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Comme pronom, il remplace un nom, lequel est 1° un neutre, ceci, cela, cette chose ou ces choses, toujours précédé de de de ceci, de cela, etc.: Cette question est obscure, l'explication en est difficile. Savez-vous cela! J'en ai entendu

parler.

2o. Ou bien une personne, et signifie: de lui, d'elle, d'eux, d'elles. Molière dit du médecin : "Le bon de cette profession, c'est qu'il y a parmi les morts une honnêteté, une discrétion la plus grande du monde, et jamais on n'en voit se plaindre du médecin qui l'a tué." On ne voit de mort, ou on ne voit aucun d'eux.

3°. En remplace toute une proposition qui précède:

"Si la curiosité me prenait de savoir si ces propositions sont dans Jansénius, son livre n'est pas si rare ni si gros que je ne le puisse lire tout entier pour m'en éclaircir, sans en consulter la Sorbonne." - PASCAL.

Faut-il vous parler de la place de en dans la phrase? Non, monsieur, la pratique de la langue nous l'a enseignée. · Oui; cependant voici des exemples qui résument tous les cas. Je parle de fleurs: J'en cueille, j'en ai cueilli; cueilles-en, cueillez-en, cueillons-en; n'en cueille pas, n'en cueillons pas; je vous en ai cueilli, je lui en ai cueilli; cueillez-nous-en et donnez-nous-en; donne-m'en, donne-leur-en et donne-t-en à, toi-même.

Remarquez que quand en est joint à y, il se met toujours après y Y avait-il de vos amies au concert? Je n'y en ai pas vu, je crois qu'il n'y en avait pas, je souhaiterais y en avoir vu. Allez-vous au concert ce soir? Oui, je m'y en vais. Pouvons-nous dire j'y vais?

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- Sans doute, et c'est autre

chose; je vous donne seulement le cas de en et y réunis. Il nous reste à étudier y.

1o. Il est avant tout adverbe, je l'ai dit, puisqu'il représente IBI là. Allez-y est synonyme de allez là, dans cet endroit.

Comme en répond à la question UNDE des Latins, d'où, y répond aux questions UBI et QUO: Où est-il? Est-il ici? il y est. Où va-t-il? va-t-il à New York? Il y va. Et aussi interrogativement, quand le lieu a été nommé auparavant: Y est-il ? y va-t-il ?

2.o Après sa première signification adverbiale et étymologique, y, comme en, passe tout de suite à son sens pronominal. Il devient pronom relatif. En signifie d'abord de ce lieu, et puis pronominalement, de ceci, de cela. De même y signifie d'abord en ce lieu, en cet endroit, et prénd ensuite le sens pronominal, en ceci, en cela, en cette chose. Je parle de l'Iliade: tout y prouve l'unité de composition. Voltaire dit: "Une

mouche, ayant vu un jour une hirondelle, qui, en volant, emportait des toiles d'araignée, en voulut faire autant: elle y fut prise." Elle fut prise en cela, dans cette chose, la toile d'araignée.

3°. On s'éloigne ensuite du sens étymologique de y, et de même qu'on le dit des choses, on le dit des personnes. Nous avons noté le même fait dans l'emploi de en: Vous admirez beaucoup le génie de Macaulay; pour ma part j'y en vois peu. C'est-à-dire je vois peu de génie en lui.

Voilà deux significations pronominales de y, où entre la préposition en, comme elle était dans l'adverbe: en ce lieu; en ceci, en cette chose; en lui. Dans un nouveau sens, le en de la signification adverbiale disparaît et est remplacé par Y pronom signifie donc 4° à ceci, à cela, à cette chose, et 5° à lui, à elle, à eux. Voici des exemples des deux cas : vous le dites et je n'y contredis pas. Je ne puis oublier mon malheur, j'y pense toujours. Vous pensez trop à lui; n'y pensez plus, c'est un ingrat. 6°. Y, comme en, peut représenter un membre de phrase, ou une phrase entière, Mme. de Sévigné écrit à sa fille: "J'achève tous les livres et vous les commencez; cela s'ajusterait fort bien si nous étions ensemble. Ah! ma bonne, c'est dommage que nous n'y sommes quelquefois du moins."

