Et femble reprocher à ma fidélité D'avoir ofé tenir contre tant de beauté. SCENE I I I. CRÉUSE, JASON, CLEONE. QUE JASON. UE votre zéle eft long, & que d'impatience Je n'ai pas fait CRÉUSE. pourtant au ciel beaucoup de vœux, Et moi, puis-je espérer l'effet d'une prière, J'avais déja parlé de leur tendre innocence. b) On fent affez que ce vers Vous le faurez après, je ne veux rien pour rien. eft plus fait pour la farce que pour la tragédie. Mais nous n'infiftons pas fur les fautes de ftyle & de langage. i) Souverains protecteurs des loix de Thyménée &c.] Voici des vers qui annoncent Corneille. Ce monologue est tout entier imité de celui de Sénèque le tragique. Dii conjugales, tuque genialis tori Lucina Cuftos. Rien n'eft plus difficile i) Pourvû qu'à votre tour vous m'accordiez un point Dites, & quel qu'il foit, que ma reine en difpofe. Si je puis fur mon père obtenir quelque chofe, Vous pourrez au palais fuivre cet entretien; Souverains SCENE 1 V. MÉDÉE Seule. Ouverains protecteurs des loix de l'hyménée, que de traduire les vers latins & grecs en vers français rimés. On eft prefque toujours obligé de dire en deux lignes ce que les anciens ont dit en une. Il y a très-peu de rimes dans le ftile noble, comme je le remarque ailleurs ; & nous avons même beaucoup de mots auxquels on ne peut rimer. Auffi le poëte eft rarement le maître de fes expreffions. J'ofe affirmer qu'il n'eft point de langue dans laquelle la verfification ait plus d'entraves. Et vous, troupe favante en noires barbaries, Qu'à fes plus grands malheurs aucun ne compatiffe, k) Et m'aidez à venger cette commune injure] n'apartient qu'à Corneille. Racine a imité ce vers dans Phèdre: Déeffe, venge-toi, nos caufes font pareilles. Mais dans Corneille il n'eft qu'une beauté de poefie; dans Racine il eft une beauté de fentiment. Ce monologue pourait au D'être jourd'hui paraître une amplification, une déclamation de rhétorique. Il eft pourtant bien moins chargé de ce défaut que la fcène de Sénèque. 1) Me peut-il bien quitter après tant de bienfaits? &c.] Ces vers font dignes de la vraie tragédie, & Corneille n'en a guères fait de plus beaux. Si au lieu M'ofe-t-il bien quitter après tant de forfaits? Il faut faire un chef-d'oeuvre; & qu'un dernier ouvrage d'être noyés dans un long monologue inutile, ils étaient placés dans un dialogue vif & touchant, ils feraient le plus grand effet. Ces Monologues furent très-long-tems à la mode. Les comédiens les fefaient ronfler avec une emphase ridicule, ils les exigeaient des auteurs qui leur vendaient leurs piéces; & une comédienne P. Corneille. Tome I. qui n'aurait point eu de monologue dans fon rôle, n'aurait pas voulu réciter? Voilà comme le théatre relevé par Corncille commença parmi nous. Des farceurs ampoulés repréfentaient dans des jeux de paume ces mafcarades rimées, qu'ils achetaient dix écus. Les athéniens en ufaient autrement. D Surpaffe de bien loin ce faible apprentiffage. Mais pour exécuter tout ce que j'entreprens, m) Soleil, qui vois l'affront qu'on va faire à ta race, Je veux choir fur Corinthe avec ton char brûlant. De mon jufte couroux les implacables vœux Créon en: eft le prince, & prend Jason pour gendre:: SCENE V MÉDÉE, NERINE. MÉ DÉ E. Hé bien, Nérine, à quand, à quand cette hyménée ? En ont-ils choifi l'heure?. En fais-tu la journée ? m) Soleil, qui vois l'affront qu'on va faire à ta race.] Cette prière au foleil fon père eft encor toute de Sénèque, & devait faire plus d'effet fur les peuples qui mettaient le foleil au rang des dieux, que fur, nous qui n'admettons pas cette mythologie. 1) S'il ceffe de m'aimer, qu'il commense |