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SCENE V.

L'EXEMPT, ARCHERS, SBRIGANI,

MONSIEUR DE

POURCEAUGNAC.

SBRIGANI.

Ah! Ciel! que veut dire cela?

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Ils m'ont reconnu.

L'EXEMPT.

Oüy, oüy, c'est dequoy je suis ravy.

SBRIGANI.

Eh! Monsieur, pour l'amour de moy! vous sçavez que nous sommes amis il y a long-temps; je vous conjure de ne le point mener en prison. L'EXEMPT.

Non, il m'est impossible.

SBRIGANI.

Vous estes homme d'accommodement; n'y a-t-il pas moyen d'ajuster cela avec quelques pistoles? L'EXEMPT, à ses archers.

Retirez-vous un peu.

SBRIGANI.

Il faut luy donner de l'argent pour vous laisser

aller; faites viste.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Ah! maudite ville!

SBRIGANI.

Tenez, Monsieur.

L'EXEMPT.

Combien y a-t-il ?

SBRIGANI.

Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit,

neuf, dix.

L'EXEMPT.

Non, mon ordre est trop exprés.

SBRIGANI.

Mon Dieu, attendez. Dépeschez, donnez-luy

en encore autant.

Mais...

MONSIEUR DE POURCEAUGnac.

SBRIGANI.

Dépeschez-vous, vous dis-je, et ne perdez point de temps vous auriez un grand plaisir quand vous seriez pendu!

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

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Il faut donc que je m'enfuye avec luy, car il n'y auroit point icy de seureté pour moy. Laissez-lemoy conduire, et ne bougez d'icy.

SBRIGANI.

Je vous prie donc d'en avoir un grand soin.

L'EXEMPT.

Je vous promets de ne le point quitter que je ne l'aye mis en lieu de seureté.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Adieu. Voila le seul honneste homme que j'aye trouvé en cette ville.

SBRIGANI.

Ne perdez point de temps. Je vous aime tant que je voudrois que vous fussiez déja bien loin. [Seul.] Que le Ciel te conduise! Par ma foy, voila une grande dupe. Mais voicy...

SCENE VI.

ORONTE, SBRIGANI.

SBRIGANI, [feignant de ne pas voir Oronte]. Ah! quelle étrange avanture! quelle fâcheuse. nouvelle pour un pere! Pauvre Oronte, que je te plains! Que diras-tu, et de quelle façon pourras-tu suporter cette douleur mortelle ?

ORONTE.

Qu'est-ce? Quel malheur me presages-tu ?
SBRIGANI.

Ah! Monsieur, ce perfide de Limosin, ce traistre de monsieur de Pourceaugnac, vous enleve vostre fille.

Il m'enleve ma fille !

ORONTE.

SBRIGANI.

Oüy, elle en est devenuë si fole qu'elle vous quitte pour le suivre ; et l'on dit qu'il a un caractere pour se faire aimer de toutes les femmes.

ORONTE.

Allons, viste à la justice! Des archers aprés eux!

SCENE VII.

ERASTE, JULIE, SBRIGANI,
ORONTE.

ERASTE.

Allons, vous viendrez malgré vous, et je veux vous remettre entre les mains de vostre pere. Tenez, Monsieur, voila vostre fille, que j'ay tirée de force d'entre les mains de l'homme avec qui elle s'enfuyoit; non pas pour l'amour d'elle, mais pour vostre seule consideration : car, aprés l'action qu'elle a faite, je dois la mepriser et me guerir absolument de l'amour que j'avois pour elle. ORONTE.

les

Ah! infame que tu es!

ERASTE.

Comment! me traiter de la sorte aprés toutes marques d'amitié que je vous ay données! Je ne vous blâme point de vous estre soûmise aux volontez de monsieur vostre pere: il est sage et judicieux dans les choses qu'il fait, et je ne me plains point de luy de m'avoir rejetté pour un autre. S'il a manqué à la parole qu'il m'avoit donnée, il a ses raisons pour cela. On luy a fait croire que cet autre est plus riche que moy de quatre ou cinq mille écus; et quatre ou cinq mille écus est un denier considerable, et qui vaut bien la peine qu'un homme manque à sa parole. Mais oublier en un

moment toute l'ardeur que je vous ay montrée, vous laisser d'abord enflâmer d'amour pour un nouveau venu, et le suivre honteusement sans le consentement de monsieur vostre pere, aprés les crimes qu'on luy impute! c'est une chose condamnée de tout le monde, et dont mon cœur ne peut vous faire d'assez sanglans reproches.

JULIE.

Hé bien, oüy, j'ay conceu de l'amour pour luy, et je l'ay voulu suivre, puis que mon pere me l'avoit choisy pour épous. Quoy que vous me disiez, c'est un fort honneste homme, et tous les crimes dont on l'accuse sont faussetez épouvantables.

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Taisez-vous; vous estes une impertinente, et je mieux que vous ce qui en est.

sçay

JULIE.

Ce sont sans doute des pieces qu'on luy fait, et c'est peut-estre luy qui a trouvé cet artifice pour vous en dégoûter.

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Taisez-vous, vous dis-je; vous estes une sotte.
ERASTE.

Non, non; ne vous imaginez pas que j'aye aucune envie de détourner ce mariage, et que ce soit ma passion qui m'ait forcé à courir aprés vous. Je vous l'ay déja dit, ce n'est que la seule considera

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