Les Levantins en leur légende Disent qu'un certain rat, las des soins d'ici-bas, Dans un fromage de Hollande Se retira loin du tracas. La solitude étoit profonde, S'étendant partout à la ronde. Notre ermite nouveau subsistoit là dedans. Il fit tant, de pieds et de dents, Qu'en peu de jours il eut au fond de l'ermitage Le vivre et le couvert : que faut-il davantage? Il devint gros et gras: Dieu prodigue ses biens A ceux qui font vou d'être siens. Des députés du peuple rat S'en vinrent demander quelque aumône légère : Ils alloient en terre étrangère Chercher quelque secours contre le peuple chat; On les avoit contrainis de partir sans argent, De la république attaquée. Ils demandoient fort peu, certains que le secours Seroit prêt dans quatre ou cinq jours. Mes amis, dit le solitaire, Les choses d'ici-bas ne me regardent plus : Vous assister? que peut-il faire Que de prier le Ciel qu'il vous aide en ceci? Le nouveau saint ferma sa porte. Qui désigné-je, à votre avis, Par ce rat si peu secourable? Un moine? Non, mais un dervis : Je suppose qu'un moine est toujours charitable. Un jour, sur ses longs pieds alloit je ne sais où Le héron au long bec emmanché d'un long cou: L'onde étoit transparente ainsi qu'aux plus beaux jours; Le héron en eût fait aisément son profit : Tous approchoient du bord; l'oiseau n'avoit qu'à prendre. Mais il crut mieux faire d'attendre Qu'il eût un peu plus d'appétit : Il vivoit de régime, et mangeoit à ses heures. Après quelques moments l'appétit vint l'oiseau, Des tanches qui sortoient du fond de ces demeures. Comme le rat du bon Horace. Moi, des tanches! dit-il; moi, héron, que je fasse Du goujon! c'est bien là le diner d'un héron! La faim le prit: il fut tout heureux et tout aise Ne soyons pas si difficiles : Les plus accommodants, ce sont les plus habiles; On hasarde de perdre en voulant trop gagner. Gardez-vous de rien dédaigner, Surtout quand vous avez à peu près votre compte. Bien des gens y sont pris. Ce n'est pas aux hérons Que je parle écoutez, humains, un autre conte : Vous verrez que chez vous j'ai puisé ces leçons. Certaine fille, un peu trop fière, Jeune, bien fait et beau, d'agréable manière, Point froid et point jaloux: notez ces deux points-ci Cette fille vouloit aussi Qu'il eût du bien, de la naissance, De l'esprit, enfin tout. Mais qui peut tout avoir! Le destin se montra soigneux de la pourvoir: |