7°. Y signifie chez quelqu'un ou avec quelqu'un : DemeurezJe ne reçois pas

vous chez votre frère? J'y demeure.

aujourd'hui, je n'y suis pour personne.

Quant à la place de y, je vous l'indique par ces exemples: Nous allons au théâtre, venez-y avec nous; nous n'y allons pas je vous y conduirai; menez-m'y; vas-y, et j'y irai; mènes-y-moi; je t'ai dit que j'y irais. On supprime souvent y dans cette dernière phrase pour éviter l'hiatus. C'est une fausse délicatesse d'oreille.

Nous aborderons demain le pronom indéfini. Adieu, mesdames.

XVII.

LE PRONOM INDÉFINI ET L'ADJECTIF INDÉFINI.

Nous voici arrivés à notre dernière étude des pronoms et des adjectifs, mesdames, aux indéfinis. Ils ont été tout particulièrement mal compris et mal traités par les grammairiens. M. Littré lui-même semble ignorer souvent la différence qu'il y a entre un adjectif, un pronom et un substantif, quand il traite les indéfinis. La question est trèsdifficile; je réclame en conséquence toute votre attention.

Le caractère des indéfinis est, comme le terme l'indique, de donner aux choses une signification non définie. Les indéfinis ne particularisent pas, ne déterminent pas. Des mots comme quiconque, autrui, on, personne, ne marquent pas clairement l'extension qu'ils expriment (je vous ai expliqué ce terme. Voyez p. 49). Ils ne sont pas définis.

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Je vais appeler les indéfinis devant vous, mesdames, et m'efforcer de vous montrer qu'ils sont vraiment indéfinis, et de vous faire reconnaître ceux d'entre eux qui sont adjectifs et ceux qui sont pronoms. Vous nous avez donné la clef, monsieur, pour reconnaître les adjectifs des pronoms: les premiers sont compagnons des noms, les derniers sont remplaçants. Employez toujours cette clef, mademoiselle. Si M. Littré l'avait eue, il n'aurait pas commis les erreurs qui étonnent dans son admirable dictionnaire.

Un premier indéfini est on. C'est le plus grand, le plus riche de nos indéfinis, je puis ajouter, le plus riche que pos

sède aucune langue moderne, une puissante beauté du français. Vous savez combien son équivalent vous manque en anglais, et dans quelle pauvreté vous vous trouvez à cet égard. Vous n'avez aucun moyen de rendre pleinement, exactement, avec tout l'indéfini qui est désirable, ce que nous exprimons par ces deux lettres on. Cet indéfini est dans votre esprit, dans votre pensée, comme dans la nôtre, vous sentez comme nous le besoin de le produire dans votre langage. Vous ne trouvez rien. Vous dites par exemple THEY SAY; mais THEY est un pluriel, et non pas l'indéfini sans genre ni nombre; vous dites ONE SAYS, mais ONE est singulier et trop déterminé. Nous avons en outre, I AM TOLD, IT IS Oui, ce sont des passifs que vous employez en désespoir de ne savoir comment exprimer votre pensée. vrai, monsieur. J'ai parlé de l'anglais non-seulement pour signaler un avantage de notre langue, ce qu'il convient de faire dans une grammaire française, mais encore pour mieux marquer la nature indéfinie du pronom on. Il n'est ni du masculin, ni du féminin, ni du pluriel, ni du singulier; il représente un être collectif, un je ne sais qui, et un je ne sais combien.

SAID.

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C'est

D'où vient dans le français ce précieux petit mot? - Du latin qui cette fois nous a donné, chose étrange, plus qu'il ne possédait, car il n'avait pas lui-même cet indéfini, et était réduit à employer comme vous un pluriel DICUNT ou un passif DICITUr.

HOMINEM.

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Vous connaissez le mot latin HOмO qui fait à l'accusatif Oui, il signifie homme. De l'accusatif HOMINEM le français tira homme, et du nominatif HOMO il fit d'abord hom, qui devint om, puis on. On fut dans le principe traité comme synonyme de homme, et considéré comme un substantif. — M. Littré l'appelle encore un substantif. — C'est une de ses distractions, madame. Il dit que on est un substantif abstrait, comme l'est, par exemple, la grandeur. On

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