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XII.

ADJECTIF POSSESSIF ET PRONOM POSSESSIF.

LES adjectifs possessifs sont mon, ton, son, notre, votre, leur, pour le masculin singulier; ma, ta, sa, notre, votre, leur, pour le féminin singulier; mes, tes, ses, nos, vos, leurs, pour le pluriel des deux genres.

C'est le cas-régime de la vieille langue qui nous est resté dans mon, ma, etc. Ils viennent des accusatifs MEUM, MEAM; TUUM, TUAM; SUUM, SUAM. Les pluriels mes, tes, etc., sont les accusatifs latins MEOS, MEAS: SUOS, SUAS, etc.

ILLORUM

Leur vient d'un génitif latin, de ILLORUM: LIBER, le livre d'eux, ou leur livre; ILLORUM LIBRI, les livres d'eux, ou leur livres. C'est ainsi qu'il faudrait écrire leur livres, puisque leur est un génitif pluriel. On a oublié la signification et l'origine de ce mot quand on lui a donné la marque du pluriel leurs.

Vous savez, mesdames, que le féminin, ma, ta, sa, devient mon, ton, son, quand le substantif féminin commence par une voyelle; mon amie, mon espérance, mon illusion. Quel contresens que ce masculin qui qualifie un féminin ! Cette manière de dire a contre elle la logique ; "Elle n'a pour elle que la sanction brutale de l'usage," dit M. Littré. Ma amie serait désagréable à l'oreille, monsieur. Votre langue évite avec soin les hiatus. C'est vrai, mademoiselle, mais notre vieille langue évitait aussi l'hiatus, et sans sacrifier la logique gram

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maticale.

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Comment disait-elle ? Elle disait m'amie, m'espérance, m'illusion; et t'amie, t'espérance. M'amie pour ma amie était aussi bon que l'amie pour la amie. De ces belles formes on a conservé m'amour: amour était autrefois féminin. M'amie-nous a laissé ma mie en deux mots. "Ma mie, ô

vous que j'adore," dit Béranger, dans sa chanson Plus de politique.

Les pronoms possessifs sont : le mien, le tien, le sien, le nôtre, le vôtre, le leur, pour le masculin singulier; la mienne, la tienne, la sienne, la nôtre, la vôtre, la leur, pour le féminin singulier; les miens, les tiens, les siens, pour le masculin pluriel; les miennes, les tiennes, les siennes, pour le féminin pluriel. On dit au pluriel des deux genres: les nôtres, les vôtres, les leurs.

Ils étaient autrefois des adjectifs possessifs comme mon, ton, etc., c'est-à-dire qu'ils accompagnaient le nom, au lieu de le remplacer. On disait un mien frère, un sien ami. On le dit encore quelquefois, mais mon frère est l'expression ordinaire. Le Renard demande au Loup de lui apprendre son métier:

"Je le veux, dit le Loup: il m'est mort un mien frère. *Allons prendre sa peau, tu t'en revêtiras."

LA FONTAINE, Xii. 9.

Mien est encore adjectif dans cette phrase de J. J. Rousseau: "Elle avait beau séparer son bonheur du mien, je le voyais mien en dépit d'elle." Car ce dernier mien accompagne ? le. Vous reconnaissez le pour un pronom personnel, n'est-ce pas? Oui, puisqu'il est le remplaçant de bonheur, le bonheur de la dame dont il est parlé. Le premier mien, du mien, est-il adjectif? Non, certes, monsieur, car il remplace mon bonheur; vous nous avez dit que les pronoms remplacent et que les adjectifs accompagnent. C'est exact.

Notre père présente un adjectif, n'est-ce pas ?-Évidemment.

Mais son père est le mien, le nôtre, le vôtre, le leur? Ce sont des pronoms : ils remplacent.

Le mien, le tien, le sien, sont quelquefois des substantifs.

"On dispute beaucoup sur le mien et le tien.”

