop tôt, hélas! chaque saison.
Flore aux regards riants, aux charmantes manières,
Toucha d'abord le cœur du jeune Olympien.
Ce que la passion peut inspirer d'adresse,
Sentiments délicats et remplis de tendresse,
Pleurs, soupirs, tout en fut: bref, il n'oublia rien.
Le fils de Jupiter devoit, par sa naissance,
Avoir un autre esprit, et d'autres dons des cieux,
Que les enfants des autres dieux :
Il sembloit qu'il n'agît que par réminiscence,
Et qu'il eût autrefois fait le métier d'amant,
Tant il le fit parfaitement!

Jupiter cependant voulut le faire instruire.
Il assembla les dieux, et dit : J'ai su conduire,
Seul et sans compagnon, jusqu'ici l'univers;
Mais il est des emplois divers

Qu'aux nouveaux dieux je distribue.
Sur cet enfant chéri j'ai donc jeté la vue:
C'est mon sang; tout est plein déjà de ses autels.
Afin de mériter le rang des immortels,

Il faut qu'il sache tout. Le maître du tonnerre
Eut à peine achevé que chacun applaudit.
Pour savoir tout, l'enfant n'avoit que trop d'esprit.
Je veux, dit le dieu de la guerre,
Lui montrer moi-même cet art
Par qui maints héros ont eu part
Aux honneurs de l'Olympe et grossi cet empire.
Je serai son maître de lyre,

Dit le blond et docte Apollon.

Et moi, reprit Hercule à la peau de lion,

Son maître à surmonter les vices,

A dompter les transports, monstres empoisonneurs,
Comme hydres renaissants sans cesse dans les cœurs:
Ennemi des molles délices,

Il apprendra de moi les sentiers peu battus
Qui mènent aux honneurs sur les pas des vertus.
Quand ce vint au dieu de Cythère,
Il dit qu'il lui montreroit tout.

L'Amour avoit raison. De quoi ne vient à bout L'esprit joint au désir de plaire?

ummmmmmmmmmmmmmmmmmmmm

FABLE III.

LE FERMIER, LE CHIEN, ET LE RENARD.

Le loup et le renard sont d'étranges voisins:
Je ne bâtirai point autour de leur demeure.
Ce dernier guettoit à toute heure

Les poules d'un fermier; et, quoique des plus fins,
Il n'avoit pu donner d'atteinte à la volaille.
D'une part l'appétit, de l'autre le danger,
N'étoient pas au compère un embarras léger.

Hé quoi! dit-il, cette canaille
Se moque impunément de moi!
Je vais, je viens, je me travaille,
J'imagine cent tours : le rustre, en paix chez soi,
Vous fait argent de tout, convertit en monnoie
Ses chapons, sa poulaille; il en a même au croc;
Et moi, maître passé, quand j'attrape un vieux coq,
Je suis au comble de la joie!
Pourquoi sire Jupin m'a-t-il donc appelé
Au métier de renard? Je jure les puissances
De l'Olympe et du Styx, il en sera parlé.

Roulant en son cœur ces vengeances,

Il choisit une nuit libérale en pavots:
Chacun étoit plongé dans un profond repos.

Le maître du logis, les valets, le chien même, Poules, poulets, chapons, tout dormoit. Le fermier, Laissant ouvert son poulailler,

Commit une sottise extrême.

Le voleur tourne tant qu'il entre au lieu guetté.
Le dépeuple, remplit de meurtres la cité.
Les marques de sa cruauté

Parurent avec l'aube : on vit un étalage
De corps sanglants et de carnage.
Peu s'en fallut que le soleil

Ne rebroussât d'horreur vers le manoir liquide.
Tel, et d'un spectacle pareil,

Apollon, irrité contre le fier Atride,

Joncha son camp de morts: on vit presque détruit L'ost des Grecs; et ce fut l'ouvrage d'une nuit. Tel encore autour de sa tente

Ajax, à l'ame impatiente,

De moutons et de boucs fit un vaste débris,
Croyant tuer en eux son concurrent Ulysse
Et les auteurs de l'injustice

usage..

