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Le phaéton d'une voiture à foin

Vit son char embourbé. Le pauvre homme étoit loin
De tout humain secours : c'étoit à la campagne,

Près d'un certain canton de la Basse-Bretagne,
Appelé Quimper-Corentin.

On sait assez que le Destin

Adresse là les gens quand il veut qu'on enrage.
Dieu nous préserve du voyage!

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Pour venir au chartier embourbé dans ces lieux,

Le voilà qui déteste et jure de son mieux,

Pestant, en sa fureur extrême,

Tantôt contre les trous, puis contre ses chevaux,
Contre son char, contre lui-même.

Il invoque à la fin le dieu dont les travaux
Sont si célèbres dans le monde.

Hercule, lui dit-il, aide-moi; si ton dos

A porté la machine ronde,

Ton bras peut me tirer d'ici.

Sa prière étant faite, il entend dans la nue
Une voix qui lui parle ainsi .

Hercule veut qu'on se remue,

Puis il aide les gens. Regarde d'où provient
L'achoppement qui te retient;

Ote d'autour de chaque roue

Ce malheureux mortier, cette maudite boue.
Qui jusqu'à l'essieu les enduit;

Prends tonc pic, et me romps ce caillou qui te nuit ;
Comble-moi cette ornière. As-tu fait? Oui, dit l'homme.
Or bien je vas t'aider, dit la voix; prends ton fouet.
Je l'ai pris... Qu'est ceci? mon char marche à souhait !
Hercule en soit loué! Lors la voix : Tu vois comme

Tes chevaux aisément se sont tirés de là.

Aide-toi, le Ciel t'aidera.

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Le monde n'a jamais manqué de charlatans :
Cette science, de tout temps,

Fut en professeurs très-fertile.

Tantôt l'un en théâtre affronte l'Achéron,

Et l'autre affiche par la ville
Qu'il est un passe-Cicéron.

Un des derniers se vantoit d'être

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En éloquence si grand maître,
Qu'il rendoit disert un badaud,

Un manant, un rustre, un lourdaud;

Oui, messieurs, un lourdaud, un animal, un âne .
Que l'on m'amène un àne, un âne renforcé,
Je le rendrai maître passé,

Et veux qu'il porte la soutane.

Le prince sut la chose; il manda le rhéteur.
J'ai, dit-il, en mon écurie.

Un fort beau roussin d'Arcadie;

J'en voudrois faire un orateur.

Sire, vous pouvez tout, reprit d'abord notre homme. On lui donna certaine somme.

Il devoit au bout de dix ans

Mettre son âne sur les bancs;

Sinon il consentoit d'être en place publique

Guindé la hart au col, étranglé court et net,
Ayant au dos sa rhétorique,

Et les oreilles d'un baudet.

Quelqu'un des courtisans lui dit qu'à la potence
Il vouloit l'aller voir, et que, pour un pendu,
Il auroit bonne grâce et beaucoup de prestance :
Surtout qu'il se souvînt de faire à l'assistance
Un discours où son art fût au long étendu;
Un discours pathétique, et dont le formulaire
Servit à certains Cicérons

Vulgairement nommés larrons.
L'autre reprit Avant l'affaire,

Le roi, l'àne, ou moi, nous mourrons.

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