En forme de ballade que feit Villon pour luy et ses compagnons, s'attendant estre pendu avec eux.
RERES humains, qui après nous vivez, N'ayez les cuers contre nous endurcis, Car, se pitié de nous povres avez, Dieu en aura plus tost de vous mercis. Vous nous voiez cy atachez cinq, six, Quant de la chair, que trop avons nourrie, Elle est pieça devorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et pouldre. De nostre mal personne ne s'en rie,
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre!
Se freres vous clamons, pas n'en devez Avoir desdaing, quoy que fusmes occis Par justice. Toutesfois, vous sçavez Que tous hommes n'ont pas bon sens assis; Excusez nous puis que sommes transsis Envers le filz de la Vierge Marie,
Que sa grace ne soit pour nous tarie, Nous preservant de l'infernale fouldre. Nous sommes mors, ame ne nous harie; Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre!
La pluye nous a buez et lavez,
Et le soleil desechez et noircis ;
Pies, corbeaulx, nous ont les yeux cavez, Et arraché la barbe et les sourcilz. Jamais, nul temps, nous ne sommes assis Puis çà, puis là, comme le vent varie, A son plaisir sans cesser nous charie,
Plus becquetez d'oiseaulx
Ne soiez donc de nostre confrairie,
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre!
Prince Jhesus, qui sur tous a maistrie, Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie : A luy n'ayons que faire ne que souldre. Hommes, icy n'a point de mocquerie,
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre
MORT, j'appelle de ta rigueur,
Qui m'a ma maistresse ravie,
Et n'es pas encore assouvie, Se tu ne me tiens en langueur. Onc puis n'eus force ne vigueur; Mais que te nuysoit elle en vie, Mort?
Deux estions, et n'avions qu'ung cuer; S'il est mort, force est que devie, Voire, ou que je vive sans vie, Comme les images, par cuer, Mort!
Grant Testament, clxiii-clxv ITEM, j'ordonne à Saincte-Avoye,
Et non ailleurs, ma sepulture; Et-affin que chascun me voie, Non pas en char, mais en painture – Que l'on tire mon estature
D'ancre, s'il ne coustoit trop chier.
De tombel? Riens; je n'en ay cure, Car il greveroit le plancher.
Item, vueil qu'autour de ma fosse Ce que s'ensuit, sans autre histoire, Soit escript, en lettre assez grosse, Et qui n'auroit point d'escriptoire —
De charbon ou de pierre noire, Sans en riens entamer le plastre: Au moins sera de moy memoire Telle qu'elle est d'ung bon follastre.
CY GIST ET DORT EN CE SOLLIER, Qu'AMOURS OCCIST DE SON RAILLON, UNG POVRE PETIT ESCOLLIER, QUI FUST NOMMÉ FRANÇOYS VILLON. ONCQUES DE TERRE N'OT SILLON. IL DONNA TOUT, CHASCUN LE SCET: TABLES, TRESTEAULX, PAIN, CORBEILLON. AMANS, DICTES-EN CE VERSET.
REPOS eternel, donne à cil,
Sire, et clarté perpetuelle,
Qui vaillant plat ni escuelle
N'eut oncques, n'ung brain de percil. Il fut rez, chief, barbe et sourcil, Comme ung navet qu'on ret ou pelle. Repos eternel donne à cil.
Rigueur le transmit en exil,
Et luy frappa au cul la pelle,
Non obstant qu'il dit: 'J'en appelle !' Qui n'est pas terme trop subtil.
Repos eternel donne à cil.
(Pensées de la Reine de Navarre, étant dans sa litière durant la maladie du Roi.)
DIEU, qui les vostres aimez,
J'adresse vous seul ma complainte;
Vous, qui les amis estimez,
Voyez l'amour que j'ai sans feinte, Où par votre loi suis contrainte, Et par nature et par raison. J'appelle chaque Saint et Sainte Pour se joindre à mon oraison,
Las! celui que vous aimez tant Est détenu par maladie,
Qui rend son peuple malcontent, Et moi, envers vous si hardie Que j'obtiendrai, quoique l'on die, Pour lui très parfaite santé. De vous seul ce bien je mendie, Pour rendre chacun contenté.
Le désir du bien que j'attens Me donne de travail matière. Une heure me dure cent ans, Et me semble que ma litière Ne bouge ou retourne en arrière, Tant j'ai de m'avancer désir. O! qu'elle est longue, la carrière Où a la fin gist mon plaisir ! Je regarde de tous costés Pour voir s'il arrive personne;
Priant sans cesser, n'en doutez, Dieu, que santé à mon Roi donne; Quand nul ne vois, l'œil j'abandonne A pleurer; puis sur le papier Un peu de ma douleur j'ordonne: Voilà mon douloureux mestier.
O! qu'il sera le bienvenu, Celui qui, frappant à ma porte, Dira 'Le Roi est revenu
En sa santé très bonne et forte!' Alors sa sœur, plus mal que morte, Courra baiser le messager Qui telles nouvelles apporte,
Que son frère est hors de danger.
CLEMENT MAROT
Chant de May et de Vertu
VOULENTIERS
ENTIERS en ce
moys icy La terre mue et renouvelle. Maintz amoureux en font ainsi, Subjectz a faire amour nouvelle Par legiereté de cervelle,
Ou pour estre ailleurs plus contens; Ma façon d'aymer n'est pas telle, Mes amours durent en tout temps.
N'y a si belle dame aussi De qui la beaulté ne chancelle; Par temps, maladie ou soucy, Laydeur les tire en sa nasselle;
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