Êtes-vous satisfait? Moi, dit-il; pourquoi non? N'ai-je pas quatre pieds aussi bien que les autres ? Mais pour mon frère l'ours, on ne l'a qu'ébauché : Que c'étoit une masse informe et sans beauté. Tout sage qu'il étoit, dit des choses pareilles. Dame baleine étoit trop grosse. Dame fourmi trouva le ciron trop petit, Jupin les renvoya s'étant censurés tous; Du reste, contents d'eux. Mais parmi les plus fous Lynx envers nos pareils et taupes envers nous, Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes : On se voit d'un autre œil qu'on ne voit son prochain. Le fabricateur souverain Nous créa besaciers tous de même manière, Tant ceux du temps passé que du temps d'aujourd'hui : Il fit pour nos défauts la poche de derrière, Et celle de devant pour les défauts d'autrui. 1 Portant besace. Une hirondelle en ses voyages Avoit beaucoup appris. Quiconque a beaucoup vu Celle-ci prévoyoit jusqu'aux moindres orages, Et devant qu'ils fussent éclos, Les annonçoit aux matelots. Il arriva qu'au temps que la chanvre se sème, Elle vit un manant en couvrir maints sillons. 1 Ce mot, qui ne se prend plus qu'en mauvaise part, se disoit alors pour désigner un habitant de la campagne. Ceci ne me plaît pas, dit-elle aux oisillons; Je vous plains, car, pour moi, dans ce péril extrême, Que ce qu'elle répand sera votre ruine. Qui causera dans la saison Votre mort ou votre prison : Gare la cage ou le chaudron! C'est pourquoi, leur dit l'hirondelle, Les oiseaux se moquèrent d'elle : Ils trouvoient aux champs trop de quoi. Quand la chènevière fut verte, L'hirondelle leur dit: Arrachez brin à brin Ce qu'a produit ce maudit grain, Prophète de malheur! babillarde! dit-on, Le bel emploi que tu nous donnes! Pour éplucher tout ce canton. La chanvre étant tout à fait crue, L'hirondelle ajouta : Ceci ne va pas bien; Mauvaise graine est tôt venue. Mais, puisque jusqu'ici l'on ne m'a crue en rien, Sera couverte, et qu'à leurs blés Ne volez plus de place en place, Demeurez au logis ou changez de climat : Mais vous n'êtes pas en état De passer, comme nous, les déserts et les ondes. C'est pourquoi vous n'avez qu'un parti qui soit sûr : Se mirent à jaser aussi confusément Que faisoient les Troyens quand la pauvre Cassandre Il en prit aux uns comme aux autres : Maint oisillon se vit esclave retenu. Nous n'écoutons d'instincts que ceux qui sont les nôtres, Et ne croyons le mal que quand il est venu. |