Au pluriel tous ces pronoms possessifs sont aussi employés comme substantifs pour signifier les proches, les parents, ou ceux qui sont de notre parti: Nous sentons cruellement la perte des nôtres. Le général Grant et les siens. Ceux-ci sont les partisans du général, si vous parlez d'une campagne électorale. Autrement ce peut être sa femme et ses enfants. Veuillez m'interroger, mesdames.

Faut-il dire : j'ai mal à la tête, ou j'ai mal à ma tête? Comme vous ne pouvez avoir mal à la tête d'un autre, et que c'est vous qui parlez de votre propre mal, ma est inutile. Dites donc j'ai mal à la tête. On évite d'employer l'adjectif possessif quand la possession est marquée d'ailleurs. Ainsi: il est blessé au bras, à la jambe. Mais dites: elle lui donna sa main à baiser.

:

J'ai mon mal de tête se dit aussi, mais a une autre signification que j'ai mal à la tête, il signifie que c'est un mal que j'ai souvent, et qui est comme mien. C'est une triste possession que j'ai.

Vous comprenez pourquoi on dit: J'ai reçu la lettre que vous m'avez écrite, et non pas j'ai reçu votre lettre que vous m'avez écrite ? - Oui, la possession est marquée d'ailleurs, et votre est inutile. C'est pour cela que nous ne disons pas comme vous: I HAVE CHANGED MY OPINION, mais j'ai changé d'opinion.

Et c'est pour cette raison encore que avec les verbes pronominaux, nous n'employous pas l'adjectif possessif, le second pronom marquant suffisamment la possession: Je me suis blessé à la main. Me indique que c'est ma main que j'ai blessée et non celle d'un autre. Quand on emploie sans néces

sité les adjectifs possessifs, c'est pour donner à la phrase une force exceptionnelle : Je l'ai vu de mes yeux, entendu de mes oreilles. Faut-il répéter les adjectifs possessifs devant chacun des substantifs qu'ils déterminent? - Cette répétition est réglée comme celle de l'article: je vous renvoie donc au chapitre de l'article.

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Ainsi, monsieur, on peut dire: Mes père et mère, comme on dit: les père et mère de cet enfant? Oui, l'usage a consacré cette manière peu correcte de s'exprimer. N'étendez pas, je vous en prie, cette incorrection, et soyez aussi précises que possible, mesdames, dans vos discours.

XIII.

LE PRONOM PERSONNEL.

C'EST un des plus importants remplaçants du nom. Il le remplace pour désigner une des trois personnes du discours. À son défaut nous serions obligés de parler comme les enfants aiment à le faire. Paul est sage, Paul veut un morceau de sucre, Paul aime maman, au lieu de : Je suis sage, je veux un morceau de sucre, j'aime maman.

Voici la liste des pronoms avec leur dérivation latine.

Pour la première personne: Je de EGO, me de l'accusatif ME, moi du datif mî contraction de MIHI. Pour la deuxième personne: tu de Tu, te de l'accusatif TE, toi du datif TIBI.

Pour la troisième personne: il de ILLE, elle de ILLA, le de l'accusatif masculin ILLUM, la de l'accusatif féminin ILLAM, lui du datif ILLI.

Pour le pluriel: nous de NOS au nominatif et nous de Nos à l'accusatif, vous de vos au nominatif et vous de vos à l'accusatif, ils de ILLI ou ILLOS, et elles de ILLAS.

Régulièrement d'après ces dérivations, je, tu, il, sont des nominatifs et doivent exprimer seuls les sujets des phrases, car ils sont dérivés du cas-sujet latin, du nominatif. Me, te, le, ont à exprimer le régime direct, puisqu'ils sont l'accusatif latin. Moi, toi, lui, ne peuvent être que des régimes indirects, car ils viennent des datifs latins. La vieille langue était fidèle à cette dérivation et disait: Je qui parle, tu qui

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