Que Jason m'y remette ainfi qu'il m'en tira; O d'un injufte affront les coups les plus cruels! Vous voulez qu'on l'honore, & que de deux complices Ceffe de plus mêler ton intérêt au fien; Ton Jafon pris à part eft trop homme de bien Peignez mes actions plus noires que la nuit, Qu'aucun de tant de maux ne va qu'à fon profit. Mais vous les faviez tous quand vous m'avez reçue: b) Hic pretium fceleris talit, bic diadema.. Votre fimplicité n'a point été déçue; En ignoriez-vous un, quand vous m'avez promis Ma main faignante encor du meurtre de Pélie, Quand votre coeur fenfible à la compaffion, Je ne veux plus ici d'une telle innocence, MÉDÉ E. Va, dis-je, en d'autres lieux, Par tes cris importuns folliciter les dieux. c) Soldats, remettez-la chez elle. ] Si Médée est une magicienne auffi puiffante qu'on le dit, & que Créon même le croit, comment ne craint-il pas de l'offenfer, & comment même peut-il difpofer d'elle? C'eft là une étrange contradiction que l'antiquité Grecque s'eft permife. Les illufions de l'antiquité ont été adoptées par nous; les juges ont ofé juger des forciers; mais il s'était répandu une opinion auffi ridicule que celle de la magie même, & qui lui fervait de correctif; c'était que les magiciens perdaient tout leur pouvoir dès qu'ils étaient entre les mains de la juftice, Ma fille les demande en faveur de Jafon. Barbare humanité qui m'arrache à moi-même, Qu'ils me rendent le fang que je leur ai donné. Ne me replique plus, fui la loi qui t'eft faite, Quelle grace! CRÉON. c) Soldats, remettez-la chez elle, Sa conteftation deviendrait éternelle. SCENE I I I. CRÉON Seul. QUel indomtable efprit! Quel arrogant maintien Accompagnait l'orgueil d'un fi long entretien! L'Ariofte, & le Taffe fon heureux imitateur prirent un tour plus heureux; ils feignirent que les enchantemens pouvaient être détruits par d'autres enchantemens; cela feul mettait de la vraifemblance dans ces fables, qui par ellesmêmes n'en ont aucune. Ariofte tout fécond qu'il était, avait apris cet art. d'Homère; il eft vrai que fon Alcine est prodigieufement fupérieure à la Circé de l'Odyfée; mais enfin Homère eft le premier qui parait avoir imaginé des préfervatifs contre le pouvoir de la magie, & qui par-là mit quelque raifon dans des chofes qui n'en avaient pas. A-t-elle pû defcendre à la moindre prière? SCENE I V. CREON, JASON, CRÉUSE. CRÉON. TE voilà fans rivale, & mon pays fans guerres ; Ma fille, c'eft demain qu'elle fort de nos terres. Je ne crois pas, feigneur, que ce vieux roi d'Athènes, d) Il eft bien ici queftion du facré refpect qu'on doit à la condition de ce Créon, qui d'ailleurs joue dans cette piéce un rôle trop froid. Dont e) Nous n'avons que craindre, eft un barbarifme. Cette piéce en a beaucoup. Mais encor une fois, c'eft la première de Corneille. Dont l'âge peu fortable & l'inclination Il doit vous témoigner par fon obéiffance Ont trop de quoi punir fa flamme & fa folie. Nous n'en viendrons pas là, Regarde feulement Au deffus du mépris, comme au-deffus des loix. Si tu ne te défens qu'avec civilité. SCENE V. JASON, CREUSE, CLEONE. Q JASON. Ue ne vous dois-je point pour cette préférence, f) Ces vers montrent qu'en effet on mêlait alors le comique au tragique. Ce mauvais gout était établi dans prefP. Corneille. Tome I. que toute l'Europe, comme on le remarque ailleurs. F |