Le lion dans sa tête avoit une entreprise. Tous furent du dessein, chacun selon sa guise, Porter l'attirail nécessaire, Et combattre à son ordinaire; L'ours, s'apprêter pour les assauts; Le renard, ménager de secrètes pratiques; Le monarque prudent et sage De ses moindres sujets sait tirer quelque usage, Il n'est rien d'inutile aux personnes de sens. Deux compagnons, pressés d'argent, A leur voisin fourreur vendirent La peau d'un ours encor vivant, Mais qu'ils tueroient bientôt, du moins à ce qu'ils dirent. C'étoit le roi des ours, au compte de ces gens. Le marchand à sa peau devoit faire fortune; Elle garantiroit des froids les plus cuisants; On en pourroit fourrer plutôt deux robes qu'une. Ils conviennent de prix, et se mettent en quête; Le marché ne tint pas; il fallut le résoudre : Que l'ours s'acharne peu souvent Sur un corps qui ne vit, ne meut, ni ne respire. Seigneur ours, comme un sot, donna dans ce panneau ; Il voit ce corps gisant, le croit privé de vie : Et, de peur de supercherie, Le tourne, le retourne, approche son museau, C'est, dit-il, un cadavre; ôtons-nous, car il sent. 1 Marchand de moutons, dans Rabelais. Pantagruel, liv. IV, ch. vi. |