Par qui l'autre emporta le prix. Le renard, autre Ajax aux volailles funeste, Emporte ce qu'il peut, laisse étendu le reste. Le maître ne trouva de recours qu'à crier Contre ses son chien: gens, c'est l'ordinaire Ah! maudit animal, qui n'es bon qu'à noyer, Que n'avertissois-tu dès l'abord du carnage!. Que ne l'évitiez-vous? c'eût été plus tôt fait: Si vous, maître et fermier, à qui touche le fait, Dormez sans avoir soin que la porte soit close, Voulez-vous que moi, chien, qui n'ai rien à la chose, Sans aucun intérêt je perde le repos?

Ce chien parloit très à propos :

Son raisonnement pouvoit être
Fort bon dans la bouche d'un maître,
Mais, n'étant que d'un simple chien,
On trouva qu'il ne valoit rien :

On vous sangla le pauvre drille.

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Jadis certain Mogol vit en songe un visir
Aux champs Élysiens possesseur d'un plaisir
Aussi pur qu'infini, tant en prix qu'en durée :
Le même songeur vit en une autre contrée

Un ermite entouré de feux,
Qui touchoit de pitié même les malheureux.
Le cas parut étrange, et contre l'ordinaire:
Minos en ces deux morts sembloit s'être mépris.
Le dormeur s'éveilla, tant il en fut surpris!
Dans ce songe pourtant soupçonnant du mystère,
Il se fit expliquer l'affaire.
L'interprète lui dit : Ne vous étonnez point;
Votre songe a du sens; et, si j'ai sur ce point
Acquis tant soit peu d'habitude,

C'est un avis des dieux. Pendant l'humain séjour
Ce visir quelquefois cherchoit la solitude;
Cet ermite aux visirs alloit faire sa cour.

Si j'osois ajouter au mot de l'interprète,
J'inspirerois ici l'amour de la retraite :
Elle offre à ses amants des biens sans embarras,
Biens purs, présents du ciel, qui naissent sous les pas.
Solitude où je trouve une douceur secrète,
Lieux que j'aimai toujours, ne pourrai-je jamais
Loin du monde et du bruit goûter l'ombre et le frais!
Oh! qui m'arrêtera sous vos sombres asiles? [les,
Quand pourront les neuf Sœurs, loin des cours et des vil-
M'occuper tout entier, et m'apprendre des cieux
Les divers mouvements inconnus à nos yeux,
Les noms et les vertus de ces clartés errantes
Par qui sont nos destins et nos mœurs différentes!
Que si je ne suis né pour de si grands projets,
Du moins que les ruisseaux m'offrent de doux objets!
Que je peigne en mes vers quelque rive fleurie!
La Parque à filets d'or n'ourdira point ma vie,
Je ne dormirai point sous de riches lambris :
Mais voit-on que le somme en perde de son prix ?
En est-il moins profond, et moins plein de délices?
Je lui voue au désert de nouveaux sacrifices.
Quand le moment viendra d'aller trouver les morts,
J'aurai vécu sans soins, et mourrai sans remords.

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Le singe, maître-ès-arts chez la gent animale. La première leçon que donna le régent

Fut celle-ci: Grand roi, pour régner sagement,
Il faut que tout prince préfère

Le zèle de l'état à certain mouvement
Qu'on appelle communément
Amour-propre; car c'est le père,
C'est l'auteur de tous les défauts
Que l'on remarque aux animaux.

