Page images
PDF
EPUB

Et d'un prince éloigné rejetterait la loi.

Joignez à ces raifons qu'un père un peu fur l'âge,
Dont ma feule préfence adoucit le veuvage,

Ne faurait fe réfoudre à féparer de lui,

De fes débiles ans l'efpérance & l'apui;

Et vous reconnaîtrez que je ne vous préfère

Que le bien de l'état, mon pays & mon père.

Voilà ce qui m'oblige au choix d'un autre époux;
Mais comme ces raifons font peu d'effet fur vous,
Afin de redonner le repos à votre ame,

Souffrez que je vous quitte.

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

Etaler vos apas, & vanter vos mépris
A l'infame forcier qui charme vos efprits.
De cette indignité faites un mauvais conte,
Riez de mon ardeur, riez de votre honte,
Favorifez celui de tous vos courtisans
Qui raillera le mieux le déclin de mes ans.
Vous jouïrez fort peu d'une telle infolence;
Mon amour outragé court à la violence;
Mes vaiffeaux à la rade affez proches du port

en prifon, & qu'une forcière délivre. Tout perfonnage principal doit inspirer un degré d'intérêt. C'eft une des régles

L

inviolables. Elles font toutes fondées fur la nature. On a déja averti qu'on ne reprend pas les fautes de détail.

N'ont que trop de foldats à faire un coup d'effort.
La jeunesse me manque, & non pas le courage:
Les rois ne perdent point les forces avec l'âge;
Et l'on verra peut-être, avant ce jour fini,
Ma paffion vengée, & votre orgueil puni,

Fin du second acte.

C

'ACTE III.

ACTE III.

SCENE

PREMIERE.

NERINE.

MALHEUREUX inftrument du malheur qui nous preffe, a)

Que j'ai pitié de toi, déplorable princeffe!
Avant que le foleil ait fait encor un tour,
Ta perte inévitable achève ton amour.

Ton deftin te trahit, & ta beauté fatale

Sous l'apas d'un hymen t'expose à ta rivale;
Ton fceptre eft impuiffant à vaincre fon effort;
Et le jour de fa fuite eft celui de ta mort.
Sa vengeance à la main elle n'a qu'à réfoudre.
Un mot du haut des cieux fait defcendre la foudre.
Les mers pour noyer tout n'attendent que fa loi;
La terre offre à s'ouvrir fous le palais du roi,
L'air tient les vents tout prêts à fuivre fa colère,
Tant la nature efclave a peur de lui déplaire:

Et fi ce n'eft affez de tous les élémens

Les enfers vont fortir à fes commandemens.

Moi, bien que mon devoir m'attache à fon fervice,
Je lui prête à regret un filence complice;

D'un louable defir mon cœur follicité
Lui ferait avec joie une infidélité :
Mais loin de s'arrêter, fa

a) C'est ici un grand exemple de l'abus des monologues. Une fuivante qui vient parler toute feule du pouvoir P. Corneille. Tom. I.

rage

découverte

de fa maîtreffe, eft d'un grand ridicule. Cette faute de faire dire ce qui arrivera, par un acteur qui parle feul, & G

A celle de Créüfe ajouterait ma perte;

Et mon funefte avis ne fervirait de rien,

Qu'à confondre mon fang dans les bouillons du fien.

D'un mouvement contraire à celui de mon ame

La crainte de la mort m'ôte celle du blâme;

Et ma timidité s'efforce d'avancer

Ce que hors du péril je voudrais traverfer.

SCE NE I I.

JASON, NERINE.

JASON.

Nérine, hé bien, que dit, que fait notre exilée?

Dans ton cher entretien s'eft-elle confolée ?
Veut-elle bien céder à la néceffité?

NERINE.

Je trouve en fon chagrin moins d'animofité.
De moment en moment fon ame plus humaine
Abaiffe fa colère, & rabat de fa haine.

Déja fon déplaifir ne nous veut plus de mal.
JASON.

Fai lui prendre pour tous un fentiment égal.
Toi, qui de mon amour connaiffais la tendreffe,
Tu peux connaître auffi quelle douleur me preffe.

qu'on introduit fans raifon, était très commune fur les théatres grecs & latins

ils fuivaient cet ufage, parce qu'il eft facile. Mais on devait dire aux Ménendres, aux Aristophanes, aux Plautes. Surmontez la difficulté; inftrui

fez-nous du fait fans avoir l'air de nous inftruire: amencz fur le théatre des perfonnages néceffaires, qui ayent des raifons de fe parler: qu'ils m'expliquent tout fans jamais s'adreffer à moi; que je les voye agir & dialoguer; finon,

Vous

Je me fens déchirer le cœur à fon départ;
Créüfe en fes malheurs prend même quelque part,
Ses pleurs en ont coulé, Créon même en foupire,
Lui préfère à regret le bien de fon empire;

Et fi dans fon adieu fon cœur moins irrité

En voulait mériter la libéralité,

Si jufques-là Médée apaifait fes menaces,

Qu'elle eût foin de partir avec fes bonnes graces;
Je fais, comme il eft bon, que fes tréfors ouverts
Lui feraient fans réserve entiérement offerts;
Et malgré les malheurs où le fort l'a réduite,
Soulageraient fa peine, & foutiendraient fa fuite.
NÉRINE.

Puifqu'il faut fe réfoudre à ce banniffement,

Il faut en adoucir le mécontentement;
Cette offre y peut fervir; & par elle j'efpère
Avec un peu d'adreffe apaifer fa colère.
Mais d'ailleurs toutefois n'attendez rien de moi,
S'il faut prendre congé de Créüfe & du roi:
L'objet de votre amour & de fa jaloufie

De toutes fes fureurs l'auraient tôt reffaifie.

JASON.

b) Pour montrer fans les voir fon courage apaifé,

Je te dirai, Nérine, un moyen fort aifé;

même d'une intrigué faible & baffe avec un dénouement épouvantable forme une bigarure qui révolte tous les efprits cultivés.

êtes dans l'enfance de l'art. | tastrophe horrible, mais ce contrafte b) Convenons que ce n'eft pas un trop bon moyen d'appaifer une femme & une mère que de lui arracher fes enfans & de lui prendre fes habits. Cette invention de comédie produit une ca

« PreviousContinue »