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des gesnes, veux faire pendre tout le monde; et, si je ne retrouve mon argent, je me pendray moy-mesme aprés.

des potences et des bourreaux! Je

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ACTE V

M

SCENE PREMIERE

HARPAGON, LE COMMISSAIRE, SON CLERC.

LA

LE COMMISSAIRE.

AISSEZ-MOY faire, je sçay mon mestier, Dieu mercy. Ce n'est pas d'aujourd'huy que je me mesle de découvrir des vols, et je voudrois avoir autant de sacs de mille francs que j'ay fait pendre de personnes.

HARPAGON.

Tous les magistrats sont interessez à prendre cette affaire en main; et, si l'on ne me fait retrouver mon argent, je demanderai justice de la justice.

LE COMMISSAIRE.

Il faut faire toutes les poursuites requises. Vous dites qu'il y avoit dans cette cassette?

HARPAGON.

Dix mille écus bien contez.

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Il n'y a point de supplice assez grand pour l'énormité de ce crime; et, s'il demeure impuny, les choses les plus sacrées ne sont plus en seureté. LE COMMISSAIRE.

En quelles especes estoit cette somme?
HARPAGON.

En bons louis d'or et pistoles bien trébuchantes.
LE COMMISSAIRE.

Qui soupçonnez-vous de ce vol?

HARPAGON.

Tout le monde; et je veux que vous arrestiez prisonniers la ville et les faubourgs.

LE COMMISSAIRE.

Il faut, si vous m'en croyez, n'effaroucher personne, et tascher doucement d'attraper quelques preuves, afin de proceder aprés, par la rigueur, au recouvrement des deniers qui vous ont esté pris.

SCENE II.

MAISTRE JACQUES,

HARPAGON,

LE COMMISSAIRE, SON CLERC.

MAISTRE JACQUES, au bout du theatre, en se
retournant du costé dont il sort.

Je m'en vais revenir. Qu'on me l'égorge tout à l'heure, qu'on me luy fasse griller les pieds, qu'on me le mette dans l'eau boüillante, et qu'on me le pende au plancher.

HÅRPAGON.

Qui? celuy qui m'a dérobé?

MAISTRE JACQUES.

Je parle d'un cochon de lait que vostre intendant vient d'envoyer, et je veux vous l'accommoder à ma fantaisie.

HARPAGON.

Il n'est pas question de cela, et voila Monsieur à qui il faut parler d'autre chose.

LE COMMISSAIRE.

Ne vous épouvantez point. Je suis homme à ne vous point scandaliser, et les choses iront dans la douceur.

MAISTRE JACQUES.

Monsieur est de vostre soupé ?

LE COMMISSaire.

Il faut icy, mon cher amy, ne rien cacher à vostre maistre.

MAISTRE JACQUES.

Ma foy, Monsieur, je montreray tout ce que je sçay faire, et je vous traitteray du mieux qu'il me sera possible.

HARPAGON.

Ce n'est pas là l'affaire.

MAISTRE JACQUES.

Si je ne vous fais pas aussi bonne chere que je voudrois, c'est la faute de monsieur nostre inten. dant, qui m'a rogné les aisles avec les ciseaux de son œconomie.

HARPAGON.

Traistre, il s'agit d'autre chose que de souper, et je veux que tu me dises des nouvelles de l'argent qu'on m'a pris.

MAISTRE JACQUES.

On vous a pris de l'argent?

HARPAGON.

Ouy, coquin! et je m'en vais te faire pendre si tu ne me le rends.

LE COMMISSAIRE.

Mon Dieu, ne le maltraitez point. Je vois à sa mine qu'il est honneste homme, et que, sans se faire mettre en prison, il vous découvrira ce que vous voulez sçavoir. Oüy, mon amy, si vous nous confessez la chose, il ne vous sera fait aucun mal, et vous serez récompensé comme il faut par vostre maistre. On luy a pris aujourd'huy son argent, et il n'est pas que vous ne sçachiez quelques nouvelles de cette affaire.

MAISTRE JACQUES, à part.

Voicy justement ce qu'il me faut pour me van

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