Sire loup l'eût fait volontiers: Et le mâtin étoit de taille A se défendre hardiment. Le loup donc l'aborde humblement, Il ne tiendra qu'à vous, beau sire, D'être aussi gras que moi, lui repartit le chien. Vos pareils y sont misérables, Cancres, hères et pauvres diables, Dont la condition est de mourir de faim. Car, quoi? rien d'assuré! point de franche lippée! Suivez-moi, vous aurez un bien meilleur destin. Le loup reprit Que me faudra-t-il faire? Presque rien, dit le chien: donner la chasse aux gens Portant bâtons et mendiants; Flatter ceux du logis, à son maître complaire : Sera force reliefs de toutes les façons, Os de poulets, os de pigeons; Sans parler de mainte caresse. Le loup déjà se forge une félicité Qui le fait pleurer de tendresse. Chemin faisant, il vit le cou du chien pelé. 1 Restes de repas. Qu'est-ce là? lui dit-il. - Rien. - Quoi! rien? - Peu de chose. Mais encor? Le collier dont je suis attaché De ce que vous voyez est peut-être la cause. Attaché! dit le loup : vous ne courez donc pas Où vous voulez? - Pas toujours; mais qu'importe? Il importe si bien que de tous vos repas Je ne veux en aucune sorte, Et ne voudrois pas même à ce prix un trésor. La génisse, la chèvre et leur sœur la brebis, Et mirent en commun le gain et le dommage. Eux venus, le lion par ses ongles compta; Et dit: Nous sommes quatre à partager la proie. Puis en autant de parts le cerf il dépeça; Prit pour lui la première en qualité de sire. C'est que je m'appelle lion : A cela l'on n'a rien à dire. La seconde, par droit, me doit échoir encor: Jupiter dit un jour : Que tout ce qui respire S'en vienne comparoître aux pieds de ma grandeur; Je mettrai remède à la chose. Venez, singe; parlez le premier, et pour cause: De leurs beautés avec les vôtres. |