Vouloir

que de tout point ce sentiment vous quitte, Ce n'est pas chose si petite

Qu'on en vienne à bout en un jour :

C'est beaucoup de pouvoir modérer cet amour.
Par là votre personne auguste
N'admettra jamais rien en soi
De ridicule ni d'injuste.
Donne-moi, repartit le roi,
Des exemples de l'un et l'autre.
Toute espèce, dit le docteur,
Et je commence par la nôtre,

Toute profession s'estime dans son cœur,
Traite les autres d'ignorantes,

Les qualifie impertinentes;

Et semblables discours qui ne nous coûtent rien.
L'amour-propre, au rebours,fait qu'au degré suprême
On porte ses pareils; car c'est un bon moyen
De s'élever aussi soi-même.

De tout ce que dessus j'argumente très bien
Qu'ici bas maint talent n'est que pure grimace,
Cabale, et certain art de se faire valoir,
Mieux su des ignorants que des gens de savoir.

L'autre jour, suivant à la trace

Deux ânes qui, prenant tour à tour l'encensoir,
Se louoient tour à tour, comme c'est la manière,
J'ouïs que
l'un des deux disoit à son confrère :

Seigneur, trouvez-vous pas bien injuste et bien sot L'homme, cet animal si parfait? il profane

Notre auguste nom, traitant d'âne
Quiconque est ignorant, d'esprit lourd, idiot:
Il abuse encore d'un mot,

Et traite notre rire et nos discours de braire.
Les humains sont plaisants de prétendre exceller
Par dessus nous! Non, non; c'est à vous de parler,
A leurs orateurs de se taire :

Voilà les vrais braillards. Mais laissons là ces gens :
Vous m'entendez, je vous entends;

Il suffit. Et quant aux merveilles Dont votre divin chant vient frapper les oreilles, Philomèle est, au prix, novice dans cet art: Vous surpassez Lambert. L'autre baudet repart: Seigneur, j'admire en vous des qualités pareilles. Ces ânes, non contents de s'être ainsi grattés, S'en allèrent dans les cités

L'un l'autre se prôner: chacun d'eux croyoit faire, En prisant ses pareils, une fort bonne affaire, Prétendant que l'honneur en reviendroit sur lui.

J'en connois beaucoup aujourd'hui,
Non parmi les baudets, mais parmi les puissances,
Que le ciel voulut mettre en de plus hauts degrés,
Qui changeroient entre eux les simples excellences,
S'ils osoient, en des majestés.

J'en dis peut-être plus qu'il ne faut, et suppose
Que votre majesté gardera le secret.
Elle avoit souhaité d'apprendre quelque trait
Qui lui fit voir, entre autre chose,
L'amour-propre donnant du ridicule aux gens.
L'injuste aura son tour : il y faut plus de temps.
Ainsi parla ce singe. On ne m'a pas su dire
S'il traita l'autre point, car il est délicat;
Et notre maître ès arts, qui n'étoit pas un fat,
Regardoit ce lion comme un terrible sire.

mmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmm

FABLE VI.

LE LOUP ET LE RENARD.

Mais d'où vient qu'au renard Ésope accorde un point,
C'est d'exceller en tours pleins de matoiserie?
J'en cherche la raison et ne la trouve point.
Quand le loup a besoin de défendre sa vie,
Ou d'attaquer celle d'autrui,

N'en sait-il pas autant
que lui?

Je crois qu'il en sait plus; et j'oserois peut-être
Avec quelque raison contredire mon maître.
Voici pourtant un cas où tout l'honneur échut
A l'hôte des terriers. Un soir il aperçut

La lune au fond d'un puits : l'orbiculaire image
Lui parut un ample fromage.

Deux seaux alternativement
Puisoient le liquide élément:

Notre renard, pressé par une faim canine,
S'accommode en celui qu'au haut de la machine
L'autre seau tenoit suspendu.

Voilà l'animal descendu,

Tiré d'erreur, mais fort en peine,

En voyant sa perte prochaine :

Car comment remonter, si quelque autre affamé
De la même image charmé,

Et succédant à sa misère,

Par le même chemin ne le tiroit d'affaire?

Deux jours s'étoient passés sans qu'aucun vint au puits.

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